A Dakar, depuis l’apparition du Pari Foot, beaucoup de jeunes ont déserté les classes pour investir les kiosques.
Ce jeu de hasard qui touche les passionnés de football favorise ainsi la déperdition scolaire. Un tour dans les points de vente permet de faire le constat alarmant.
«Interdit aux moins de 18 ans». Cette phrase placardée à l’entrée des salles de jeux de la Loterie nationale sénégalaise (Lonase) barre, théoriquement, l’accès aux mineurs. Mais certains passionnés du jeu restent indifférents aux mesures prises et tentent de braver l’interdit par tous les moyens. Ainsi, pour faire primer la loi sur le gain, certains vendeurs sont obligés d’être durs avec ces mineurs.
Ce kiosque qui se trouve aux Parcelles assainies, Unité 15, ne désemplit pas. Une file de passionnés sont agglutinés devant. Ils veulent miser sur un jeu d’où les prix diffèrent selon le menu disponible. A l’intérieur, Alioune Thiam, gérant, est assis sur sa chaise à côté d’une dame qui, visiblement, est sa collègue de travail. Installé devant une petite machine, il saisit le score des matchs choisis par le parieur avant de lui remettre un ticket. A cause de l’afflux de la clientèle, il a fallu attendre une trentaine de minutes pour lui soutirer un mot. Alioune Thiam soutient que le Pari Foot marche bien surtout durant la Ligue des champions. «Je travaille tous les jours, de 9 heures jusqu’à des heures tardives de la soirée, le temps que les matchs se terminent», confie-t-il. Il déclare respecter l’interdiction de vendre ses produits aux jeunes de moins de 18 ans. «Le Pari Foot est joué par les jeunes qui suivent le football et les championnats européens. Comme les mineurs sont devenus précoces, ils utilisent plusieurs méthodes pour pouvoir me tromper. Ils mentent souvent sur leur âge ou prétendent que ce sont leurs parents qui les ont envoyés. Là, je refuse catégoriquement et je leur demande de faire venir le mandant lui-même car je sais que c’est un alibi. S’ils insistent, je leur réclame leur pièce d’identité pour en avoir le cœur net. Les plus téméraires réclament leur ticket par la force. Pour ces cas, j’utilise des moyens coercitifs à ma disposition pour les amener à la raison car je respecte l’engagement que j’ai signé avec la Lonase», certifie Alioune Thiam. Selon lui, tout son voisinage connaît son intransigeance dans l’application de la réglementation. Raison pour laquelle, aucun mineur n’est visible dans les parages. A quelques mètres de lui, une vielle dame, assise sur sa chaise pour profiter du soleil, dit avoir appris à ces dépens qu’on ne peut pas facilement rouler le gérant dans la farine. «J’ai une fois envoyé mon petit-fils à son kiosque pour m’acheter un ticket de Pmu, mais il l’a envoyé promener. Cet homme respecte l’interdiction de moins de 18 ans. J’ai 75 ans et rien ne me fera raconter des histoires», témoigne la dame.
Thiam informe que la Lonase a mis en place une cellule de contrôle qui espionne les gérants qui n’appliquent pas la loi. Et de raconter cette anecdote. «Un jour, le comité de surveillance (de la Lonase, Ndlr) a essayé de me piéger en envoyant un mineur acheter un ticket dans mon kiosque. J’ai refusé sans savoir que ce sont eux qui l’ont envoyé car je fais primer la loi sur le gain. Si j’étais tombé dans le panneau, ils auraient pu me retirer la licence et fermer mon kiosque. Heureusement que je ne suis pas rentré dans ce jeu», précise-t-il.
Liberté 6 : pas de liberté pour les «parifooteurs»
Madeleine Diatta, la gérante du kiosque qui se trouve près du rond-point de Liberté 6, trouvée en pleine activité dans son kiosque, ne badine pas, elle non plus, avec les règles. Elle a l’air très occupée par ses clients, impatients de s’adonner à leur jeu favori. «Le Pari Foot domine tous les autres jeux. Le prix du ticket varie entre 300 et 15 000 francs Cfa. Je ne vends qu’aux jeunes âgés de 18 et plus. Ils misent pour gagner de l’argent. Mais, les mineurs insistent, même en voyant l’affiche collée devant le kiosque qui leur interdit le jeu. Et comme ils sont têtus, ils viennent surtout durant les jours où ils n’ont pas cours pour tenter leur chance», souligne Mme Diatta. Pendant que nous discutons avec elle, un jeune se pointe devant son kiosque pour acheter trois tickets de 300 francs Cfa de Pari Foot. La vingtaine, ce dernier est étudiant dans une école de formation de la place. Ce jeu est, pour lui, une maladie dont le virus lui a été transmis par ses frères. «Mes frères m’envoyaient souvent leur acheter des tickets pour jouer. Un jour, j’ai essayé et ça a marché. Depuis lors, je joue et peu m’importe que je gagne ou perde. C’est un plaisir dont je ne peux plus me passer. Je m’en sors souvent dans mes pronostics car je regarde les matchs. Mais, mes parents ne sont pas au courant car s’ils le sont, ils ne me donneront plus un sou», confie le jeune accro.
Walf Quotidien