L’ONG a lancé, hier, à Dakar, la campagne mondiale, «Osons le courage».
Une occasion que le Directeur exécutif d’Amnesty Sénégal a saisie pour dénoncer les vagues d’attaques contre les défenseurs des droits humains et les journalistes.
En matière de protection des défenseurs des droits humains et de liberté de la presse, le Sénégal n’est pas un modèle. C’est le constat, établi, hier, à Dakar par Amnesty international, section Sénégal. C’était, lors du lancement de la campagne mondiale «Osons le courage», initiée par l’Ong à travers le monde. «Nous sommes trop préoccupés par ce qui se passe au Sénégal. Nous avons encore dans notre pays des dispositions napoléoniennes dans le code pénal qui punissent très sévèrement ce qu’on appelle outrage au chef de l’Etat. Dans beaucoup de pays du monde, ce genre de délits n’existe plus», dénonce Seydi Gassama. Selon lui, même la France que nous copions toujours, l’outrage au chef de l’Etat n’y existe plus. Il a, en effet, été supprimé depuis longtemps du code pénal français. Seydi Gassama rappelle que les brimades dont Alioune Tine, ancien président de la Rencontre africaine des droits de l’homme (Raddho) a été l’objet lors de la manifestation du 23 juin 2011 et les menaces de plaintes dirigées chaque jour contre Birahim Seck du Forum civil, montrent à suffisance que le Sénégal est loin d’être un modèle. Pour M. Gassama, les journalistes sont aussi des défenseurs des droits humains. Ce qui lui fait dire qu’il est temps que le code de la presse soit adopté. «Depuis combien de temps le code de la presse est là dans les terroirs ? C’est le Parlement qui s’oppose à l’admission de ce code qui est consensuel. En plus, ils ont retiré de ce code la suppression des peines privatives de liberté qui pourtant sont abolies en Guinée Conakry. On croit toujours qu’on est devant les autres alors qu’on ne sait pas qu’on continue toujours à reculer chaque jour en matière de délit de presse», peste-t-il.
D’après lui, c’est même honteux que ce soit des journalistes du palais qui, «au lieu de se battre pour protéger leur corporation», ont manœuvré pour que ces peines de privatisation de liberté soient retournées dans le code de la presse. «On est dans un système où les hommes politiques lorsqu’ils sont dans l’opposition considèrent les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme comme leurs amis. Dès qu’ils sont au pouvoir, ils les considèrent comme des ennemis parce que ce sont des gens qui ont allergiques à la critique et fomentent des complots pour faire taire les journalistes», regrette-t-il. Le président d’Amnesty International Sénégal, Diène Ndiaye d’embrayer : «Nous demandons à l’Etat du Sénégal d’adopter des lois qui reconnaissent l’importance du travail des défenseurs des droits humains et les protègent contre la violence et toute forme de persécution. Le Sénégal ne peut pas être en reste au moment où des Etats, de plus en plus nombreux, ont adopté de telles lois».
Pour sa part, François Patuel du Bureau régional d’Amnesty à Dakar soutient que l’adoption de lois liberticides qui sont particulièrement vagues pourrait être utilisée demain contre les défenseurs des droits humains. Il s’agit, par exemple, de «la loi sur la révision du code pénal relative au terrorisme et à la cybercriminalité. Ces lois contiennent des dispositions qui sont très vagues, très dangereuses, notamment le fait qu’un système informatique puisse être piraté en dehors de tout contrôle judiciaire à la demande d’un procureur. C’est quelque chose de très grave», s’indigne le chercheur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest. Qui, par ailleurs, regrette le maintien au Sénégal de ces lois liberticides comme la diffamation, l’insulte, l’injure, l’outrage au chef de l’Etat ou diverses personnalités publiques dans son code pénal. «Beaucoup de manifestations pacifiques de défenseurs de droits humains, ou de partis politiques sont interdites au Sénégal. Tout le monde a le droit de manifester dans la rue pour dénoncer et demander que ses droits soient protégés et défendus. Malheureusement, il y a une tendance à interdire les manifestations sur des critères très vagues. C’est une remise en cause de la démocratie de ce pays», fustige-t-il.
Walf Quotidien