Les contre-performances du Port autonome de Dakar (Pad) plombent les industries sénégalaises et le commerce.
Le temps d’attente élevé des navires, les annulations d’escales, l’allongement des délais de chargement/déchargement des conteneurs etc. ont fini par créer une rupture de stocks des matières premières. Et la compétitivité des produits sénégalais en prend un sacré coup.
La crise est totale au Port autonome de Dakar (Pad). Depuis plusieurs mois, les dysfonctionnements dans ce poumon économique du pays entravent la bonne marche des affaires. Des industries paient les dégâts collatéraux de la congestion de l’infrastructure, du Terminal à conteneur notamment. En effet, à cause du ralentissement des activités portuaires, nombre d’entreprises sont à court de matières premières pour faire tourner leurs machines afin de respecter les délais de production. Une situation qui a été dénoncée la semaine dernière lors du Conseil présidentiel de l’investissement par l’homme d’affaires Ameth Amar qui n’a pas obtenu de réponses concrètes de la part du chef de l’Etat. Et depuis lors, les choses vont de mal en pis. Les bateaux n’arrivent plus à décharger leurs marchandises et sont laissés en rade aux alentours du Pad. Ce qui provoque d’énormes difficultés pour les entreprises qui importent leurs matières premières ou qui exportent leur production. «Cela est insoutenable pour de nombreuses industries. Nous n’avons plus de matières premières pour travailler. Les stocks de sécurité sont épuisés. Et là, nous sommes obligés d’arrêter l’usine en attendant que la situation se décante», confie un jeune chef d’entreprise. Qui met à l’index le concessionnaire Dubaï port World (Dpw), lequel est en train de faire des travaux d’extension pour augmenter le nombre de portiques afin d’accélérer le processus de déchargement des conteneurs. «Il y avait deux quais de débarquement avec chacun deux portiques mais apparemment l’un a des problèmes avec les travaux d’agrandissement. Le port a perdu 80 % de son efficacité», fait savoir un autre industriel qui s’inquiète pour la compétitivité des produits «made in Sénégal» avec de telles «légèretés».
Il suffit de se promener sur la corniche-Est pour se rendre compte de la gravité de la situation. Comme indiqué par certains acteurs portuaires, une dizaine de navires en rade depuis plusieurs jours est perceptible. Et des acteurs portuaires rapportent que cela commence à agacer les compagnies de transport maritime qui accusent des retards ailleurs. «Avec la concurrence des ports de la sous-région, notamment Abidjan et Lomé, Dakar risque de beaucoup perdre. Surtout le trafic malien. Les compagnies vont déserter le Sénégal et faire cap sur la Côte d’ivoire pour éviter des surcoûts», confie un acteur portuaire qui fait par ailleurs remarquer que de nombreux frais, entre 14 et 15 mille dollars par jour, s’appliquent au-delà des délais de 10 jours de magasinage inscrit dans les contrats de certains transporteurs. Lesquels refusent de payer pour des fautes qui ne leur sont pas imputables.
D’autres industriels, qui ne peuvent se payer le luxe d’attendre, sont obligés de faire décharger leurs commandes en Côte d’ivoire en vue de les transporter par la route vers le Sénégal.
Cette situation préjudiciable aux industries sénégalaise ne manquera pas d’avoir également des incidences négatives sur les recettes douanières, si on sait que 95% du commerce sénégalais repose sur le transport maritime. «Je ne connais pas les chiffres de la douane mais je pense que cette régie financière aura des moins values durant ce dernier trimestre de l’année», confie une source portuaire.
Faisant un diagnostic du Port après sa nomination, le nouveau directeur Aboubakr Sadikh Bèye alertait sur l’impact que la congestion du port pouvait avoir sur l’économie des entreprises, les performances de gestion des acteurs portuaires et sur l’image de marque et la réputation de l’outil portuaire de Dakar. «Les usagers de la place portuaire de Dakar sont actuellement confrontés à des difficultés dont les principales sont le temps d’attente élevé des navires dans le port, les annulations d’escales, l’allongement des délais de chargement/déchargement des conteneurs, du vrac et des véhicules qui induit des augmentations de coût, le problème de la mobilité routière, le problème de la circulation chaotique dans le Port, et l’occupation anarchique des surfaces par des conteneurs vides», relevait-il.
Nos tentatives de joindre la cellule de communication du Port autonome de Dakar sont restées vaines.
Seyni DIOP