L’Exécutif ne fera pas marche arrière. Le gouvernement entend poursuivre la mise en œuvre de la loi organique sur la Cour suprême qui va permettre à certains présidents et chefs de juridiction de se maintenir à leur poste, au-delà de l’âge légal admis pour la retraite. N’en déplaise aux magistrats qui ne veulent pas de l’article 26 de ladite loi organique sur la Cour suprême. C’est en substance ce qu’il faut comprendre de la déclaration du ministre de la Justice, hier soir, sur le plateau de la Rts. A la question de savoir si l’Exécutif va retirer l’article 26 source du problème entre la tutelle et les magistrats, ou bien va-t-il entamer des négociations pour prendre en compte les suggestions des magistrats, il répond par la négative. «Nous avons déjà discuté avec les magistrats. Il faut savoir raison gardée. Il y a un débat qui s’est engagé autour de ces réformes. On a préjugé parce qu’au départ, l’on a cru que cette décision est prise pour une personne. Mais non. Cette loi est générale et ne vise pas une seule personne. C’est une mesure qui vise 16 à 18 personnes», a déclaré le Garde des Sceaux, qui cite l’exemple de pays comme la Côte d’Ivoire et le Bénin.
Cette déclaration du patron de la Chancellerie risque de créer le désordre dans le secteur de la Justice déjà en proie à une tension. Car, pour les magistrats, le retrait de la loi incriminée n’est pas une question négociable. Ces derniers exigent le «retrait immédiat et sans condition du projet de loi organique, en raison de la dénaturation du texte déjà discuté en assemblée intérieure, par ajout et suppression de plusieurs dispositions». Ils demandent aussi le «renvoi du texte à l’assemblée intérieure, pour un nouvel examen» et le «respect impératif de l’âge de la retraite pour tous les magistrats, fixé à 65 ans par leur statut». Faute de quoi, avertissent les hauts magistrats, «le Comité de juridiction exprime sa ferme détermination à mener toutes actions appropriées en cas de besoin». Après le Comité de juridiction de la Cour suprême et le ressort de Dakar, les juridictions des autres régions sont aussi en ordre de bataille, pour contrecarrer la décision du gouvernement de maintenir ses hommes de confiance à la tête des hautes juridictions, jusqu’à la fin du régime de Macky Sall.
En réitérant la position du gouvernement de faire application de cette loi organique, le Garde des Sceaux ne fait que confirmer ses précédentes positions sur la question, tout au début de cette histoire, lors des premières velléités de contestations dans les rangs des magistrats. Invité à l’émission «Point de vue» de la Rts, au début du mois, Me Sidiki Kaba avait annoncé qu’«il n’est pas nécessaire que l’Union des magistrats du Sénégal engage un bras de fer avec le Gouvernement, après l’adoption en Conseil des ministres du 2 novembre dernier de la loi portant modification de la loi organique sur la Cour suprême». «Ces réformes participent, à plus de transparence dans la gestion de la carrière des magistrats. Il est dit qu’un magistrat ne peut rester dans un tribunal d’instance pendant plus de trois ans, que ce soit le président du tribunal ou les délégués du procureur. En ce qui concerne le procureur de la République et le président d’un tribunal de grande instance, il ne peut plus rester pendant cinq ans. En ce qui concerne les procureurs généraux et les premiers présidents d’une Cour d’appel, ils ne peuvent rester plus de six ans. Et c’est cette cohérence d’ensemble que nous avons transposée au niveau de la Cour suprême. Il est dit que le procureur général et le Premier président aussi ne sauraient dépasser six ans», avait-il déclaré.
Pape NDIAYE (Walf Quotidien)