L’Etat passe à la vitesse supérieure. Il a déployé ses policiers devant des établissements du groupe scolaire Yavuz Sélim. Au collège Bosphore de Grand-Yoff, élèves, parents et le personnel enseignant ont été interdit d’accès.
La rentrée commence mal pour les élèves des établissements Yavuz Selim S.a. L’Etat est en train de mettre en œuvre sa décision de fermer les écoles de ce groupe ou de les transférer à la fondation Maarif du président Erdogan. Hier, à l’école Bosphore situé à Hlm Grand-Yoff, les parents d’élèves ont été pris au dépourvu. Ils sont venus trouver, devant les portes, des policiers qui ont reçu l’ordre d’empêcher les élèves et le personnel enseignant d’accéder dans l’enceinte de l’établissement. Même le président de l’association des parents d’élèves, Bassirou Kébé, n’a pas été épargné. Selon lui, l’Etat vient de poser un acte déplorable et malheureux. Il s’inquiète de l’avenir des 3 000 enfants qui est en jeu, dans ce bras de fer entre l’Etat et les administrateurs de Yavuz Selim S.a. «Nous sommes en colère contre notre propre gouvernement qui a pris la décision de fermer l’école de nos enfants, qui a pris la décision de fermer une école de qualité qui est citée en exemple partout dans le monde. Nos enfants ont démarré les cours depuis le 11 septembre pour les classes d’examen et le 25 septembre pour les autres. On attend jusqu’au 30 septembre pour que le ministre de l’Intérieur sorte un communiqué nous disant qu’il ferme les écoles Yavuz Selim alors que l’affaire est pendante devant la Justice. On aurait dû attendre la décision de Justice», a déclaré M. Kébé.
Qui regrette le fait que le gouvernement accepte de subir le diktat d’Erdogan, là où d’autres pays africains ont refusé. Il cite l’exemple du Mali, du Bénin et du Nigéria. En effet, seuls quelques pays comme le Sénégal, la Guinée et le Maroc ont accepté de satisfaire à l’exigence du régime turc qui traque tous les réseaux liés à l’opposant Fethullah Gülen. «Nous n’avions jamais pensé que le Sénégal allait en arriver à ce stade. Parce que, pour nous, les autres pays ne sont pas plus importants que le Sénégal. Ils ont refusé le diktat d’Erdogan. Le gouvernement doit dialoguer avec nous parce que c’est l’avenir de 3 000 enfants qui est en jeu. On a interdit à nos enfants d’aller en classe, on a interdit au personnel d’accéder aux bureaux. On a également interdit à l’association des parents d’élèves l’accès à son bureau», s’offusque-t-il. Certains parents continuent de se poser la question sur les réelles motivations de l’Etat du Sénégal à vouloir priver les enfants du pays d’éducation. Pour eux, c’est une première dans le monde qu’un gouvernement se permet de fermer une école pour des raisons politiques. De l’avis de Mansour Guèye, parent d’élève, ce qui se passe est incroyable. «Les élèves turcs sont en train de fréquenter les classes et l’on se permet de fermer les écoles au niveau du Sénégal», fait-il remarquer. Poursuivant, il signale que cette école est l’une des plus performantes du pays. «Pourquoi on importe les problèmes politiques turcs au Sénégal ? Je ne comprends pas. Nous avons un Président qui est né après les indépendances, qui a bénéficié de la formation de l’école sénégalaise et qui se permet de poser un tel acte. C’est incroyable. Il n’y a aucune explication. Où est ce qu’on a vu dans le monde, un gouvernement qui ferme une école ? Il n’y a pas un pays qui accepte de sacrifier sa jeunesse pour des problèmes politiques en Turquie», se désole-t-il. Non sans assurer que ni les parents d’élèves encore moins les syndicats d’enseignants ne se laisseront faire. Car, informe-t-il, la fermeture est une défaite pour tout le Sénégal.
Abondant dans le même sens, El Hadj Diouf, parent d’élève, pense que l’Etat ne peut pas empêcher quelqu’un d’inscrire son enfant dans une école ou d’aller à son lieu de travail. A l’en croire, le ministre de l’Intérieur ne doit pas non plus se précipiter de prendre une décision, avant que la Justice ne se prononce, pour fermer une école. «Personne n’a le droit d’empêcher nos enfants d’étudier. On se demande dans quel pays nous sommes. On va se battre pour que l’école ne ferme. Parce que nous devons lutter contre la dictature. Dans ce pays, tout est en crise pour des intérêts. Erdogan ne construira pas notre pays. Ils ont le complexe des toubabs. Le Sénégal n’appartient à personne, mais à Dieu», prévient-il.
Adama COULIBALY