Depuis plusieurs jours, trouver le liquide précieux dans la capitale sénégalaise, relève du parcours du combattant. Et pendant que les populations trinquent, les députés esquivent, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement radote et renseigne que l’émergence, plus qu’un vœu pieux, demeure une grotesque arnaque.
Les vendeurs d’eau minérale se frottent les mains. S’ils avaient des problèmes pour écouler leurs stocks et faire un inventaire en cette année finissante, ils sont grandement servis. Depuis maintenant plusieurs jours, utiliser l’eau et payer ensuite n’est plus de mise à Dakar. Des toilettes à la cuisine, le liquide précieux a déserté les maisons.
«Chaque fois qu’il y a perturbation au niveau du réseau électrique, cela se fait ressentir au niveau de Dakar puisque les distributeurs sont déconnectés et on reste plusieurs heures pour procéder au remplissage des bassins pour pouvoir alimenter Dakar en eau». L’on pourrait penser, après avoir parcouru ces lignes, que le ministre Mansour Faye les a écrites avant-hier lors de son face-à-face avec les députés à l’occasion de l’examen de budget de son département. Alors qu’en réalité, il s’exprimait le 12 septembre 2014, en marge d’une cérémonie de signature de conventions entre l’Agence française de développement (Afd) et l’Etat du Sénégal. Alors que Dakar était privé d’eau depuis plusieurs jours, ses populations tenaillées par la soif, Mansour Faye faisait couler sa salive avec des explications tirées par les cheveux pour juste noyer ses insuffisances. «Il va falloir renforcer, à notre niveau, le dispositif permettant l’alimentation en quantité et en qualité en eau de Dakar, en mettant en œuvre un programme d’urgence constitué de 14 forages qui vont fournir 40 000 m2 par jour. Ce sont des mesures que nous avons déjà prises et qui seront réalisées dans les meilleurs délais», avait-il ajouté. Lors de la manifestation, les deux parties avaient signé une convention de financement relative au Programme de sécurisation de l’alimentation en eau potable de Dakar d’une valeur de 6,5 milliards de F Cfa. Un programme, indiquait-on, intégralement financé par l’Afd et affecté essentiellement au renforcement et à l’optimisation des infrastructures existantes pour sécuriser le système d’adduction d’eau potable à Dakar et sa région.
Avant-hier, lorsqu’en pleine pénurie d’eau le hasard a mené le ministre de l’Hydraulique devant les députés, c’est à peine si cette question a été évoquée. Comme en 2014, devant des représentants du peuple subjugués avant sa venue, Mansour Faye s’est défaussé sur les coupures de courant pour masquer ses carences, les véritables raisons du manque d’eau. «Cela est dû à un défaut d’alimentation au niveau du barrage de Manantali. Ce qui a un impact sur le Sénégal, la Mauritanie et le Mali», a-t-il encore soutenu. Si entre 2014 et maintenant les délais ne sont pas meilleurs, faudrait bien demander au ministre dans quelle langue il s’exprime réellement. S’il n’était le frère de madame, Mansour Faye aurait probablement dégagé depuis la pénurie d’eau de 2014. Qui, en dehors de lui, peut renvoyer les Sénégalais au temps de leurs ancêtres, en déposant sur leurs têtes des bassines d’eau et survivre à cela ? Si le chef de l’Etat continue de s’accommoder d’un ministre qui égratigne à bien des égards l’image d’émergence qu’il cherche à vendre aux Sénégalais, c’est peut-être parce que, comme Mbagnick Ndiaye et Matar Ba, celui-ci n’a pas été nommé par hasard.
Dans tous les cas, Macky Sall et son régime ne peuvent pas, au risque de se décrédibiliser davantage, entonner quotidiennement le refrain de l’émergence pendant que les Sénégalais avec des bidons et des bassines arpentent les artères de Dakar en quête d’eau. D’autant que, las de cette situation d’un autre âge, ils pourraient bien manifester leur soif dans les rues. Car, plus nécessaire que l’électricité, l’eau est vitale.
Mame Birame WATHIE