Les élections législatives de 2017 resteront dans les annales de l’histoire politique du Sénégal.
Pas parce que le Sénégal organisait ces genres de joutes électorales pour la première fois. Mais parce que ces élections ont été, selon la majeure partie des observateurs de la scène politique et les acteurs, les plus mal organisées.
Si les législatives de 2017 ont été jugées chaotiques, c’est sans nul doute à cause de la mauvaise préparation volontaire ou involontaire. En effet, l’introduction de la nouvelle carte d’identité biométrique de la Cedeao couplée à celle de l’électeur a beaucoup marqué le processus électoral. Comme l’a du reste reconnu la Cena dans son dernier rapport sur ces élections. «Les élections législatives du 30 juillet 2017 se sont déroulées dans un contexte particulier marqué par des réformes institutionnelles majeures dont le premier jalon a été posé par la loi n°2016-09 du 14 mars 2016 instituant une carte d’identité biométrique Cedeao, conformément à la décision adoptée par la quarante sixième (46ème) session ordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, tenue à Abuja le 15 décembre 2014. Cette réforme sera suivie par la loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution, adoptée par voie de référendum le 20 mars 2016 et introduisant dans la Charte fondamentale, entre autres innovations, la participation des Indépendants à tous les types d’élection ainsi que la représentation des Sénégalais de l’extérieur par des députés à eux dédiés», peut-on lire dans le rapport de la Cena. Malgré les doutes de l’opposition sur la capacité de l’administration à produire 5 millions de cartes avant les élections, le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo n’en fera qu’à sa tête. Résultat des courses : Plus d’un millions cinq cent mille Sénégalais n’ont pu accomplir leur devoir civique le 30 juillet 2017 parce que ne disposant pas de leur carte d’électeur. Une situation que les autorités expliquent par l’engouement suscité par le couplage de la carte d’identité biométrique avec la carte d’électeur. Ajoutez à cela une inflation jamais notée de candidatures (47 listes au total).
«Le temps, dans une géométrie variable, aura été le plus grand ennemi de ces élections : souvent trop court, rapporté à l’ampleur et à la complexité des opérations à mener, parfois trop long, apprécié à l’aune des interrogations et des inquiétudes des populations quant à l’organisation du scrutin à date échue et dans des conditions acceptables, et même mauvais, avec ces fortes précipitations enregistrées, la veille du vote, sur toute l’étendue du territoire national, perturbant sérieusement le transport du matériel ainsi que l’aménagement des bureaux de vote», reconnait la Cena.
Un scrutin aux allures d’une pagaille
Jamais le Sénégal n’aura connu un scrutin aussi mouvementé. La journée du 30 juillet a été pleine de tension du début à la fin surtout à Dakar et à Touba. Deux grandes villes favorables à l’opposition. A Touba, parce que l’ancien Président Wade avait toujours gardé sa popularité dans la capitale du Mouridisme. A Dakar parce que le maire de la capitale, Khalifa Sall avait vu son capital sympathie grimper. Dans certains endroits, le vote ne démarre qu’à 12 h passées à Dakar et à l’intérieur du pays. Tandis qu’à Touba, une bataille rangée provoque le saccage de deux cent vingt (220) bureaux de vote. Ce n’est pas tout, car hors du Sénégal, la même situation de capharnaüm est constatée. En Côte d’Ivoire par exemple, dix-neuf (19) bureaux de vote n’ont pas fonctionné en raison de l’absence de bulletins de vote, ce qui a occasionné la colère des électeurs.
A ces dysfonctionnements s’ajoute une utilisation jugée abusive des ordres de missions à Dakar le jour du scrutin. Sept mille au total. En effet, pour la première fois une disposition proposée par le chef de l’Etat et validée par le Conseil constitutionnel permettait à l’électeur de voter avec son récépissé d’inscription, sa carte d’identité nationale numérisée, son passeport, un document d’immatriculation pour les primo-inscrits non détenteurs d’un des trois premiers documents administratifs.
A l’arrivée, la coalition Benno bokk yaakaar va rafler la mise suivie de la Coalition gagnante Wattu Senegaal de Me Wade et de Manko Taxawu Senegaal de Khalifa Sall. «Une grande fraude organisée», disent en concert les coalitions de l’opposition. Me Wade et ses partisans produisent même un libre blanc pour relever toutes les fautes constatées dans ce processus électoral. Un document dans lequel la Coalition gagnante exige pour les élections à venir, la confection de la totalité des cartes d’électeur par une seule entreprise, publiquement identifiée, la distribution complète des cartes d’électeur à leurs ayants droit ; la suppression et l’interdiction d’impression, de reproduction, de distribution et d’utilisation de récépissés et d’ordres de mission tenant lieu de cartes d’électeur produites en masse.
Le cas contraire, Me Wade et Cie menacent de plus participer à aucune élection ou consultation, de quelque nature qu’elle soit, organisée et supervisée par un Gouvernement de Macky Sall. Une menace qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque Macky Sall a limogé son ministre de l’Intérieur et organisateur du chaos électoral. Même s’il l’a remplacé par Aly Ngouille Ndiaye un autre haut responsable de l’Apr.
Georges Nesta DIOP