Pour rempiler à un second mandat, Macky a peaufiné sa stratégie : liquider ses adversaires et neutraliser ses alliés. Sauf que des surprises peuvent toujours venir du couloir droit.
On est à moins de 18 mois de la présidentielle de 2019. Deux forces centrifuges semblent se disputer le landerneau présidentiel. D’une part, une Alliance pour la République qui, au moins en apparence, fortifie ses bases et multiplie des succès électoraux fort relatifs. D’autre part, des alliés, arrimés à la mouvance plus par impératif de survie économique que par stratégie ou idéologie politique. En d’autres termes, pendant que Macky, tel un capitaine au long cours, tient bien le gouvernail, ses alliés, en apprentis matelots, jouent à ne pas se faire happer par les vagues. En effet, le chef de file de l’Apr ne fait pas mystère de l’orientation de tous ses instruments (politiques, financiers et institutionnels) vers un seul objectif : la reconquête du pouvoir. Et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Y compris, les plus cyniques. Mais, c’est connu de tous, politique et morale ont toujours fait chambre à part. Depuis le début de son quinquennat, mué en septennat après le reniement de 2016, il ne cache pas son ambition de rempiler à tous les coups. Quitte à marcher sur les cadavres des formations qui le soutiennent. Et la première à en faire les frais a été le Rewmi d’Idrissa Seck. L’ancien Premier ministre, qui ne rêve que d’être calife à la place du calife, a très tôt fait de fixer les limites d’un compagnonnage qui souffrait mal que le linge sale se lavasse hors de la famille. Et c’est à l’An 1 du magistère de Macky Sall à la tête de l’Etat qu’il prend le maquis pour critiquer un gouvernement de banquiers (Abdoul Mbaye-Amadou Kane), plus enclins à la thésaurisation et, par conséquent, incapables de faire décoller un pays hors des recettes keynésiennes d’un Etat, véritable agent économique. La critique passe mal. Directeur de cabinet du président de la République, Mor Ngom ordonne le silence ou le départ. «Muut mba mott», dit-il. Idy ne se le fait pas répéter, lui qui décide de choisir le second terme de l’alternative. La rupture est actée. Mais, sans de gros calibres et membres fondateurs du Rewmi que sont : Oumar Guèye, Oumar Sarr, Pape Diouf, Waly Fall, etc. Même s’ils n’ont pas emporté avec eux un pan entier du parti, Macky Sall ne peut cacher sa satisfaction d’avoir réussi à délester Idrissa Seck de quelques-unes de ses identités remarquables. En politique, ce n’est pas une piètre performance que de pêcher du mérou dans les eaux de l’adversaire.
Liquidation des adversaires
Et pendant que Rewmi panse ses plaies, l’Afp entre dans la tourmente. L’appel du 16 juin, c’était le siècle dernier. Après trois tentatives infructueuses (2000, 2007 et 2012), Moustapha Niasse, un autre éléphant de Benno, renonce à toute ambition présidentielle. Un accord tacite semble lui imposer que, désormais, ses ambitions ne doivent pas dépasser la présidence de l’Assemblée nationale. Le maintien, pour une bonne période, de la loi Sada Ndiaye est là pour le lui rappeler au cas où l’envie lui venait de rompre le contrat. Son maintien au perchoir est subordonné au renoncement. Ses cadres voient d’un mauvais œil l’enterrement de première classe de ce pour quoi ils s’étaient engagés avec et derrière Niasse en 1999. Malick Gackou, Malick Guèye et autres Goumbala rompent les amarres et créent le Grand parti. L’Afp qui n’est plus que l’ombre d’elle-même parce que cassée en mille morceaux ne doit plus avoir les yeux plus gros que le ventre. A preuve, le menu fretin qui a été le sien lors des dernières investitures sur les listes de Benno. Sa tempête, comme dans un verre d’eau, finira pas se transformer en une petite brise marine qui ne peut même pas effrayer un bambin. Macky a fini de faire sienne la formule d’Idrissa Seck. «Quand vous donnez à la fourmi la part de l’éléphant, vous l’étouffez», disait Idy, faisant allusion aux alliés du Pds, en 2001, lors des investitures pour les législatives.
Le sort du Ps n’est pas des plus enviables. Un ordinaire débat sur la position du parti au référendum de mars 2016 vire au séisme. Lequel fait voler en éclats la formation plus que cinquantenaire de Senghor, Lamine Guèye, Mamadou Dia, Abdou Diouf… Khalifa Sall et compagnie, même s’ils n’ont pas officiellement démissionné du Ps, sont à la marge. Aïssata Tall Sall gèle ses activités et «ose» scruter l’avenir en dehors de la formation verte. Ceux qui sont restés monnaient leur allégeance au prix fort. Outre le Secrétaire général, bombardé Président du Hcct, beaucoup de ses fidèles sont, soit nommés Pca ou ambassadeurs, soient élus députés dans un quota qui a fait rougir de jalousie l’éternelle rivale, l’Afp.
Mais, la pieuvre n’a pas fini ses œuvres. Le Ps et l’Afp KO, les démons de la division rôdent dans l’environnement de la Ligue démocratique (Ld) qui, depuis le week-end dernier, connaît une sourde dissidence avec la naissance de «Ld-Debout».
En parallèle d’un travail de démantèlement de ses formations alliées, Macky se construit un second mandat sans risques majeurs avec la stratégie d’élimination des adversaires potentiels. L’un dans une cellule formelle de Rebeuss, l’autre dans une «prison à ciel ouvert» du Qatar. Sauf que, à vouloir vaincre sans péril et triompher sans gloire, il oublie une donne en cours dans les démocraties. Celle-ci est en passe d’imposer des loups solitaires sortis du flanc droit et qui prennent de cours tous les spécialistes de la science politique, y compris les plus avertis. Macron, Barrow, Tallon ou Trump sont là pour le lui rappeler.
Ibrahima ANNE