L’Etat du Sénégal n’aura pas le bouche-trou budgétaire de 60 milliards attendu de la Banque mondiale.
De sources sûres à Washington, confirmées par de hauts fonctionnaires dans ladite banque, l’institution financière internationale entend faire payer au Sénégal le coup de sang du Premier ministre qui voulait expulser leur représentante résidente, Louise Cord, en juillet dernier lors des législatives, avant d’en être dissuadé par l’Argentier de l’Etat.
Forte température budgétaire à la rue René Ndiaye. Amadou Bâ, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, aura beau rattrapé le coup sur la tentative avortée d’expulsion, dans les 48 heures, de la Représente résidente de la Banque mondiale au Sénégal, Louise Cord, en juillet dernier, l’institution financière internationale ne décolère pas. Il nous revient de Washington que le Sénégal n’aura plus ses 60 milliards de francs Cfa d’aide budgétaire promis par la Banque. Une information confirmée par des cadres de l’institution de Bretton Woods à Dakar. Et cela affole déjà le «Château» qui ne peut retoquer certaines dépenses en cette veille de la présidentielle de 2019.
Si d’autres raisons liées au niveau alarmant de la dette, qui frôle 60 % du Pib, sont évoquées, d’autres y voient des représailles contre le crime de lèse-majesté qu’ont failli commettre le chef du gouvernement, Mahammad Dionne, et son ex ministre en charge des Infrastructures, Mansour Elimane Kane, lorsqu’en juillet dernier, en pleines législatives, la représentante résidente de la Bm à Dakar a publiquement exposé ses doutes sur la rentabilité du Train Express régional (Ter), qui tient à cœur le régime de Macky Sall. «Il faut que le projet soit rentable économiquement et financièrement. Mais, on n’arrive pas au même chiffre que les autres. (…) On ne peut pas faire un tel investissement alors qu’on a des zones enclavées. C’est une question qui serait difficile à gérer», avait-elle expliqué. Des propos interprétés comme un affront et qui ont vite provoqué l’affrontement. Le Premier ministre, alors tête de liste de la coalition du pouvoir, jugeait inacceptable cette sortie de piste de la fonctionnaire internationale que l’opposition pouvait exploiter dans ces joutes électorales.
Comme indiqué dans notre édition 7630 du 24 aout dernier, ce dérapage du chef du gouvernement et de Mansour Elimane Kane, appuyé en cela par l’ex-député, Moustapha Diakhaté, alors du président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar a fait perdre au pays cette aide budgétaire sur laquelle comptaient beaucoup les services de Amadou Bâ pour satisfaire les exigences des différents départements et faire face aux nombreuses charges dont la masse salariale des agents de l’Etat qui crève le plafond.
N’ayant sans doute pas apprécié le fait qu’un endetté tape sur la table de son banquier, l’institution de Bretton Woods entend user de l’arme dont elle dispose pour punir cette indélicatesse. Et le niveau d’endettement alarmant exposé lors de la publication du rapport Doing Business, mardi dernier, est un grand alibi pour les employeurs de Louise Cord d’opposer diplomatiquement une fin de non-recevoir au pays de la Téranga.
Ainsi, à moins qu’Amadou Bâ ne concocte de vieilles recettes pour une cuisine budgétaire déjà salée, on ne voit pas comment l’Etat pourrait sortir vainqueur de ce bonneteau budgétaire pour atteindre l’équilibre qu’attendent les bailleurs de fonds. Ce qui ne sera pas une partie de plaisir quand on sait que le budget doit faire face à une dette publique de 680 milliards de francs Cfa cette année, contre 595,6 milliards dans la Loi de finances initiale 2016. Il devra aussi satisfaire une masse salariale de 586 milliards ou encore des dépenses de fonctionnement hors personnel de 756,9 milliards.
Seyni DIOP