Le régime burundais a ordonné la libération d’un quart de la population carcérale, afin de désengorger les prisons.
La société civile craint qu’il s’agisse d’une manœuvre visant à faire de la place pour de nouveaux prisonniers politiques.
Manœuvre du régime burundais ? Alors que le gouvernement a entamé, lundi 23 janvier, la libération du quart de sa population carcérale dans le cadre d’une grâce présidentielle, la société civile en exil craint que le pouvoir ne cherche ainsi à faire de la place pour de nouveaux prisonniers politiques.
Un premier groupe de 300 prisonniers a été libéré de la prison centrale de Mpimba, à Bujumbura, par la ministre de la Justice, Aimée Laurentine Kanyana. À terme, 2 500 prisonniers doivent être libérés par les autorités.
Ces libérations visent à “désengorger les prisons pour permettre à ceux qui y restent de vivre dans des conditions acceptables” et à la “consolidation de la réconciliation nationale”, a déclaré la ministre de la Justice, au cours d’une cérémonie officielle en présence du corps diplomatique accrédité au Burundi.
Alors que le gouvernement a toujours nié détenir des prisonniers politiques, 58 militants, arrêtés lors d’une manifestation interdite et violemment réprimée par la police burundaise le 9 avril 2014, se trouvaient dans le premier groupe. Ils avaient été condamnés à des peines allant jusqu’à la perpétuité, lors d’un procès qualifié d'”expéditif” par la communauté internationale.
“Exceptionnellement, son excellence le président Pierre Nkurunziza a également bien voulu toucher même ceux, qui ont été condamnés pour des actes criminels commis lors des mouvements insurrectionnels, qui ont été organisés depuis 2014”, a-t-elle ajouté, restant toutefois vague sur l’éventuelle libération de prisonniers arrêtés depuis le début de la crise actuelle, en avril 2015.
Une centaine de personnes arrêtées chaque semaine
“À chaque fois que des prisonniers politiques sont relâchés, c’est une bonne chose”, a réagi auprès de l’AFP Pierre-Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des détenus et des prisonniers politiques (Aprodeh), et figure emblématique de la société civile burundaise.
“Mais nous appelons surtout à une relaxe des plus de 4 000 détenus politiques, qui croupissent en prison depuis le début de la crise au Burundi”, a ajouté le militant qui vit en exil en Belgique. Cette mesure est aussi destinée à “faire de la place aux victimes des nombreuses arrestations arbitraires à la faveur de la répression qui s’est abattue sur le Burundi”, a-t-il accusé.
De son côté, la principale ligue burundaise des droits de l’Homme, Iteka, désormais interdite au Burundi, estime qu’au moins une centaine de personnes accusées de crimes en lien avec la crise politique actuelle sont arrêtées chaque semaine au Burundi, alors que d’autres sont assassinées ou portées disparues.
Le Burundi est plongé dans une grave crise depuis l’annonce en avril 2015 de la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé et son élection en juillet de la même année. Les violences ont fait plus de 500 morts et poussé plus de 300 000 personnes à quitter le pays.
Selon des sources pénitentiaires, les prisons burundaises abritaient 10 051 prisonniers à la fin décembre 2016, contre environ 6 000 détenus avant avril 2015.
france24