Face à l’insécurité galopante dans la capitale sénégalaise où il est régulièrement question d’agressions et de meurtres, les tenants du pouvoir semblent décidés à sortir de leur torpeur. La réunion du Conseil des ministres de ce mercredi s’est longuement arrêtée sur la question. Seulement, au sortir de la rencontre, le président Sall et son équipe semblent plus déterminés à calmer les populations qu’à trouver un véritable remède au mal.
Macky Sall s’était engagé. Au domicile de Madame Fatoumata Makhtar Ndiaye, il avait promis de corser la sécurité. Attendu au tournant, il ne s’est pas dérobé. A la dernière réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, la question de la sécurité a occupé une bonne place. Le chef de l’Etat, qui, selon le communiqué qui a sanctionné ladite réunion, a demandé à chaque gouverneur de région de « lui faire le diagnostic local de la situation sécuritaire au niveau de sa circonscription », indique envisager la mise en place «de comités départementaux de prévention contre la délinquance juvénile ». Pour lui, il est impératif de renforcer la sécurité des populations, et urgent «de prendre toutes les dispositions préventives et coercitives requises, notamment par la police et la gendarmerie, pour juguler la criminalité». Le président de la République qui a réitéré « au gouvernement la nécessité de la mise en action effective des contrats locaux de sécurité, afin de promouvoir une culture de sécurité, de prévention de la délinquance, de la violence et de la criminalité », a indiqué attendre de son gouvernement davantage d’encadrement pour «le développement des activités des sociétés privées de sécurité et de surveillance, dans une dynamique de professionnalisation des personnels concernés».
Seulement, si le président Sall n’avait pas rangé dans ses tiroirs le projet de Loi d’orientation sur la sécurité intérieure (Losi), la réunion du Conseil des ministres aurait été une occasion pour discuter d’autres sujets beaucoup plus essentiels pour les Sénégalais. En effet, conçu depuis plusieurs mois, ledit projet a depuis été tout bonnement classé. Ce n’est qu’avant-hier, qu’il a refait surface. Et pourtant, il a été élaboré à l’issue d’un diagnostic effarant. «L’Etat a fait l’analyse de la position géopolitique et stratégique du Sénégal. Et il en ressort que notre pays est exposé à la menace terroriste, à la criminalité transnationale organisée, au blanchiment de capitaux et au narcotrafic. Sur le plan interne, la croissance démographique et l’urbanisation galopante ont favorisé le développement de la criminalité, de la délinquance et du grand banditisme. Tout cela a été exacerbé par le développement technologique qui fait le nid de la cybercriminalité », renseigne en substance l’analyse faite sur la sécurité au Sénégal. Pour certains experts de la sécurité, la Losi prend en charge toutes les questions que le chef de l’Etat a soulevées. « Soit il attendait le moment propice pour la sortir, soit il en parle juste pour calmer les populations », nous renseigne-t-on. Si pour certains cette loi est à même de juguler la criminalité, d’autres estiment qu’elle comporte un dispositif révélant les prémices d’un Etat policier, d’où le contexte très chargé choisi pour en parler. En attendant que ce projet soit mis au grand jour pour être inspecté à la loupe, ils sont unanimes à penser que le chef de l’Etat est passé à côté pour avoir occulté le véritable talon d’Achille des forces de sécurité sous-équipées et en sous-effectif.
En plus du nécessaire recrutement d’autres éléments et du renforcement des moyens logistiques des forces de sécurité, la sécurité de proximité reste un grand champ à fertiliser. Ils sont unanimes à le dire, le premier partenaire du policier, c’est le citoyen. Seulement, la collaboration avec celui-ci n’est pas prise en compte de manière efficiente. Les mercredis de la police nationale qui avaient été initiés par Anna Sémou Faye, ont quasiment été abandonnés depuis que celle-ci a été défénestrée. Pourtant, ouverts au public, ils étaient censés vaincre cette méfiance qui existe entre populations et forces de sécurité. L’Agence d’assistance à la sécurité de proximité (Asp) ayant échoué à assurer la protection des populations dans les quartiers, certains ne sont pas loin de souhaiter le retour de la police municipale. Force de police sous la juridiction directe du Maire de la municipalité concernée, celle-ci a été dissoute le 7 juillet 2011 avec l’admission de ses 270 éléments dans la police nationale. L’Asp était censée combler le vide qu’elle a laissé. En effet, destinés, notamment, à assurer la sûreté, tranquillité publique, le respect des arrêtés municipaux, les policiers municipaux étaient beaucoup plus à même de communiquer avec les populations et d’enlever cette barrière de méfiance. A moins que sécurité ne veuille simplement dire répression, la mise en action des «contrats locaux de sécurité » est grandement souhaitée.
Mame Birame WATHIE