CHRONIQUE DE WATHIE
Cette semaine, l’envie d’écrire ne m’ayant pas quitté, j’ai décidé de consacrer cette chronique à ce qui se passe hors de nos frontières. Loin des noyades de femmes enceintes et de calcinations d’hommes priant Dieu, posons un regard sur le scrutin français.
Les compatriotes de François Hollande ont envoyé à la retraite les dinosaures politiques qui se relayaient au pouvoir depuis de nombreuses décennies. Mettant un bémol au bipartisme, ils ont indiqué une autre voie ne menant ni à Gauche ni à Droite. Après les Anglais et leur Brexit, les Américains avec l’avènement de Donald Trump, les Français ont aussi manifesté leur révulsion pour le compromis pérennisant et sont davantage tentés par l’inconnu. De leur vote, sont sortis vainqueurs une diva et un playboy. Entre les deux, j’opte pour la fille de Jean-Marie Le Pen.
Entendons nous, je ne miserai pas un copeck sur Marine Le Pen. Moins qu’un pronostic, c’est une préférence. L’élection de la candidate du Front National est, sans doute, la meilleure chose qui puisse arriver aux pays africains francophones. Puisque les Africains refusent de s’affranchir de la France, celle-ci pourrait bien, en se recroquevillant sur elle-même comme Marine Le Pen le souhaite, lâcher l’Afrique.
La Françafrique a prospéré pendant que la Gauche et la Droite se relayaient le pouvoir en France. Mis en place par le général De Gaule, ce système, qui a grandement participé à enrichir la France tout en appauvrissant les pays africains, a survécu à tous présidents français qui ont succédé au premier président de la V République. Le symbole de cette grande complicité est sans doute la compagnie pétrolière Essence et lubrifiants français (ELF). Bras armé du Général du Gaule qui théorisait à la fin de la deuxième guerre mondiale que : « La France ne peut être reconnue comme une grande puissance mondiale que si elle est indépendante sur le plan énergétique », ELF faisait et défaisait les démocraties en Afrique. A travers des opérations secrètes, des coups d’Etat, le groupe pétrolier français faisait régner l’ordre selon les intérêts supérieurs de la France. Ainsi, en 1990, le Gabon, dont le président Omar bongo que ses compatriotes affamés malgré le pétrole qui coule à flot, accusaient d’avoir fait assassiner l’opposant Joseph Rendiambé, était au bord de l’insurrection. La ville de Port-Gentil qui abritait les locaux de ELF Gabon, polarisait les émeutes. Conscient que son fauteuil vacillant allait l’échapper, Bongo, dans un sursaut de survie, va toucher le talon d’Achille des Français, ELF qu’il menace de fermer. Il n’en fut pas plus pour que le Directeur de ELF de l’époque, Loïk le Floch-Prigent, alerte la toute puissante armée de l’Hexagone qui se dépêche d’aller au secours de Bongo, massacrant tout sur son passage. La volonté des Gabonais fut bâillonnée, leur pétrole exporté. Quelque temps après cet épisode, ELF allait, de nouveau, faire couler le sang pour avoir le pétrole. Cette fois au Congo-Brazzaville. Traitant directement avec le président-dictateur, Denis Sassou Nguesso, la compagnie pétrolière française a pesé de tout son poids pour que celui-ci reste au pouvoir malgré son impopularité. En effet, après le cours magistral de démocratie que Mitterrand donna à ses homologues africains, des conférences nationales se sont tenues un peu partout sur le territoire africain. Le Congo, à l’instar des nombreux pays francophones en crise, organise la sienne qui adopte une nouvelle Constitution préconisant le multipartisme. Mais, Denis Sassou Nguesso, qui est issue d’une ethnie minoritaire du Nord, risque de perdre le pouvoir aux élections présidentielles, les premières démocratiques du pays qu’il a fixées sous la pression. Pour le sortir d’affaire, ELF va dénicher Pascal Lissouba avec qui il passe un ténébreux accord. Lissouba, ancien premier ministre, éloigné des affaires depuis longtemps mais qui a la chance d’appartenir à l’ethnie majoritaire du Sud du pays(les Nzabis) est d’accord pour regagner le terrain politique. Il met en place une stratégie financée par ELF. Il remporte les élections avec plus de 60%. Mais, une fois élu, Lissouba, que les Français pensaient trop malléable, rompt les accords du deal et veut gérer le pouvoir selon sa convenance. Sûr de son assise populaire, il écarte systématiquement Sassou Nguesso ainsi que tous ses proches du pouvoir. Les responsables de ELF se braquent et refusent de verser l’argent qui perfuse l’administration congolaise et tient debout son armée. Acculé, le nouveau président fait appel à Oxy, une multinationale pétrolière américaine. Cocue, giflée, la France, qui ne pouvait comme elle l’avait fait au Gabon, intervenir directement au risque d’affronter les Usa, va aider Sassou Nguesso, en finançant gracieusement sa milice de Cobras décidée à débarquer Lissouba. Une guerre civile de plusieurs années va en découler. ELF, qui avait, entretemps, pris pied en Angola, appuie Dos Santos qui se débarrasse de Jonas Savimbi, le chef rebelle qui perturbait l’exploitation du pétrole. Ce dernier vaincu, l’Angola apaisée, les forces spéciales de son Président braquent leurs armes sur le Congo. Lourdement armés avec des équipements de dernier cri, les soldats de Dos Santos font une bouchée de la garde rapprochée de Pascal Lissouba qui capitule. Denis Sassou Nguesso reprend les rênes du pouvoir qu’il ne lâche toujours pas. ELF a le loisir de faire voguer ses gourmands cargos dans tout le littoral. L’argent qu’il génère coule à flot au grand profit d’une poignée d’hommes politiques français. Il a fallu que l’entente entre Mitterrand, président de la République (de Gauche), Edouard Balladur, Premier ministre de cohabitation et Jacques Chirac, maire de Paris (tous deux de Droite), vole en éclats pour que toute la conspiration soit révélée au grand jour. Les deux derniers s’affrontent aux élections présidentielles de 1995. Une adversité de laquelle ressortent de méchants cafards. Ainsi, les premières enquêtes, faisant suite à des fuites, conduites par la Commission des opérations boursières vont révéler des sommes pharaoniques transférées d’ELF à une société de textile dénommée Bidermann, domiciliée en Corrèze, le fief de Jacques Chirac. La juge d’instruction chargée de l’affaire, Eva Joly, découvrira des sommes colossales chiffrées en millions d’euros. Ce qui semblait être, aux yeux des enquêteurs, une banale histoire de détournement va révéler un scandale d’Etat aux tentacules gigantesques. Edouard Balladur et Jacques Chirac de vieux amis avaient, ainsi, réussi à mettre à nu un système conçu par le Général de Gaule et qui obéissait, depuis, à une omerta respectée par tous les autres présidents de Gauche comme de Droite. Et, pour définitivement étouffer l’enquête, ELF disparait. Il est liquidé. Englouti, absorbé, avalé par sa toute petite concurrente… Total.
La France ne pouvant se départir de l’Afrique au risque de dégringoler de sa place de 6e puissance mondiale, va sans doute continuer à s’accrocher. Sa politique sociale étant parmi les plus avantageuses du monde, elle le doit grandement à l’Afrique, qu’elle suce depuis de très nombreuses années. Avec Emmanuel Macron, qui est à cheval entre la Gauche et la Droite, il ne faut guère s’attendre à une France renonçant à son Afrique laitière. Mais, si Marine Le Pen bouscule les émigrés, barre la route aux potentiels et fait revenir son pays au Franc, les pays africains ne s’en porteraient que mieux et seraient, à n’en pas douter, beaucoup moins réceptifs aux injonctions d’une France prenant ses distances. Et qui sait, puisque la présidente du FN n’est pas enchantée par une équipe de France de football «black blanc beurre », des pépites, de la trempe de Pogba, pourraient choisir un autre maillot que tricolore.
Ce qui va faire la différence le 7 mai prochain, c’est la participation au scrutin de millions de français d’origine africaine déterminés à ne pas se laisser pourrir la vie par des fachos.
Par
Mame Birame WATHIE