Les élus du Congrès commencent à s’inquiéter de la présence militaire américaine en Afrique, un continent qu’ils connaissent peu et où ils craignent que les Etats-Unis mènent une guerre secrète et perpétuelle contre un ennemi en mutation permanente.
“La présence en Afrique est beaucoup plus importante que ce que le public américain croit”, a remarqué mardi le sénateur démocrate Tim Kaine sur CNN. “Les Américains ont été surpris d’apprendre que quatre bérets verts avaient été tués au Niger”.
La récente embuscade meurtrière au Niger, qui a coûté la vie à quatre militaires des forces spéciales et au moins quatre soldats nigériens, a mis en lumière l’ampleur de la présence militaire des Etats-Unis en Afrique –6.000 hommes déployés dans 53 pays.
L’incident a aussi relancé le débat sur la base juridique des opérations contre les groupes islamistes à l’étranger, au moment où le Pentagone annonce que la guerre “est en train de se déplacer”, notamment vers l’Afrique, et où les Etats-Unis débloquent 60 millions de dollars pour le G5 Sahel, la force antijhadiste mise en place par la France.
Le ministre de la Défense Jim Mattis a été interpellé à plusieurs reprises à ce sujet lundi soir lors d’une audition de la commission des Affaires étrangères du Sénat consacrée à la modernisation de la loi autorisant l’usage de la force armées (AUMF) qui date de 2001, juste après les attentats du 11 septembre.
“Si nous ne modifions pas l’AUMF, vous pensez avoir toutes les autorisation pour envoyer des troupes en Afrique du Nord ?”, lui a ainsi demandé le sénateur démocrate Ben Cardin. “Oui”, lui a répondu le chef du Pentagone.
Mattis a noté que le groupe Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden, que visait la loi à l’origine, s’était scindé et transformé au fil des ans pour donner naissance au groupe Etat islamique (EI) car “ces mouvements changent de nom aussi souvent que les groupes de rock’n’roll”.
– Une région peu familière –
Officiellement il s’agit d'”entraîner, conseiller et assister” les pays africains pour leur permettre de lutter eux-mêmes contre les groupes islamistes. Mais dans les faits, les opérations vont bien plus loin et si les élus américains sont unis dans leur soutien à la guerre contre l’EI en Irak et en Syrie, ils sont plus sceptiques au sujet des djihadistes ailleurs dans le monde, et notamment en Afrique.
C’est “une région qui n’est pas familière à beaucoup de sénateurs ni beaucoup d’Américains”, s’est inquiété l’élu démocrate Chris Coons.
“Cette tragédie au Niger, la perte de nos quatre soldats américains, nous a aidé à mettre l’accent sur le fait que nous avons des citoyens et des sénateurs qui ne savent pas exactement où dans le monde nous sommes engagés contre cet ennemi en mutation”, a-t-il ajouté.
Selon les informations fournies en juin par la Maison Blanche au Congrès, des militaires américains sont “déployés et équipés pour le combat” dans 19 pays, dont 11 africains: Somalie, Libye, Kenya, Niger, Cameroun, Ouganda, Soudan du Sud, République démocratique du Congo, Centrafrique, Djibouti et Egypte.
Pour le républicain Rand Paul, la mission officielle est en fait “un euphémisme” et il s’agit bien de troupes engagées dans un “conflit”.
“Il semble que vous croyez pouvoir aller n’importe où, n’importe quand, qu’il y ait une guerre en cours ou pas”, a-t-il lancé au ministre de la Défense. “On peut appeler ça entraîner et équiper, mais je soupçonne fort qu’au Niger, il s’agit de bien plus que ça”.
Le 4 octobre, une “patrouille de reconnaissance” composée de 12 soldats américains et 30 soldats nigériens revenait du village de Tongo Tongo, situé près de la frontière avec le Mali, lorsqu’ils ont été attaqués par une cinquantaine de combattants affiliés au groupe Etat islamique (EI), selon le Pentagone qui est avare de détails sur cette opération.
AFP