CHRONIQUE POLITIQUE
A jour J-13, Yahya Jammeh est décidé à tenir tête à la Cedeao et, par delà elle, à la communauté internationale. Les médiations conduites par la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, ses homologues du Nigeria, Muhammadu Buhari, et du Ghana, John Dramani Mahama, n’y ont rien pu : il n’entend pas céder pacifiquement le pouvoir au président élu de la Gambie, Adama Barrow. Les menaces de la Cedeao d’avoir recours aux armes pour le déloger de son palais s’il ne passe pas le témoin le 19 janvier prochain, ne semblent pas l’ébranler outre mesure. Et à treize jours de la fin de cet ultimatum, le président sortant gambien continue de la défier. Pour autant, l’option diplomatique n’est pas encore vouée à un échec définitif. Et, en ce sens, tous les regards sont, désormais, tournés vers Nouakchott et Conakry d’où peut venir la solution. Les présidents Mohamed Ould Abdel Aziz et Alpha Condé sont ainsi les derniers recours pour ramener Yahya Jammeh à la raison.
Dans cette recherche d’une solution politique de la crise post-électorale gambienne, la diplomatie sénégalaise est définitivement larguée. Il peut paraître paradoxal que, sur un dossier portant sur le devenir de la Gambie qui n’a de frontière terrestre qu’avec le Sénégal qu’il sépare de part en part, Dakar ne puisse jouer une quelconque partition dans son règlement pacifique. On ne l’attend plus que sur le glissant terrain militaire où il devra diriger le contingent de la Cedeao chargé de chasser Yahya Jammeh du pouvoir à l’expiration de l’ultimatum qui lui a été fixé. La diplomatie sénégalaise s’est disqualifiée toute seule.
C’est ainsi qu’à peine le président gambien avait-il fini d’annoncer qu’il ne reconnaissait plus les résultats de la présidentielle du 1er décembre 2016, bien qu’ayant déjà félicité son challenger quelques jours auparavant, que le ministre des Affaires étrangères Mankeur Ndiaye faisait une sortie musclée à la télévision. Pour non seulement condamner avec véhémence ce rétropédalage, mais aussi mettre en garde les autorités gambiennes contre toute exaction dirigée contre des ressortissants sénégalais et surtout annoncer la décision du Sénégal de saisir le Conseil de sécurité des Nations-unies, la Cedeao et l’Union africaine. Le Sénégal ne peut pas ainsi dresser toute la communauté internationale contre Yahya Jammeh et vouloir en même temps jouer un quelconque rôle dans la recherche d’une solution pacifique de la crise.
Pourtant, aucun membre de la Cedeao n’était mieux outillé que notre pays pour ramener à la raison les autorités gambiennes. Comme l’avait fort justement souligné l’ancien ambassadeur Serigne Moustapha Cissé de Pire, nombre de familles religieuses, de Kaolack à Tivaouane, en passant par Touba, auraient pu aider à décanter la situation en Gambie si les autorités sénégalaises n’avaient pas été sur des positions aussi extrêmes. Pour elles, Yahya Jammeh devait dégager, un point et c’est tout. Or il fallait, dès le départ, essayer de lui aménager une porte de sortie honorable au lieu d’agiter le spectre de la Cour pénale internationale (Cpi) dès qu’il a reconnu sa défaite, comme l’ont fait le président élu et les droits-de-l’hommistes, ou de mobiliser la communauté internationale en vue de le chasser du pouvoir quand il s’est mis à contester les résultats de la présidentielle.
La Cedeao avait fondé beaucoup d’espoir sur la médiation du géant nigérian. Seulement, le président Buhari n’a aucune influence sur Yahya Jammeh qui le regarde de haut. En fait, dans l’espace anglophone, le seul chef d’Etat qui trouve grâce aux yeux du président gambien, c’est son homologue zimbabwéen Robert Mugabe. Il l’admire pour avoir tenu tête, depuis 2002, à l’ancien colonisateur britannique ainsi qu’à toute la communauté internationale, malgré les sanctions économiques et diplomatiques occidentales. Et ce n’est pas le plus âgé des chefs d’Etat du monde qui conseillera au président gambien de lâcher prise. Mais le président Alpha Condé et son homologue mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui font partie des rares chefs d’Etat africains pour qui Yahya Jammeh a beaucoup d’estime, le feront sans doute à sa place. Parviendront-ils à le faire céder ? Ils ont treize jours pour nous éviter une guerre qui déstabiliserait à tout jamais la sous-région.
Par Abdourahmane CAMARA
Directeur de publication de Walf Quotidien
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