L’organisation du scrutin du 30 juillet prochain va être un véritable casse-tête. 47 listes en lice et des électeurs sans carte d’identité, les législatives apparaissent comme un marché hebdomadaire où il n y a que des vendeurs.
Le président SALL, accusé d’avoir aidé certains à se présenter, semble avoir mis tous les atouts de son côté pour que le vote se déroule dans les plus mauvaises conditions possibles. Pour quelles raisons ?
A un mois du jour du scrutin du 30 juillet 2017, difficile de dire comment les électeurs vont procéder pour exprimer leur choix. Les deux grands défis, que sont le modus operandi du vote et la disponibilité des cartes d’identité pour les électeurs, sont loin d’être relevés par les gouvernants.
47 listes, comment on en est arrivé là ?
Pour certains, le Sénégal comptant plus de 300 partis politiques, il est tout à fait normal d’avoir près de cinquante candidatures à une élection. Mais si gouverner c’est prévoir, la pléthore de listes, qui restait dans le cadre du possible, ne devrait pas dépasser les tenants du pouvoir. Seulement, alors que les propositions se multiplient et qu’il était attendu sur la question, le chef de l’Etat s’est gardé de tout commentaire concernant l’organisation du vote. Et la patate incandescente est admirablement filée à la CENA. «J’espère que la Commission électorale nationale autonome (CENA) et les acteurs politiques pourront trouver les convergences qui permettront, suite à la prolifération des listes aux législatives, de trouver un modus operandi permettant aux citoyens d’exercer leur devoir civique sans grande entrave », a expliqué Macky SALL. Le chef de l’Etat à qui l’opposition n’a de cesse interpellé sur un salutaire consensus autour du processus électoral, profite d’une prière pour suggérer une invraisemblable entente des acteurs politiques sur la question. Et ce, à presque un mois du vote. Et pourtant, certains n’ont pas hésité à voir sa généreuse main pour ses partisans derrière certaines candidatures jugées farfelues qui ont rallongé la liste. Mamadou DIOP Decroix n’a pas hésité à parler de «listes délibérées qui seraient financées par le pouvoir». Si le secrétaire général d’AJ/PAD peine à nombrer les cheveux de Troie de Macky, ce n’est pas le cas de Barthélémy DIAS. Pour le responsable socialiste, six listes sont parrainées et financées par Macky. «Certains responsables politiques n’ont aucune activité politique. Je me demande même si ces gens ont les moyens pour faire tourner un parti politique. Qu’ils ne viennent pas nous faire croire qu’ils ont ramassé 15 millions dans la rue pour déposer ça en caution », a clamé le maire de Sacré-Cœur/ Mermoz.
Le leader de l’APR a officiellement favorisé la multiplication des listes en réduisant le montant des cautions à 15 millions et en favorisant la participation des candidats indépendants. Mais, à la lumière de ces accusations, Macky SALL, loin du pompier-pyromane, enfile plutôt la tunique du pyromane refusant de jouer au pompier. Après avoir aidé à mettre autant de candidats sur la ligne de départ, il «espère que la CENA et les acteurs politiques pourront trouver les convergences ». Sacré Macky !
Cartes biométriques irrécupérables
Et pourtant, la procédure de vote n’est la seule difficulté. Comme disent les wolofs : « balaga né nam néffa» (pour répondre présent, il faut y être). Pendant que les propositions sur l’organisation du scrutin se multiplient, l’équation des cartes d’identité biométriques se posent avec acuité. Une autre œuvre de Macky SALL. En effet, à la surprise générale et sans que rien ne le justifie, le Conseil des ministres du 17 Février 2016 a adopté le projet de loi instituant la carte d’identité biométrique CEDEAO. Pour des milliers de citoyens voter le 30 juillet prochain est loin d’être acquis. Les allers-retours à n’en plus finir ne leur ont pas permis de mettre la main sur le document d’identification aussi banal que nécessaire. Aux dernières nouvelles, plus 50 % des demandeurs n’ont pas reçu leur carte.
Et, à ce rythme, l’élection, que rien ne peut plus repousser, malgré les tentatives de diversion, est partie pour enregistrer l’un des médiocres taux de participation de l’histoire du Sénégal. Une donne loin d’incommoder le président de l’APR. Les 36,6% de taux de participation aux dernières législatives ne l’ont guère empêché d’avoir une majorité confortable à l’Hémicycle. Avec le mécontentement quasi généralisé, vaut mieux que les bureaux de vote ne soient pas débordants. Et plus le taux de participation est faible, plus le parti au pouvoir est avantagé.
De SENGHOR à SALL, en passant par DIOUF et WADE, les présidents qui se sont succédé à la tête de l’Etat ne sont jamais souciés du taux de participation à une élection qu’ils ont rempotée. Que le tiers des électeurs se rendent aux urnes n’est pas une préoccupation. L’essentiel, c’est d’avoir un pourcentage de vote acceptable et légaliser ainsi son élection qui souffre pourtant d’une grande illégitimité.
Mame Birame WATHIE