CONTRIBUTION
Le président américain Trump vient de prendre une décision choquante, irrespectueuse de la communauté internationale et gravissime par ses conséquences : la reconnaissance de Jérusalem comme capital d’Israël. Cette décision vient d’un homme iconoclaste, dont non seulement l’élection a surpris plus d’un, mais aussi qui a subi beaucoup de revers dans la mise en œuvre de ses réformes. Il convient de rappeler l’échec sur les décrets visant à empêcher aux ressortissants de certains pays à majorité musulmane d’accéder aux Etats-Unis, et le retrait de son projet de réforme du système de santé. C’est un «lion blessé», en pleine crise de personnalité, qui veut montrer au monde qu’il existe. C’est à mon sens la vraie raison d’une décision insensée et irréfléchie et non comme le sous-tendent certains analystes politiques une volonté de mettre en œuvre une promesse de campagne.
Cette décision est grave, mais venant d’un homme singulier, dont un second mandat à la tête des Etats Unis est incertain, elle doit être considérée comme une provocation et ne mérite pas toute cette vague d’indignation pour plusieurs raisons : premièrement, elle ne sera certainement pas suivie par les autres Etats ; deuxièmement son application sera différée au regard des délais de construction que requiert une nouvelle ambassade ; troisièmement, la décision ne me semble pas sincère, puisque, de manière symbolique, les bâtiments américains situés en plein cœur de Jérusalem auraient pu effectivement abriter la future ambassade américaine si la volonté y était. Quatrièmement en agissant ainsi, Trump réagit de manière épidermique à la résolution 2334, adoptée au Conseil de sécurité des Nations unies (Onu), le vendredi 23 décembre 2016. Ce texte déposé de manière lâche par un Barack Obama qui a fait preuve d’immobilisme sur la question durant son mandat et en partance, condamnait la colonisation israélienne.
Pour toutes ces raisons, contrairement à la communauté internationale, je pense que c’est un coup d’épée dans l’eau d’un dirigeant ayant maille à partir avec une grande partie de son peuple et qui cherche à redorer son blason et à montrer qu’il existe et qu’il faut compter sur lui en dépit de ses impairs. Le revers subi au mois de novembre dernier lors des dernières élections locales par ses candidats en est une illustration de même que le sondage d’opinion mené en septembre 2016 qui révélait que 56 % des Américains le jugeaient inapte à occuper la Maison blanche. De ce point de vue, les manifestations et désapprobations de toute sorte ne font que lui créer du «buzz».
Cette décision devrait, contrairement à ce que beaucoup de spécialistes pensent, cimenter le monde arabo-musulman, de l’Iran à l’Arabie saoudite, jeter des passerelles de dialogues plus soutenues entre la chrétienneté et l’islam, renforcer la compassion vis-à-vis des Palestiniens et affaiblir de facto Israël. Elle a un mérite dans la mesure où, elle devrait aussi être considérée comme une opportunité pour la communauté internationale de bâtir un nouvel ordre international plus juste et mieux conforme à l’architecture économico-diplomatico-militaire actuel du monde. Le couple américano-israélien crée en effet beaucoup d’instabilité dans le monde ; notre planète est dans une situation de haute insécurité et la gouvernance internationale n’est plus adaptée ; Il faut restaurer la crédibilité des Nations Unies. Les erreurs constatées à postériori lors des Interventions en Irak et en Libye légitimées pourtant par les Nations Unies et l’impuissance dont a fait preuve cette organisation dans le traitement inhumain des Rohingya en Birmanie amènent le monde à devoir s’interroger sur le rôle de cette institution.
Le Conseil de sécurité ne reflète plus les rapports de forces dans le monde. Est-il normal que des pays comme la Russie, la France et la Grande Bretagne qui n’ont plus à la fois ce poids économique, militaire et diplomatique, continuent de faire partie de ses Etats membres permanents avec droit de véto à la place de nouvelles puissances comme l’Allemagne ou le Japon. Il faut réimaginer, plus de 70 ans après, un nouveau Conseil de sécurité sans membres permanents ni droit de véto, où (i) la représentativité serait fonction du poids économique, diplomatique, militaire et de contribution effective à la bonne marche du monde, (ii) toutes les sensibilités continentales, religieuses seraient prises en compte, (iii) la loi de la majorité serait appliquée à défaut de consensus.
En sa qualité de puissance montante, la Chine devrait désormais prendre ses responsabilités en s’affirmant plus dans le concert des nations. Elle a de nombreux atouts au nombre desquels son caractère de prêteur en dernier ressort de pays comme les Etats Unis et la bonne image que lui reconnaissent de nombreux pays en développement. Elle devrait être la locomotive de cette nouvelle recherche de nouvel ordre international à côté de pays comme le Japon, l’Allemagne l’Indonésie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Magaye GAYE
Consultant
Ancien de la Boad et du Fagace
Président du parti politique «La Troisième voie»