Si on était au Kenya, Khalifa Sall aurait un espoir de voir le vote de la levée de son immunité parlementaire annulé. Mais nous sommes au Sénégal, un pays où les juges du Conseil constitutionnel se sont toujours déclarés incompétents.
Les chances des députés de l’opposition et des avocats du député-maire de Dakar d’obtenir gain de cause, c’est-à-dire l’annulation du vote par les députés, samedi dernier, de la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, sont minimes, pour ne pas dire inexistantes. Si on était au Kenya, où les juges du Conseil constitutionnel ont osé annuler le résultat du premier tour de la présidentielle, ils auraient un espoir. Mais là, nous sommes au Sénégal. Un pays où les juges du Conseil constitutionnel brillent par leur «incompétence». Ils se sont toujours déclarés incompétents; au point qu’on les surnommait les «cinq incompétents». En effet, à chaque fois qu’ils sont saisis ils se déclarent incompétents. En 2012, ils se sont déclarés incompétents sur la question du troisième mandat du Président Abdoulaye Wade, alors que tous les Sénégalais y compris Wade lui-même, étaient d’avis qu’il ne pouvait pas briguer un troisième mandat.
En plus, ces juges constitutionnels n’ont jamais tranché contre le pouvoir et en faveur de l’opposition. Leur décision va toujours dans l’intérêt du pouvoir en place. La seule fois qu’ils ont dit non à un président de la République c’est quand le Président Macky Sall leur a soumis la question de la réduction de la durée de son mandat de sept à cinq ans. Et là aussi, cet avis ou cette décision, c’est selon, avantageait le président de la République, qui cherchait un subterfuge pour ne pas honorer sa promesse de réduire la durée de son mandat présidentiel.
Cette année, le budget du Conseil constitutionnel est de 1,165 milliard de francs.
Les non inscrits et les députés membres du groupe parlementaire Liberté et Démocratie ont décidé d’attaquer le vote des conclusions de la commission ad hoc devant le Conseil constitutionnel pour «inconstitutionnalité». Le député Cheikh Bamba Dièye, élu sous la bannière de la coalition Manko Taxawu Senegaal dirigée par Khalifa Sall, accuse l’Assemblée nationale d’avoir «violé de bout en bout» les droits du maire de la capitale.
Selon lui, la majorité parlementaire a violé son immunité parlementaire et ses droits les plus élémentaires en tant que député. «La procédure de levée de l’immunité parlementaire du député Khalifa Sall ne devrait pas être enclenchée tant qu’il n’est pas libéré puisqu’il est désormais admis qu’il jouit d’une immunité parlementaire qui rend automatique et de droit sa libération», dit-il.
En outre, il affirme que l’Assemblée nationale ne devrait pas se prononcer sur la demande de levée de son immunité parlementaire sans exiger au préalable sa libération, conformément à la Constitution et au règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
De son côté, Moussa Tine, un de ses fidèles lieutenants, révèle que les conseils du maire de Dakar vont également attaquer le vote de la loi devant les juridictions compétentes. Car d’après lui, les droits de Khalifa Sall ont été violés. Moussa Tine révèle en effet que bien avant même la plénière d’hier, les avocats et le staff du député Khalifa Sall se sont réunis pour voir la suite à donner à leur combat. Il considère que le député Khalifa Sall devrait être présent à l’Assemblée nationale pour se défendre lui-même ou à défaut choisir un député pour sa défense. «L’Assemblée nationale ne peut pas voter la levée de l’immunité parlementaire d’un député sans au préalable l’entendre», dit-il. Avec le vote des conclusions de la commission ad hoc, Khalifa Sall est à la disposition de la justice qui peut désormais le convoquer et l’entendre à tout moment.
Charles Gaïky DIENE