Y a-t-il un pilote dans le cockpit ? La question mérite d’être posée au vu du mutisme observé après la grève déclenchée à l’Aibd et qui a coupé, pendant 24 heures, le Sénégal du reste du monde. Jusque-là, on est dans une situation de faute sans responsable.
S’il y a un ministre qui doit surveiller ses arrières, renforcer ses bases et étayer au béton armé son avenir, c’est bien celui des Transports aériens et des Infrastructures aéroportuaires. Depuis le déclenchement de la grève des aiguilleurs du ciel et contrôleurs du transport aérien, quelque dix jours après l’inauguration de l’Aibd, le nom de Mme Maïmouna Ndoye Seck est sur toutes les lèvres. Même dans la mouvance présidentielle, des voix s’élèvent pour réclamer sa tête. Invité, hier, de l’émission Grand jury de la Rfm, Me Ousmane Sèye, allié du président de la République et patron d’une formation politique membre de la coalition au pouvoir, a réclamé, sans la nommer, des sanctions contre Mme Seck. Sa faute ? Avoir laissé «pourrir» une situation qui a abouti à la grève du 15 décembre qui a porté un coup dur à l’image du Sénégal où, pendant 24 heures, aucun avion n’a atterri ou décollé, des compagnies aériennes s’étant vu dans l’obligation de dérouter leurs vols vers d’autres aéroports de la sous-région. Ce, alors que, lors de l’inauguration du nouvel aéroport, le président de la République avait, dans son discours, attiré l’attention sur la nécessité d’ouvrir des concertations avec les partenaires sociaux du secteur pour aplanir les divergences et anticiper sur les difficultés. Un appel qui n’a, apparemment, pas été entendu. Ou, à tout le moins, a été faussement interprété, pas été pris au sérieux ou mal appliqué par ceux qui en avaient la charge. Sauf que ceux qui réclament la tête du ministre prêchent jusqu’ici dans le désert.
Certes, elle est responsable parce que, chargée au premier chef, de la question des transports aériens et du fonctionnement des infrastructures aéroportuaires. Mais, la chaîne de responsabilités dépasse la seule personne de Mme Seck. Pour avoir voulu, coûte que coûte, inaugurer un aéroport encore en chantier dans une logique de bilan et d’agenda, l’autorité politique, le président de la République en l’occurrence, y a aussi sa part de responsabilité. C’est, en effet, en Conseil des ministres, que Macky Sall a fixé au 7 décembre 2017 la date d’inauguration du nouvel aéroport. Une annonce qui a constitué un élément de pression sur la tutelle de l’aéroport, obligée de se plier en quatre pour honorer cet agenda présidentiel. La conséquence étant que, à la place d’un aéroport fonctionnel à 100 %, Macky Sall et ses invités ont inauguré une «maquette» puisque la plupart des commodités n’étaient pas au point. Il s’agit, entre autres, du logement des aiguilleurs dont les conventions internationales veulent qu’ils habitent dans la zone aéroportuaire. Il s’agit, également, de l’approvisionnement en kérosène des aéronefs, mais également de l’accueil des dépouilles mortelles, etc.
La tutelle technique, l’Asecna, en l’occurrence, devra aussi assumer sa part de responsabilité pour s’être laissé dicter son agenda par l’autorité politique.
La responsabilité des grévistes eux-mêmes ne peut être dissoute dans celle des autres. Certes, la grève est un droit constitutionnel. Mais, son exercice obéit à un certain nombre de contraintes qui constituent autant de droits pour les usagers du service public du transport aérien dont le moindre est celui de se déplacer d’un point à un autre du globe, à partir du Sénégal, et de pouvoir y revenir dans les mêmes conditions de sûreté et de sécurité. Par conséquent, au lieu d’invoquer Ponce-pilate, comme elles savent si bien le faire depuis le naufrage du Joola, nos autorités gagneraient à situer les responsabilités des uns et des autres et engager, sans cruauté inutile ni faiblesse coupable, des sanctions au prorata des fautes commises.
Ibrahima ANNE