L’appel au dialogue devrait suivre la publication officielle des résultats des dernières élections législatives.
Avec un score en dessous de la barre des 50%, Macky SALL savait, dès cet instant, qu’il lui fallait manœuvrer pour espérer décrocher, dans deux ans, un autre mandat. Seulement, le président SALL a préféré attendre la fête de l’Eid el Kébir (Tabaski) pour passer à l’offensive. Un calcul du bon timing qui a précipité le Sénégal dans un quasi vide institutionnel.
Quand, ce mardi, le secrétaire général de la présidence de la République, Maxime Simon NDIAYE, a annoncé qu’un «nouveau gouvernement sera formé dans les prochains jours», beaucoup se sont interrogés. Non seulement ce bout de phrase souffre de précisions, mais il renseigne également que Macky SALL s’est donné un temps qu’il n’a pas. Si c’était un examen, on aurait dit qu’il a attendu la veille pour commencer ses révisions. Car, s’il a décrypté le message que ses compatriotes lui ont adressé aux élections législatives, Macky se donne maintenant le temps de la réponse.
Un gouvernement élargi ?
Mais ce que certains analystes décèlent et expliquent, Macky SALL, et ses dizaines de conseillers, ne peut l’ignorer. Un président sortant a très peu de chance d’être reconduit, s’il ne l’emporte dès le premier tour ; au second, les électeurs sanctionnent plus qu’ils ne choisissent. Avec la seule coalition Benno Bokk Yakaar, le leader de l’APR a eu la preuve qu’il ne l’emporterait au premier tour en 2019, si la configuration politique reste en l’état. Malgré la grande escroquerie qui a sous-tendu lesdites joutes électorales, sa coalition n’a pu réunir 50% des suffrages des Sénégalais. Pour un leader plus qu’obnubilé par sa réélection, ces résultats sonnent l’hallali, à défaut de sonner le glas.
Macky SALL semble en être bien imprégné. Il lui faut d’autres forces en mesure de porter, dans deux ans, son score au-dessus des 50%. D’ailleurs, beaucoup ont lu dans la déclaration du secrétaire général de la présidence de la République, une volonté du chef de l’Etat d’intégrer dans le prochain gouvernement des personnalités politiques qui lui ont fait face aux dernières élections. Jusque-là le nom de Moustapha GUIRASSY est cité, des sources renseignent que Macky SALL ambitionne d’enrôler d’autres ténors de l’opposition au nom plus clinquant. Depuis samedi dernier, il y a mis la forme.
La Tabaski, le moment idéal
«Il y a un an et demi, notamment le 28 mai 2016, j’avais lancé la journée nationale du dialogue. Je reste ouvert au dialogue, je suis un homme de dialogue et d’ouverture. Nous ne pouvons pas construire ce pays, sans se parler les uns les autres». C’est en ces termes que le président SALL a introduit son appel au dialogue. Assez bien inspiré, il s’est rappelé les vertus de la concertation et a tendu la main aux acteurs. Mais, un tel discours, le leader de l’APR pouvait-il le tenir dans une autre circonstance que la Tabaski ? Lui qui a passé plus de temps à narguer l’opposition qu’à dialoguer avec elle. Lui qui a radié Ousmane SONKO, qui a assisté au procès en sorcellerie d’Abdoul MBAYE. Macky que tout le monde désigne comme l’instigateur de l’arrestation de Khalifa SALL, a donné tellement de coups aux opposants, qui n’ont jamais eu l’occasion de manifester leur mécontentement, que parler de dialogue est juste risible. D’ailleurs la réponse des concernés, ceux qui se sont donnés la peine de lui répondre, a été catégorique. «À titre personnel, je ne considère pas cet appel du président Macky SALL comme un appel sérieux. Maintenant, je pense que la République est au-dessus de nous, nous avons comme responsabilité en tant qu’acteurs politiques d’être des personnes civilisées. Je crois que nous ne pouvons pas prétendre vouloir diriger le Sénégal et refuser de discuter. Mais, il est hors de question, pour nous, de discuter, d’échanger avec l’actuel régime dans des conditions de chantage et de prise d’otage ! Si Khalifa SALL n’est pas libéré, nous ne prendrons part à un quelconque dialogue, qu’il soit sincère ou pas ! », répond Barthélémy DIAS, au moment où les Libéraux étrennent les préalables.
Après avoir campé le décor du dialogue en s’adossant à la Tabaski, Macky SALL a entamé les consultations, déterminé à échafauder sa stratégie, 2019 en ligne de mire. En attendant que Macky SALL termine ses ajustements, le Sénégal est dans un quasi vide institutionnel, sans Gouvernement et avec une Assemblée nationale non opérationnelle. Summum de l’ironie, le ministère de l’Intérieur, d’un gouvernement ayant démissionné hier, sort un arrêté notifiant à l’activiste Sémi Kéba une mesure d’expulsion du territoire sénégalais.
Mame Birame WATHIE