Depuis la publication des résultats provisoires, ils sont nombreux à s’offusquer du grand écart entre la très probable écrasante majorité de Benno Bokk Yaakaar et le résultat net obtenu par cette coalition dans les urnes.
Une situation qui a été rendue possible par le système électoral sénégalais actuel, synthèse entre la majoritaire et la proportionnelle. Sauf que ce n’est guère nouveau. Depuis l’époque socialiste, le système est resté le même, critiqué par l’opposition qui en est souvent la victime, mais qui, une fois au pouvoir, s’y complait. Critique d’un mode obsolète et anti-démocratique.
Pour les législatives, le système électoral postule un scrutin mixte selon lequel 60 députés sont élus sur la liste nationale, 15 au niveau de la diaspora et 90 dans les départements. Sur la liste nationale, c’est la proportionnelle qui est de rigueur. Ici, l’attribution des sièges se fait proportionnellement au nombre de suffrages recueillis par chaque liste. Le calcul des sièges s’effectue selon la méthode du quotient électoral. A l’opposé, le système majoritaire, en vigueur dans les départements qui constituent les circonscriptions électorales de base mais aussi dans la diaspora, octroie la totalité des sièges à la liste qui arrive en tête, même avec une voix d’avance. Autrement dit, la liste arrivée en tête rafle la totalité des sièges en jeu, quelle que soit la différence de voix avec ses suivants. Ce système arrange les coalitions au pouvoir qui, décriées dans les centres urbains, font carton plein dans les zones rurales. Ce qui fait que, même avec moins de 50 % des voix, elles se retrouvent avec des majorités étouffantes qui, en réalité, ne reflètent guère leur véritable représentativité sociologique. Mais, il a ses supporteurs. Parmi lesquels, Moubarack Lô. «Tout en préservant la liberté constitutionnelle de création de partis, le choix du scrutin majoritaire intégral dans les élections législatives s’impose, pour préserver l’éthique démocratique, favoriser la visibilité du champ politique et réduire le poids inadmissible de la politique politicienne dans l’occupation et la préoccupation quotidiennes des Sénégalais», pense le Conseiller du Premier ministre et Président du Mouvement pour un Sénégal émergent (Mousem). «L’option de notre pays pour le scrutin majoritaire à un tour aux élections législatives et locales viole le principe du parallélisme des formes et renferme beaucoup d’incohérences. D’autant plus que, dans le nouveau Code général des collectivités locales, il est indiqué aux articles 42 et 95 que c’est le conseil municipal ou départemental qui élit au scrutin à deux tours et, à son sein, le maire ou le président du conseil départemental. Ceci est également valable pour l’élection du Président de l’Assemblée nationale. Toutefois, on ne peut pas vouloir une chose est son contraire ! C’est-à-dire, admettre dans la composante des élus qu’on choisisse pour le même mode de scrutin, les uns à la majorité à un tour et les autres à deux tours», écrit, pour sa part, dans une tribune publiée dans la presse, Alioune Souaré, ancien député et membre du Comité directeur du Pds.
C’est là donc tout l’enjeu des prochaines batailles politiques, dans et en dehors de l’hémicycle. Lesquelles devaient mettre le curseur sur la nécessité de réformer un système qui favorise la coalition au pouvoir. Notamment, faire en sorte que la totalité des députés soient élus dans les circonscriptions départementales, sur la base d’une proportionnelle à deux tours. D’abord, cela réduirait la «dictature» de la majorité. Ensuite, cela renouerait le lien entre le député et sa base électorale dont il devrait prendre en compte les besoins pour espérer un renouvellement du mandat. Parce que, jusque-là, on a des députés qui sont choisis par les appareils, chaperonnés par ceux-ci et qui, une fois élus, ne rendent compte qu’auxdits appareils dont ils exécutent les ordres, même les plus impopulaires.
Ibrahima ANNE (Walf Quotidien)