L’argent qui proviendrait de la traque des biens mal acquis sème le trouble dans le camp présidentiel.
Dans un communiqué le gouvernement rajoute à la confusion en parlant de 152 984 119 934 francs CFA, loin des 200 milliards annoncés par l’ancien ministre de la Justice.
L’Etat s’entremêlerait-il les pinceaux s’agissant de la somme recouvrée dans le cadre de la traque des biens mal acquis et qui visait les dignitaires de l’ancien régime de Wade ? En tout cas, les chiffres qu’il avance sont nettement différents des chiffres annoncés par l’ancien ministre de la Justice et ancien Premier ministre, Aminata Touré, qui était pourtant au cœur du système et surtout architecte de cette traque. En outre, le communiqué du gouvernement faisant état du recouvrement de plus de 152 milliards en dehors de la traque rend les choses beaucoup plus obscures. «L’Etat a engagé des actions qui ont permis de dénouer favorablement différents contentieux ayant rapporté des ressources additionnelles au budget de l’Etat. Ces actions ont déjà permis de recouvrer des ressources financières importantes dont la traçabilité se retrouve à travers les Lois de finances successives, adoptées par la représentation nationale, soit pour la période 2012 – 2015 un montant global de 152 984 119 934 francs CFA: Seconde Loi de finances rectificative pour l’année 2013 (inscription de 3 montants : 2 498 314 563 FCFA, 24 600 355 371 FCFA, 11 365 450 000 F CFA). Loi de Règlement 2014 pour la gestion 2012 (constatation d’un montant de 39 520 000 000 FCFA). Première Loi de finances rectificative pour l’année 2014 (inscription d’un montant de 45 000 000 000 FCA). Seconde Loi de finances rectificative pour l’année 2014 (inscription d’un montant de 5 000 000 000 FCFA). Loi de finances initiale pour l’année 2015 (inscription d’un montant de 25 000 000 000 FCFA », lit-on dans un communiqué signé par Seydou Guèye, le porte-parole du gouvernement.
Bien entendu, poursuit le document, ce montant de 152 984 119 934 francs CFA, qui ne couvre que trois exercices budgétaires et qui a été totalement retracé à travers les Lois de Finances et les Lois de Règlement de 2012 à 2015, est évolutif sous réserve du recouvrement de certains biens dont l’évaluation est en cours.
Mais, samedi dernier, Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de l’Afp qui s’exprimait au siège de son parti, déclare n’avoir pas souvenance qu’une loi de finances rectificative ait été discutée ou votée sur 200 ou 300 milliards.
Pour sa part, membre du Conseil d’administration du Forum civil, Birahime Seck affirme que le gouvernement, est pire que Mimi Touré qui chiffre le montant recouvré à 200 milliards de francs dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Birahime Seck note d’abord que les 2 498 314 563 FCFA mentionnés dans le communiqué ne résultent point de la traque des biens mal acquis. «Ils résultent des sommes encaissées au titre de la quote-part de l’Etat sur la plus value de cession d’actifs et d’occupation d’un immeuble par la SONACOS. Ensuite, les 24 600 355 371 FCFA proviennent de la redevance de cession versée par la société Dubaï Port World (rapport IGE, juillet 2013, page 92 et suivants)», soutient-il.
De plus, poursuit-il, les 11 365 450 000 F CFA représentent le complément, versé au cours de l’année 2013, au titre de la redevance de Millicom bénéficiaire de la deuxième licence de téléphonie mobile. En outre, dit-il encore, les 39 520 000 000 F CFA sont le produit des négociations avec Millicom. Ce montant, d’après lui, est mentionné dans le rapport 2013 de la Cour des comptes pages 47. «Dans le communiqué du Gouvernement, il est quand même bizarre de voir cette somme reliée à une loi de règlement et non à une loi de finances rectificative ou à une loi de finances initiale. C’est comme rejoindre l’au-delà sans naître ni mourir, si on naît», raille ce membre du Forum civil.
En outre, sur la liste des 25 personnalités de l’ancien régime établie par l’ancien procureur de la Crei, Alioune Ndao, seul Karim Wade a été jugé et condamné. Tous les autres n’ont jamais été traduits en justice. Ils sont libres comme l’air et surtout ils nient en bloc avoir transigé. Ils nient avoir remis un centime au gouvernement en contrepartie de l’arrêt des poursuites judiciaires.
Charles Gaïky DIENE