La conduite des bus Dakar Dem Dikk n’est plus la chasse gardée des hommes.
Depuis quelques temps, les femmes ont entrepris de défier les hommes à la commande de ces bus. Sous couvert de l’anonymat, certaines donnent leurs avis.
Depuis quelques semaines, des conductrices sont visibles au volant des bus de Dakar Dem Dikk. Ce, après les taxis et motos. Voir des femmes au volant des bus reste, toutefois, une curiosité pour bon nombre de personnes qui les découvrent dans les allées de la capitale, aux commandes de ces immenses engins à grande vitesse et au bruit lourd. Cela a même un effet de surprise chez certains. «L’une des femmes de notre garage est devenue célèbre dans la société parce qu’elle a déplacé un bus sur quelques mètres», ironise une receveuse.
Il y a, par ailleurs, des sociétés qui font l’effort de donner une place aux femmes dans les bus mais pas au tableau de bord. Au garage Petersen, situé au cœur de la capitale sénégalaise, les receveuses aiment bien rester dans les sièges du bus, hors de leur cage de caissière. Interpellée sur la position de la femme aux commandes des bus, l’une d’elle confie : «S’il ne s’agit que de suivre les arrêts et les terminus, je ne vois pas de problème. La voiture n’a pas de sexe. La femme a montré qu’elle sait faire certaines choses que l’homme a monopolisées d’autant qu’il y a des femmes qui sont déjà au volant et qui font mieux que les hommes. D’ailleurs, elles sont plus disciplinées au volant. Les hommes se chamaillent à longueur de journée à coups de klaxon».
Un peu plus loin, dans un autre bus, une autre receveuse se prélasse sur le siège qui jouxte son bureau. «Les femmes sont réactives. Les hommes supportent mieux les provocations. Une femme n’hésitera pas à réagir à un clin d’œil ou une parole provocante», avance-t-elle. Mais, pour cette dame, le pire peut être évité si l’employée est rigoureuse.
Au garage Lat Dior, situé non loin de là, une receveuse voit une sorte de discrimination dans le fait que les femmes tardent à être au volant. «Beaucoup ont rejoint une autre société qui leur donne l’opportunité de tenir les commandes», confie une caissière. A l’en croire, elle a vu des hommes promus au poste de chauffeur alors qu’elle était là avant eux. Pourtant elle dit honorer ses heures de travail qui l’obligent à se lever tôt le matin pour rentrer tard.
«La conduite n’a pas de sexe»
Pour Mamadou Silèye Anne, responsable de la communication à la société Dakar Dem Dikk, le recrutement de 60 femmes receveuses et trois conductrices entre dans le cadre de la modernisation de la société avec la venue des 475 bus. M. Anne reconnait que c’est un domaine qui est traditionnellement réservé aux hommes. Mais, au nom de la parité que les femmes réclament à cor et à cri, la société a décidé de leur donner la carte de l’égalité mais à la sueur de leur front. «Les femmes sont soumises aux mêmes contraintes de pénibilité. Il n’y a pas de faveur pour elles», précise le responsable de la communication de Ddd, joint au téléphone.
L’inclusion ou l’exclusion des femmes s’explique, par ailleurs, par la structuration du secteur des transports. Pour un des jeunes responsables au garage des bus de Petersen, les femmes ne peuvent encore être au siège avant parce que le secteur est désorganisé. Pour preuve, il souligne les nombreux départs de ladite société faute de statut social clair.
Le prix à payer
Pour les femmes rencontrées dans les bus, leurs lieux de travail, c’est un choix de travailler dans les transports en commun. Elles n’ont presque pas de vie de famille. Certaines révèlent qu’elles quittent à 3 ou 5 heures du matin pour ne rentrer à la maison que vers 22 heures. L’une d’elles, mère de famille, dit compter sur son mari qui est un homme compréhensif. Ses enfants vivent chez des proches. Le sommeil reste son sport favori à la descente et pendant les jours de repos. «Je suis consciente des risques», reconnait-elle.
La principale contrainte que rencontrent les guichetières qui ne rejettent pas d’être aux commandes si l’occasion se présente, c’est la gestion des humeurs. «Nous rencontrons près de 400 personnes par jour avec différents mines», dit l’une d’elles. Pour une caissière, le face-à-face avec le client peut mener à tout. Un client peut vous dire «merci ou m…», prévient une receveuse dans un bus Tata. Il peut aussi y avoir des dénouements heureux. «Au volant ou à la caisse, tout peut se passer. J’ai eu une copine qui a trouvé chaussure à ses pieds dans son bus», révèle une caissière.
Il faut espérer que les femmes ne se plaignent pas de sitôt car il faut rappeler qu’il y a eu un premier peloton de candidates dans la société Dakar Dem Dikk qui ont fini leur course hors des bus.
Walf Quotidien