Saër Kébé obtient la liberté provisoire. Agé de 21 ans, il a été incarcéré depuis trois ans pour «apologie du terrorisme, activités terroristes et association de malfaiteurs».
Un avis a été notifié, en ce sens, à ses avocats (Mes Assane Dioma Ndiaye, Abdou Dialy Kane), en début de semaine, après plusieurs demandes restées sans suite. C’est le cas notamment pour les requêtes adressées aux juges en 2015 et 2016, en vue de permettre à M. Kébé de passer l’examen du baccalauréat. Seulement, voilà : cette autorisation de sortie ne figure, pour le moment, que sur le papier. Autrement dit, la libération n’est pas encore effective, en raison de «l’attente du délai recours imparti au procureur de la République pour faire appel». Voilà qui pourrait compromettre l’élargissement de Saër. Ainsi, jusqu’à hier, il n’avait pas encore regagné sa famille, pour des raisons liées, selon une source judiciaire, à la «régularisation de la procédure de libération».
Elève en classe de Terminale S2 au lycée Demba Diop de Mbour, Saër Kébé est détenu à la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel. Auparavant, il a été trimballé dans les prisons de Rebeuss (chambres 11, 16, 7 et 32), Mbour et au Pavillon spécial. Il a été arrêté pour avoir menacé les Etats-Unis d’attentats, via un post sur la page Facebook de l’ambassade américaine à Dakar. Il dénonçait le soutien des Yankees à Israël, notamment dans le bombardement de l’Etat palestinien. Le jour de son arrestation, il a été cueilli à l’école avant d’être conduit chez lui pour une perquisition.
Pour les membres de sa famille, il ne pouvait en être autrement puisque son état de santé est devenu incompatible avec le milieu carcéral. «Saër est malade. Il est en proie à des crises causées par d’atroces maux de tête et des douleurs au niveau du cœur. La dernière fois, il a piqué une crise dans sa chambre et quand je suis venue à son secours, il se débattait comme contre la mort. J’ai tellement crié que la chambre était pleine de monde, quelques minutes après. Des gens m’ont aidé à le conduire chez un guérisseur. Mais cela n’a pas eu beaucoup d’effets sur sa santé chancelante. D’ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’il piquait une crise. La première fois, on l’avait conduit dans une clinique», réagit un membre de sa famille. Celui que l’on dépeint comme un «souteneur confirmé de la cause palestinienne» est orphelin de mère depuis l’âge de 7 ans. Sa maman est décédée dans un accident de voiture, dès le bas âge.
Récemment, son avocat s’est insurgé contre la lenteur dans le traitement du dossier. «Il est en détention depuis bientôt trois ans, alors qu’il n’y a aucun acte d’informations supplémentaires à faire. Rien ne justifie sa détention. Le jeune a dit qu’il n’appartient à aucune association formelle de terroristes. C’est vraiment le terrain fertile de la violation des droits fondamentaux des personnes. On ne sait pas ce qu’on lui reproche réellement. Sinon des discours qui n’ont aucun contenu concret. Depuis deux ans, une autorisation lui permettant de passer le baccalauréat a été déposé, mais le juge a refusé. Les demandes de liberté provisoire formulées ont été rejetées», avait relevé Me Assane Dioma Ndiaye.
Ces derniers temps, la Justice sénégalaise semble desserrer l’étau autour des présumés terroristes. Avec la liberté provisoire accordée à Saër Kébé, on assiste ainsi à une quatrième remise en liberté d’un supposé djihadiste, après Atoumane Sow, Imam Ibrahima Sèye et, auparavant, Cheikh Alassane Sène. N’empêche, à ce jour, une quarantaine d’individus dont des imams (Ndao et Dianko), des élèves, des étudiants et autres sont derrière les barreaux, pour apologie du terrorisme.
Pape NDIAYE