CHRONIQUE DE WATHIE
Le président Macky SALL, à l’étape de Saint-Louis, de sa tournée nationale dite économique, n’avait pas fait moins de promesses que lors de ses passages dans les autres régions du pays. Chez les Saint-Louisiennes, réputées pour leur savoir-faire en matière de riz au poisson, le chef de l’Etat s’était engagé à mettre suffisamment de moyens pour que le Sénégal n’importe «plus même un kilogramme de riz à partir de 2017 ». Un objectif réitéré par Macky SALL au cours d’un forum avec les producteurs de l’Anambé. « Nous l’avons dit. Notre objectif est d’atteindre l’autosuffisance en riz en 2017 et ce sera fait. Parce que nous savons la démarche. Nous connaissons les ingrédients qu’il faut mettre ensemble », avait indiqué le chef de l’Etat.
Une ambition plus que louable. Seulement, Macky Sall avait oublié de préciser comment il allait pousser les producteurs à atteindre cet objectif pour le moins invraisemblable. La production nationale annuelle de riz commercialisable étant estimée, au 31 janvier 2014, par l’Agence Nationale de Statistiques et de Démographie (ANSD), à 559 mille tonnes, le Sénégal en achète pas moins de 800 mille tonnes chaque année. Cette situation qui impacte directement sur sa balance commerciale largement déficitaire, en fait le 2ème plus grand importateur de riz en Afrique de l’Ouest derrière le Nigéria qui compte plus de 172 millions d’habitants. Une donne que le chef de l’Etat ne peut pas ignorer pour avoir présidé, le 12 février 2014, un Conseil interministériel sur l’autosuffisance en riz. Mais, comme dans les autres régions où Macky SALL avait aussi promis monts et merveilles, il fallait servir quelque chose aux populations de la région de Saint-Louis, susciter leur espoir.
Le rêver s’est mué en cauchemar. A part la fausse levée de la TVA sur les prestations de services relatives aux récoltes, la mercuriale sur les emballages importés pour le conditionnement du riz et l’arrêt sélectif des importations de riz, les producteurs n’ont eu aucune grande facilité. La Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (CNCAS), devenue une simple caisse de résonance, le ministre de l’Agriculture, tel un plénipotentiaire, va, le plus souvent, tendre la main aux autres pays. Comme du temps de Me WADE avec le fameux plan REVA et les financements des Espagnols cherchant une alternative à l’émigration. Le Japon sera saigné de plus d’un milliard de nos francs, sans que les objectifs fixés ne soient atteints malgré la désinformation étatique. La production nationale a certes augmenté, mais l’autosuffisance en riz est loin d’être effective à quelques jours de 2017. «Le Sénégal n’a pas produit les quantités déclarées. La production n’a pas atteint 300 000 tonnes de riz blanc. Les statistiques fournies donnent des quantités en riz paddy dont la qualité baisse considérablement après traitement. Il est évident que l’autosuffisance en riz promise en grande pompe par le régime actuel, ne sera pas atteinte en 2017, car les chiffres qui nous viennent de sources dignes de foi, nous annoncent 16 000 tonnes pour cet hivernage. C’est la production la plus faible que la vallée ait connue depuis plus de 30 ans», renseignait, à ce sujet, Jubanti Senegaal dans communiqué.
Ironie du sort, c’est à l’occasion d’un des plus importants rassemblements de Sénégalais que l’on se rend compte que Macky SALL a encore vendu du vent à ses compatriotes. A Touba, il est plus question de pénurie que d’autosuffisance en riz. Les complaintes de commerçants redoutant une pénurie avaient commencé à faire écho bien avant le grand Magal. Le Gouvernement, plus enclin à la réaction qu’à l’action, s’était très vite activé, redoutant la furie des habitants de la ville sainte. Ainsi, en moins de soixante-douze heures, 15 mille tonnes de riz et 3 mille tonnes de sucre ont été introduites à Touba. Si le prix du sucre, pourtant homologué, a suscité des commentaires, le riz a littéralement mécontenté les populations. Dans la précipitation, les commerçants de Touba, exaspérés par l’attente et encouragés par les services du ministère du Commerce, ont, pour l’essentiel, rempli leurs boutiques du riz local en souffrance dont la qualité avait suscité le boycott. Et c’est ce riz qui empêche aujourd’hui de parler de pénurie dans la ville sainte. Heureusement que la viande, les vermicelles et autres macaronis sont en abondance, sinon beaucoup de pèlerins allaient revenir de Touba sans toutes leurs dents.
Par Mame Birame WATHIE
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