CONTRIBUTIONLes excellents managers et chefs de projets que nous avons au Sénégal savent, qu’une mise en production pareille d’un projet stratégique comme l’ouverture de l’Aéroport International Blaise Diagne (Aibd) nécessite réflexion et concertation stratégique (en termes de métier et connaissance de management de projet) et, devant les enjeux, on opte souvent entre deux approches : faire une bascule progressive ou appliquer «la méthode big bang». Il apparaît que c’est la deuxième qui a été retenue, sûrement pour des considérations de coût, ou autres. Mais reconnaissons que ça n’a pas marché au mieux (nous récusons le mot échec).
Le problème ce n’est pas de critiquer, ou de dire que nous aurions pu faire mieux ou encore moins de se mettre en avant. Nous laissons ce point aux politiciens et aux polémistes. Ce qu’il y a lieu de faire actuellement, c’est de récupérer l’état de fait sur la réalité de l’ouverture de cet aéroport et faire au mieux pour que les conséquences économiques et techniques soient conjurées. Les conséquences sont fâcheuses et peuvent coûter très cher à notre économie, à la «destination Sénégal», mais surtout à notre réputation. Sur ce dernier point, parlant de la réputation, nous savons bien combien ça coûte cher de restaurer une crédibilité, de ramener la confiance. Nous ne sommes pas seuls au monde, ni seuls dans la sous-région…. En ne s’attaquant pas de façon sérieuse et conséquente à ce problème de fonctionnement de l’aéroport, nous perdons de la crédibilité de façon durable, et surtout nous bazardons notre crédibilité et le mythe de notre expertise en prend un coup.
Certains esprits pourtant brillants ont confondu une aérogare prête et flambant neuf et un aéroport prêt ! C’est consternant. Un aéroport, c’est une aérogare certes, mais aussi tous les services autour de la venue et du départ des avions en terme technique, logistique, commercial, sécuritaire etc.
Dans les hautes directions des grandes compagnies qui desservent Aibd, nous sommes aujourd’hui la risée, et surtout que ces managers de classe mondiale en contact avec de hauts responsables de l’Etat avaient alerté et soulevé plusieurs points qui auraient pu être évités. Nous en voulons pour exemple la grève des contrôleurs aériens : depuis au moins 3 mois, sur la grève prévisible des contrôleurs aériens, quand des responsables de compagnies ont attiré l’attention sur ce que ce serait comme conséquence dans l’exploitation de l’Aibd, des autorités étatiques en charge de ce dossier ont minimisé ce risque en brandissant la solution radicale de «réquisitionner le personnel» au moment venu, nous avons vu ce qu’il en était. Nous avons assisté à une grève de 24 heures, une fermeture de l’aéroport qui a nécessité que notre Premier ministre rentre en jeu dans les négociations. Nous pourrions nous en passer honnêtement ! Un aéroport fermé durant 24 heures dans un pays qui n’en compte qu’un de portée internationale est grave. C’est hallucinant. Les conséquences de cette grève sur notre économie ne sont pas négligeables. Nous ne dirons pas que ça n’a jamais existé ailleurs, mais ce sont des conditions particulières de cas de force majeure qui ont occasionné des situations semblables. Nous pensons au cas Islandais avec l’irruption des volcans, ou le récent incendie de l’aéroport d’Atlanta. A Roissy Charles De Gaule ou à Orly, ils peuvent aussi être en grève, comme dans beaucoup d’autres pays, car c’est un droit (un droit constitutionnel au Sénégal) mais au moins dans ces deux grands aéroports français, ça occasionne certes des perturbations, mais ils assurent tout de même 30 à 50 % des vols, ils évitent l’arrêt total du trafic. Les conséquences seraient fâcheuses pour l’économie française.
Tous ces problèmes de management posent la question de culture managériale dans notre pays. Des études pointues devraient être menées pour voir les freins que nous avons chez nous, qui nous empêchent de réussir ces projets d’envergure que d’autres managers dans d’autres pays réussissent avec des contraintes certes, mais avec brio. Ces autres managers dans d’autres pays ont été dans les mêmes écoles et universités que les nôtres. Une première lecture indique que l’immixtion et la prépondérance du politique sur les compétences et la technicité nous est fatale.
Mettre une nouvelle monnaie en place qui remplacera le Cfa est une autre paire de manche qui interpellera encore cette culture managériale. Nous précisons qu’aucun doute ne serait permis sur la compétence des hommes et femmes dans nos banques centrales à pouvoir mener à terme ce projet. Mais nous attirons tout de même l’attention sur notre capacité à conjuguer ces compétences avec nos freins culturels et sociologiques.
Mais, à l’heure actuelle, l’urgence est à la mise en place d’une task force efficace et large, avec toutes les compétences pertinentes dont nous disposons dans le secteur pour travailler en agilité sur tous les domaines afin que notre bijou qu’est l’Aibd soit opérationnel dans les prochaines semaines. Le principal est de corriger et d’avancer et non de stigmatiser. C’est un souhait républicain. Votre réussite est celle du pays, donc la nôtre. Nos encouragements.
Mohamed LY
Président du Think Tank IPODE