Vendredi dernier, les membres du Conseil de sécurité de l’organisation ont réclamé l’arrêt de la colonisation israélienne. Depuis, Israël multiplie les attaques diplomatiques à l’encontre des pays qui ont voté ce texte.
La résolution de l’ONU passe mal. Le vote du Conseil de sécurité, vendredi, qui condamne les colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-est, provoque la colère de l’Etat hébreu. Le jour même, le pays réagissait, par la voix du bureau du Premier ministre, Benjamin Netanyahou : « Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s’y conformera pas. »
Le texte de l’ONU, qui exhorte le pays à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est », est vu comme une attaque. Tel-Aviv ne compte pas se laisser faire. La riposte diplomatique a débuté.
La trahison américaine
Premier ennemi à punir : les Etats-Unis. Pour la première fois depuis 1979, le pays n’a pas utilisé son droit de veto sur le sujet des colonies israéliennes. Cette abstention à l’ONU a permis que la résolution aboutisse, alors même que Barack Obama s’était opposé à un texte similaire en 2011.
« Si les gens ont pensé que cette résolution allait faire capituler Israël et le faire mettre à genou, ils se sont sérieusement trompés », a lancé l’ambassadeur de l’Etat hébreu aux Etats-Unis dans un entretien à CNN lundi. Il a affirmé que son Etat serait « plus grand que jamais et [qu’il répliquerait] à cette action de la communauté internationale ». Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a convoqué, dimanche, l’ambassadeur américain Daniel Shapiro. Rien n’a fuité de cette rencontre.
Tel-Aviv compte alors sur le successeur de Barack Obama, Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain. Le président élu, contacté par les officiels israéliens avant même le vote de la résolution, a déjà fait savoir qu’après son investiture, « les choses seront différentes à l’ONU ». « La grande défaite [vendredi] d’Israël à l’ONU rendra plus difficile les négociations de paix. C’est dommage, mais nous y arriverons quand même! » a-t-il tweeté.
Des preuves du « complot » des Etats-Unis?
« L’administration américaine a secrètement concocté avec les Palestiniens une résolution anti-israélienne radicale, derrière le dos d’Israël, qui encouragerait le terrorisme et les boycotts », avait accusé un haut responsable israélien, sous couvert d’anonymat. « Des preuves irréfutables » du rôle actif des Américains dans la préparation du texte : voilà ce que possèderait Tel-Aviv. L’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Ron Dermer, a fait savoir, lundi sur la chaîne américaine CNN (ci-dessous, la vidéo de l’entretien, en anglais) que ces documents seraient transmis à l’administration Trump.
L’accusation était portée avant même l’adoption du texte. « Nous présenterons [les preuves] à la nouvelle administration et s’ils veulent [les] partager avec le peuple américain, ils pourront le faire », a précisé Ron Dermer, affirmant que les Etats-Unis « ont orchestré cette attaque en bande ».
La France rejouerait le « procès Dreyfus »
L’Hexagone fait partie des pays à avoir validé la résolution réclamant l’arrêt des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-est. Paris est donc aussi un coupable aux yeux de Tel-Aviv. L’ambassadrice de France avait été convoquée au ministère des Affaires étrangères après ce vote. Lundi, la France était aussi taxée d’antisémitisme.
En cause : la conférence internationale sur le Proche-Orient, qui se tiendra le 15 janvier prochain à Paris. Selon le ministre israélien de la Défense, l’ultranationaliste Avigdor Lieberman, cette réunion de 70 pays n’est rien d’autre qu’un « procès Dreyfus » – du nom du capitaine français juif condamné au bagne pour trahison puis innocenté, une affaire qui avait profondément divisé la France à la fin du 19e siècle.
« Il ne s’agit pas d’une conférence de paix, mais d’un tribunal contre l’Etat d’Israël », a affirmé Avigdor Lieberman lors d’une réunion des députés de son parti, Israël Beiteinou (droite nationaliste). « C’est une version moderne du procès Dreyfus avec l’Etat d’Israël et le peuple juif sur le banc des accusés. »
Cette réunion, organisée par la France, a pour but d’encourager la solution à deux Etats (l’un juif, l’autre arabe), dans le conflit israélo-palestinien. Les deux principaux concernés ne sont pas conviés. Benjamin Netanyahou, invité à rencontrer le président palestinien Mahmoud Abbas une fois la conférence terminée, a déjà rejeté cette idée.
« Quittez la France et venez en Israël »
« Si vous voulez rester juifs et que vos enfants et petits-enfants restent juifs, vous devez quitter la France et venir vous installer en Israël », a aussi déclaré le ministre israélien de la Défense, évoquant les attentats contre les cibles juives en France ces dernières années et la hausse des actes antisémites.
« Ce n’est pas votre pays, ce n’est pas votre terre, quittez la France et venez en Israël », a martelé Avigdor Lieberman, un fervent partisan de la colonisation. Lui-même vit dans une colonie de Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967.
Dix ambassadeurs convoqués
Les autres membres du Conseil de sécurité, qui ont tous voté en faveur de la résolution, n’échappent pas aux représailles. Les ambassadeurs de neuf des 14 votants (en comptant la France) ont été convoqués dimanche au ministère israélien des Affaires étrangères – seul l’ambassadeur américain s’est entretenu avec le Premier ministre.
Le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, a déclaré qu’Israël avait « temporairement réduit » visites et travaux avec des ambassades, sans fournir plus de détails. Lundi, la visite en Israël du Premier ministre ukrainien, Volodymyr Groïsman, prévue cette semaine était reportée. Une conséquence directe du vote ukrainien de la résolution, a assumé Tel-Aviv.
Cette annulation et les convocations sont, selon le bureau de Benjamin Netanyahou, la « réponse naturelle d’un peuple sain affirmant aux nations que ce qui a été fait à l’ONU est inacceptable ». « Avec le temps, nos relations avec les autres nations seront renforcées car elles [ces nations] respectent les Etats forts qui savent défendre leurs intérêts », renchérit le communiqué. L’ambassadeur d’Israël aux Etats-Unis a prévenu : « Ce n’est que le début. »
LeJDD