En foyers de tension depuis trois semaines, les villes de Boké et de Kolaboui au nord-ouest du pays ont été des théâtres de rares violences. L’excès des manifestants qui réclament toujours de la fourniture d’eau et de courant dans leurs maisons, a entrainé, toute la journée de jeudi dernier, la destruction des symboles de l’Etat dans ces villes.
La violence ne s’estompe dans les villes de Boké et de Kolaboui au Nord-ouest du pays. Jeudi dernier, jusqu’à tard dans la nuit, les manifestants ont fait parler d’eux dans la rue pour réclamer toujours la fourniture d’eau et de l’électricité dans les foyers. Les jeunes de cette commune de Boké pour exprimer leur mécontentement, ont érigé des barricades à l’entrée et dans toute la ville avant de brûler des pneus sur la chaussée. Galvanisés par l’immensité de la foule, les manifestants s’en sont pris aux symboles de l’Etat et aux symboles de l’activité minière. Des édifices publics comme la sous-préfecture, la mairie, ou encore le poste de gendarmerie ont été incendiés. L’adjudant de police Mamadi Mansaré a indiqué à la presse que tous les bureaux de la sous-préfecture, la mairie, le poste de gendarmerie et la résidence du sous-préfet sont réduits en cendres. Les témoins, rapporte Guinéematin.com, affirment que dès les premières heures de la matinée que les jeunes armés de gourdins et de bâtons, de bidons d’essence, pillent, brûlent et même cassent tout sur leur passage. Dans un communiqué, le gouvernement guinéen se dit consterné par l’ampleur de la violence. L’Etat a indiqué que «ces attaques d’une rare violence constituent des atteintes graves à la sécurité des personnes et des biens». Le gouvernement a aussi dénoncé des «tentatives de sabotage des installations de fourniture d’eau potable, l’empêchement des camions-citernes de ravitailler les centrales thermiques et, plus largement, la généralisation de la violence occasionnant des pertes en vies humaines et mettant en danger les paisibles populations locales et expatriées».
Les manifestants s’en sont également pris à des infrastructures économiques et de transport parce que la contestation s’est étendue à Kolaboui dans la même zone. Rfi affirme qui si la manifestation s’est propagée dans cette localité, c’est parce que cette ville est un carrefour, un nœud routier et ferroviaire. C’est aussi là que se trouve le Centre industriel de la Compagnie des bauxites de Guinée. En fait, cela fait dix jours que les manifestants demandent le rétablissement de l’accès à l’électricité et à l’eau, des services de base qui leur manquent alors que les sociétés minières qui exploitent la zone, l’une des plus importantes réserves de bauxites au monde, ne connaissent pas les coupures de courant. Ces mêmes revendications, dans un contexte de très fort taux de chômage, avaient d’ailleurs déjà suscité des mouvements similaires en avril dernier. Il y avait eu 5 morts.
Implication des sages de la ville
Après une longue journée d’échauffourées entre les agents des forces de l’ordre et les manifestants dans la commune rurale de Kolaboui (préfecture de Boké), le calme est revenu et la circulation n’a été libérée que dans la soirée de ce jeudi 21 septembre 2017 suite à l’implication des sages de Boké. C’est ainsi que toutes les barricades ont été levées par les manifestants que les véhicules en provenance de Conakry qui étaient bloqués à l’entrée de la ville, ont commencé à traverser Kolaboui. Seulement, mêmes si les manifestants ont accepté de sursoir à leur manifestation, ils ont donné une limite à leur trêve. Car les sage ont jusqu’au dimanche 24 septembre 2017 pour leur donner une réponse claire à leur requête. «Les sages nous ont dit qu’ils vont écrire un rapport de notre revendication et le remonter au gouvernement. Nous avons accepté cela à condition qu’ils nous donnent un résultat positif d’ici dimanche prochain. Sinon, nous reprendrons la rue», a indiqué, le porte-parole des manifestant, par téléphone au Guineematin.com.
Il faut reconnaitre que cela fait trois semaines que les populations des deux villes manifestent. Selon les chiffres communiqués par les services d’urgence de l’hôpital régional de Boké, rapportés par Guinéematin.com, depuis le commencement des manifestations, deux jeunes garçons ont été tués suites à des tirs à balles réelles et du gaz lacrymogène pendant les échauffourées. Il s’agit du jeune étudiant diplômé, E. Kamano, âgé de 25 ans, qui a perdu la vie le mercredi 13 septembre et de S. Fofana, âgé de 17 ans, le lendemain, jeudi 14 septembre 2017. Les deux corps se trouveraient toujours à la morgue de l’hôpital de Kamsar, en attendant leur jour d’inhumation.
S’agissant des blessés enregistrés durant ces jours de manifestations, le bilan officiel fait état de 78 cas dont 10 au moins l’ont été par balles réelles. Parmi ces blessés, on comptabilise 21 agents de sécurité. Un cadreur de la télévision privée «Espace TV» a lui aussi reçu un coup de pierre.
En ce qui concerne les dégâts matériels importants. De la première à la dernière journée de manifestations, les manifestants très remontés ne se sont pas limités à dégrader la route, ils se sont attaqués à des édifices et des biens publics et privés. Entre autres : l’escadron mobile de la gendarmerie a été vandalisé, des denrées alimentaires emportées et la compagnie de la gendarmerie nationale incendiée, des détenus libérés… L’hôtel «Le Palmier», communément appelé «village communautaire» a été attaqué par un groupe de manifestants qui, selon le propriétaire, ont emporté des matelas, des climatiseurs et des postes téléviseurs. Le siège local du RPG arc-en-ciel, sise au quartier Tombonya, a été également saccagé par les jeunes qui y ont cassés plusieurs chaises, brûlés des objets et emporté d’autres. Le domicile privé du directeur préfectoral de l’éducation (DPE) de Boké, Monsieur Siné Magassouba, n’a pas été épargné de pillage. La nouvelle construction de ce cadre du RPG arc-en-ciel, sise au quartier Baralandé, a été attaquée par les manifestants qui, selon les témoignages, ont cassé les portes, brûlé des véhicules et des motos.
Décrispation de la crise
Malgré les multiples interventions et la diversité des intervenants pour l’obtention de la levée des barricades dans la ville, les jeunes sont restés sourds et ont campé sur leur position. «Tant qu’on ne voit pas le courant, on n’écoute aucun discours et nous n’enlèverons aucun barrage », ont-ils persisté. Mais dans la soirée du samedi 16 septembre 2017, il a été annoncé le don de trois(3) groupes électrogènes de 500 KVA chacun. Après avoir réceptionné ces groupes dans la matinée du dimanche 17 septembre, les manifestants ont dégagé toutes les barricades et la circulation a dès lors repris. Le courant est temporairement revenu dans les foyers.
Mamadou GACKO