Invitée, samedi dernier, à l’Institut français de Dakar pour parler de son dernier roman, « L’empire du mensonge », Aminata Sow Fall a déploré l’absence d’éducation à la dignité dans nos sociétés modernes. Pour elle, le principal problème dans nos sociétés reste l’éducation.
Quand Aminata Sow Fall parle de son dernier roman « L’empire du mensonge », elle jette un regard critique sur la société sénégalaise. Une société qui perd de plus en plus ses repères. Où l’humanisme et l’éducation à la dignité ne sont plus inculqués aux jeunes. Invitée, samedi dernier, à l’Institut français de Dakar, pour échanger avec le public sur son dernier livre, Aminata Sow Fall a parlé de la littérature, surtout de celle africaine dans un monde en pleine mutation, du rôle de l’écrivain dans une société en balbutiement.
L’auteur constate aujourd’hui que beaucoup de choses sont banalisées. L’écrivain dit se perdre même souvent dans ce que nous vivons aujourd’hui, elle qui a connu « des moments beaucoup plus chaleureux ». Auparavant, raconte Aminata Sow Fall, les personnes qui n’avaient pas de moyens bénéficiaient d’une assistance « commandée par la générosité, le sens de faire du bien ».
« On ne pouvait pas voir quelqu’un qui avait du mal à faire manger sa famille et l’ignorer totalement. Ce n’était pas possible », dit l’auteur de « L’appel des arènes ». Cette donne a complétement changé. Ce qu’elle voit aujourd’hui, c’est que ceux qui font les bonnes actions à l’endroit des personnes nécessiteuses convoquent non seulement le voisinage mais la télévision, la radio, pour donner à des pauvres.
« Je n’aime pas ça. Le don doit être un acte banal parce que c’est normal », dénonce Aminata Sow Fall. Pour elle, il existe aujourd’hui un jeu entre les mendiants et ceux qui donnent. La solution à toutes ces dérives, dit-elle, est l’éducation. « Le problème le plus crucial dans nos sociétés, c’est l’éducation. On éduque plus, on ne dit plus à l’enfant fait ceci ou fait cela », déplore l’écrivaine.
« Optimiste pour l’avenir »
Toutefois, elle reste encore optimiste que les choses peuvent toujours évoluer voire changer. Dans certaines parties du pays, l’éducation à la dignité existe. Entre anecdotes, l’auteur du livre « Le revenant » raconte que de retour d’un voyage en provenance de Kaolack, vendredi dernier, leur véhicule est tombé en panne à hauteur de Sibassor. Devant une maison, dit-elle, des personnes ordinaires leur ont sorti deux chaises en bois pour leur permettre de s’asseoir. En retour, elle a donné un « petit cadeau » aux enfants en guise de reconnaissance. « Les enfants sont rentrés pour donner l’argent à leur maman. Leur mère leur a dit : « Rendez l’argent parce qu’ils n’ont pas à vous donner de l’argent ». Nous avons insisté pour que les enfants gardent l’argent. C’était une grosse surprise que les enfants prennent l’argent, entrent dans leurs baraques pour le donner à leur mère. Ici, je ne pense pas que ça se passerait ainsi », ajoute Aminata Sow Fall, « surprise », par ce geste des enfants parce qu’elle pensait que cela n’existait plus.
Ce qui fait dire à la romancière que malgré toutes les critiques, « là où il y avait l’éducation, il y en a toujours » et elle reste encore « optimiste pour l’avenir ». En guise de conseil, Aminata Sow Fall invite la jeunesse à avoir le « mental de compétiteur » pour aller vers le meilleur. Cela, dit-elle, se cultive.
Lesoleil