Tout ça pour ça ! Alors que le Sénégal a cassé sa tirelire pour payer plus de 50 milliards de francs Cfa à la société malaisienne Iris Corporation pour la confection des nouvelles cartes d’identité numérisées, le pays peine à obtenir satisfaction de ce prestataire.
Au point de menacer sa démocratie dont l’élection est le souffle. Car, à cinq jours des législatives du 30 juillet prochain, beaucoup d’électeurs n’ont pas encore reçu leurs cartes pour voter. Un signe révélateur de la contre-performance du prestataire dont les agents râlaient devant la Direction de l’automatisation du fichier (DAF) pour réclamer 3 mois d’arriérés de salaires. Ce, sans compter les innombrables pannes de machine constatées dans plusieurs centres d’inscription. Comment le Sénégal, où on vote depuis plus d’un siècle, en est arrivé à devoir aller à des élections où tout le monde n’a pas sa carte d’électeur ? La réponse à cette interrogation met à nu le manque de professionnalisme des organisateurs du scrutin. Lesquels ont même poussé le «Patron» à reconnaître publiquement le fiasco, lui qui se dit ouvert à un vote avec récépissé, alors que le budget a atteint 50 milliards de francs Cfa. Cette potion électorale que souhaite administrer Macky Sall est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique, à cause notamment des risques de fraude qu’elle peut engendrer.
Devant ces impairs, une partie de l’opposition va prendre la rue, ce mardi, pour réclamer du ministre de l’Intérieur la délivrance desdites cartes. Menés par l’ancien chef de l’Etat, le Président Abdoulaye Wade, tête de liste de la Coalition gagnante Wattu Senegaal et l’ensemble des leaders de la Coalition, ces marcheurs invitent, dans un communiqué, «tous les citoyens épris de justice, de liberté et de démocratie à la marche démocratique, républicaine et pacifique pour la délivrance des cartes d’électeur». Triste sort pour notre démocratie.
Malgré toutes les alertes et mises en garde des professionnels sénégalais des technologies de l’information et de la communication, l’Etat avait signé les yeux fermés le contrat avec Iris Corporation, empêtré aujourd’hui dans un scandale de corruption sérieux chez elle. En janvier dernier, son directeur général, Datuk Hamdan Mohd Hassan, et le directeur des opérations internationales ont été arrêtés par la Commission anti-corruption de la Malaisie (MACC). L’entreprise est accusée d’avoir acquis le marché de fabrication des passeports biométriques guinéens en versant des pots de vin.
Affaire de corruption
Avec ce piètre travail de la firme malaisienne éclaboussée par une triste affaire de corruption ailleurs, il est légitime de se poser des questions au Sénégal : Où est passé l’argent des cartes numérisées ? Qui étaient les intermédiaires d’Iris au Sénégal ? Pourquoi cette entreprise a été choisie alors qu’elle n’était pas la meilleure ? Autant de questions qui taraudent les Sénégalais et sur lesquelles WalfQuotidien promet de revenir. Mais ce scandale est loin d’être le seul dans le domaine du numérique sous ce régime arrivé au pouvoir avec l’étendard de la «gestion sombre et vertueuse». L’affaire Bigtogo est encore fraiche dans les mémoires des Sénégalais imbus de transparence. Pour une erreur de jeunesse du pouvoir de Macky Sall dans l’instauration des visas biométriques décidée dans le cadre de la réciprocité avec les pays qui en réclament aux Sénégalais, l’Etat a été obligé de dédommager cette société appartenant à l’ancien ministre des Affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, Adama Bictogo, à hauteur de 12 milliards de francs Cfa. Un mirifique contrat de la Snedai que tout le pays a dénoncé à l’époque. Mais comme l’Etat nous «cash» tout dans le secteur du numérique, il récidive avec le renouvellement de la licence de l’opérateur historique du pays, Sonatel. Pour 100 milliards de francs Cfa, cette société de télécoms obtient un bail de 17 ans supplémentaire avec, cerise sur le gâteau, une licence 4G pour laquelle il réclame 30 milliards à la concurrence. Une perte en or pour l’Etat du Sénégal face à la filiale de France Télécom.
Avec toutes ces affaires qui prouvent que la transparence trouble le système, Macky Sall, qui se sait en danger dans ce premier tour de 2019, doit certainement, dans son sommeil, entendre les balles siffler.
Seyni DIOP (Walf Quotidien)