Malgré les nombreuses déclarations d’intension depuis 2012, le tourisme sénégalais continue de faire grise mine.
Si un regain d’activités est noté dans le tourisme d’affaires après le sinistre de l’épidémie à virus Ebola, le tourisme interne peine à décoller. Samedi dernier, dans le cadre de la 26e Fidak, le ministre du Tourisme a lancé la campagne de promotion de ce tourisme des résidents. Mais, pousser les Sénégalais à découvrir leur propre pays, des acteurs présents à ce panel, ont estimé que les autorités, à commencer par Mame Mbaye Niang, doivent donner l’exemple en passant leurs prochaines vacances au pays.
La promotion du tourisme interne que prône le ministre Mame Mbaye Niang est salutaire. A côté du million de touristes que revendique le Sénégal, les hôteliers, seraient sans doute très enchantés d’accueillir une clientèle locale, surtout en période de saison morte. Mais cette nouvelle ruse de guerre de l’intrépide Mame Mbaye Niang serait efficace s’il promettait lui-même de passer ses prochaines vacances au Sénégal et qu’il convainc ses collègues de faire foule ensemble dans les hôtels. Ce qui serait un grand bol d’air pour ce secteur transversal qui en a largement besoin.
Même s’il a promis, samedi, à la 26e Foire internationale de Dakar (Fidak), de donner l’exemple, le ministre se réserve le droit d’aller voir sa maman au Maroc. Un acte qu’il demande toutefois à ne pas confondre avec des vacances chez Sa Majesté le Commandeur des croyants.
Selon plusieurs acteurs du tourisme présents à cette rencontre, les autorités qui font la promotion du tourisme interne leur cheval de bataille sont les premiers à se payer des vacances dorées, aux frais du contribuable, au Maroc, où les va-et-vient incessants d’une présidente d’institution commencent à intriguer, à Dubaï ou encore à Paris.
Aussi louable que puisse être cette ambition, elle ne se fera pas tant que l’exemple ne viendra du sommet comme en France où généralement les ministres et leurs familles passent leurs vacances dans l’Hexagone, y compris dans les territoires d’Outremer. Et des acteurs rencontrés lors de ce panel qui avait pour thème : «Le Sénégal à l’heure de la promotion du tourisme interne», estiment que si Macky Sall et ses ministres continuent de passer leurs vacances ailleurs, ils ne peuvent inciter les rares Sénégalais, qui peuvent s’en payer, d’aller se promener dans les artères de la ville lumière ou se taper un safari dans le désert dubaoïte et voir le Burj Kalifa. «Tant que les autorités ne donneront pas l’exemple, ce sera du bla-bla de politicien et l’idée, à peine née, finira dans le bêtisier» comme les récentes déclarations de Mame Mbaye Niang en France sur le plateau de France24.
Aussi, des acteurs présents à ce panel jugent qu’on devrait d’abord penser à renforcer le pouvoir d’achat des Sénégalais, particulièrement celui des classes moyennes. Cela, à côté de l’augmentation de la conscience touristique des Sénégalais à la culture des loisirs et des vacances, comme moyens de détente, de ressourcement et de découverte de leur pays. Pour créer l’émergence d’un marché touristique intérieur, il faudrait également, selon Moustapha Kane, Secrétaire permanent du Syndicat patronal de l’industrie hôtelière au Sénégal (Spihs), renforcer le professionnalisme des acteurs à concevoir et proposer aux Sénégalais des produits de qualité, adaptés à leurs goûts et leurs revenus.
Force est de rappeler que ce débat n’est pas nouveau au Sénégal. Et il y a 4 ans, Mamadou Racine Sy, président du Syndicat patronal de l’industrie hôtelière, avait offert des nuitées à tout résident qui le souhaitait dans des réceptifs de Casamance, le client ne devant s’acquitter que de ses frais pour la restauration. Mais, il disait ne pas voir grand monde se bousculer au Néma Kadior.
Au Sénégal, le tourisme interne ou tourisme des résidents représente, d’après les statistiques de Mame Mbaye Niang, 18 % des arrivées globales. «Notre objectif est de porter ce chiffre à 25 % à l’horizon 2023 pour cadrer avec les objectifs du Plan Sénégal émergent (Pse)», projette le ministre. Mais pour y arriver, il y a du chemin à parcourir. Car, les touristes de nos principaux marchés émetteurs se sont tournés vers des destinations exotiques comme Cuba, la Tunisie, le Maroc ou même le voisin Cap verdien où ils ne sont pas agressés par des parasites à l’aéroport, gênés par l’insalubrité ou sont obligés de compatir du spectacle désolant des talibés à la recherche de pitance. Ce, sans compter les prix compétitifs proposés par les tours opérators sur ces destinations. Tout le contraire du Sénégal où les taxes aéroportuaires renchérissent les prix des billets et où les nuitées dans les hôtels sont aussi cher que dans la plus belle ville du monde ou à Dubaï.
Seyni DIOP