CHRONIQUE DE MAREME
«Certaines personnes rendent ta vie meilleure en faisant partie de celle – ci alors que d’autre l’assombrissent en faisant semblant de faire partie de toi. »
Abi : Maraboutage
Je viens de raccrocher avec Malick. Il veut amener Aicha et ses parents demain à la maison. Histoire, dit-il, que la famille fasse connaissance. Shim, qui lui a dit que j’ai envie de la connaitre moi, Ah. Il a aussi invité sa mère et ses sœurs, bref le gars veut faire d’une pierre deux coups. Je sais qu’il n’a pas assez confiance en moi pour nous confronter direct. Il préfère mettre des garde-fous. Il me fait savoir qu’il a déjà contacté un traiteur pour que je ne me fatigue pas trop à la cuisine. Dès qu’il a raccroché, j’ai appelé ma mère qui m’a demandé de venir rapidement la voir. Je lui ai donné rendez-vous dans trois heures, car il fallait que j’aille chez le coiffeur. C’est vrai que ça fait juste quatre jours que je l’ai quitté mais c’est ma coépouse qui vient me saluer. Je ne vais pas l’accueillir avec ce petit chignon-là à la tête. Arrivée là-bas, je fais la totale (pédicure, manucure, pose ongle et cil, un cheveu brésilien qui m’arrive jusqu’aux fesses). J’ai même acheté des lentilles verre. Il est 16 h quand j’arrive chez ma mère.
- Yawe, sa hèle dalena dé (tu es bien tranquille toi). On te dit que tu vas rencontrer ta coépouse et madame perd son temps dans les salons de coiffure.
- Il faut bien que je me fasse belle non ?
- Il y a bien plus urgent que ça. Maintenant que ta belle-mère est partie, on va aller blinder chez toi, explique-t-elle, en sortant de sa commode une bouteille avec un liquide noir.
- C’est quoi ?
- Sâfara (une eau bénite). On va l’asperger partout dans la maison.
- Je n’aime pas trop ces trucs maman. En plus, c’est comme si je ne croyais pas en la protection de Dieu qui…
- Moi aussi je n’aimais pas ces trucs et cela m’a couté très cher. On est en Afrique ma fille et il faut te protéger sinon on va te détruire. Allez viens, Koura nous attend
- Celle qui lit l’avenir ?
- Tu en connais une autre ?
- Chi maman, je t’ai déjà dit je ne veux pas savoir ce que l’avenir me réserve; si ce n’est pas bien ça me perturbe.
- Arrête tes gamineries, je n’ai pas de temps à perdre. Il faut que l’on sache si ta coépouse est une sorcière ou non et ce que l’avenir te réserve avec elle.
- Attend samedi alors car si elle me dit des trucs pas catholiques, non seulement je ne vais pas dormir de la nuit mais en plus je vais mal réagir avec elle demain. Tu me connais, je ne sais pas tricher et je risque de faire un scandale et Malick va m’en vouloir. Alors s’il te plait, on va à la maison pour me blinder comme tu dis. Mais avant cela on va chez Mme Dubaï prendre quelque tissus pour l’offrir à Aicha. Pour l’instant, je veux juste lui montrer que je ne suis pas son égal. Le reste on avisera.
- Tu as l’argent ?
- Non je suis à sec…
- Ne compte pas sur moi pour te dépanner, je paye toujours tes foutues dettes jusqu’à présent, j’ai vendu tout mon or à cause….
- Chi maman, qui t’a demandé quelque chose. Je vais lui payer moi-même. Malick ne m’a pas encore donné mon takou deune (argent pour le préjudice porté).
- Tu le lui demandes dès demain. Il ne reste que quatre jours pour que tu reprennes ta fonction alors fais vite ; sinon il va faire semblant et ne rien te donner. Je connais les hommes et je suis sûre que ton mari est en train de dépenser des fortunes pour cette gamine.
- Inchalah, ne t’inquiète pas.
Moi qui voulais me coucher très tôt pour avoir une bonne mine le lendemain, je ne suis entrée dans ma couverture que vers minuit. J’ai été obligée de suivre ma mère dans ses délires. Elle a versé son ‘sâfara’ partout dans la maison, ensuite elle m’a fait un de ses bains, ah.
Là, je suis couchée sur mon lit mais je n’arrive pas à dormir. Pourquoi je m’inquiète autant de cette rencontre ? La dernière fois que j’ai vu Aicha, j’avais juste envie de l’étrangler et aujourd’hui elle vient me voir en tant que la femme de mon mari. Pourrais – je supporter de les voir enlacer, heureux. Mon Dieu donne-moi la force de passer ce jour, c’est vraiment difficile. Ha les hommes, ils ne se contentent pas seulement de te poignarder mais ils reviennent remuer le couteau dans la plaie.
Malick : la dispute
Retour à la réalité. Nous sommes rentrés hier mercredi, mon client Emire refuse qu’un autre me remplace pour son dossier. Je pense que le gars avait des vues sur Aicha et que c’est une sorte de punition qu’il me fait. Quoi qu’il en soit, nous sommes revenus à Dakar. Je suis passé dans la foulée au bureau pour prendre quelques dossiers. Quand j’ai vu tout le changement que mon collègue a apporté au dossier j’étais choqué. Ce con allait tout droit vers la catastrophe. J’ai travaillé tout le reste de la soirée afin de remettre tout en ordre. Il le fallait d’autant que j’ai réunion avec Emire le vendredi. Par contre, j’ai été déconcentré à plusieurs reprises par Aicha. J’ai adoré son regard adorateur, amoureux qu’elle n’arrêtait pas de me lancer. Elle flatte mon égo et me donne l’impression d’être le seul homme sur terre.
Comme ma mère m’appelait tous les jours pour savoir quand j’allais amener sa belle – fille à la maison. J’ai voulu faire d’une pierre deux coups. Ainsi, j’ai convié toute la famille à la maison. J’espère que tout va bien se passer. Je me méfie de la rencontre entre Aicha et ma famille. Même si je me conduis avec légèreté devant elle, je suis stressé jusqu’au bout des doigts. Mais comparé à elle, c’est autre chose. Debout devant l’armoire depuis presque une demi – heure, madame se ronge les oncles comme pas possible en sortant ses habits un à un. Moi, je suis habillé depuis belle lurette. Je regarde ma montre, il est presque midi alors je me lève et m’approche doucement d’elle en l’enlaçant.
- Laisse-moi choisir pour toi, lui chuchotais – je en déposant une bise sur son délicieux cou. Elle prend un grand air et va s’assoir sur le lit avec lassitude. Je pouffe de rire sans le faire exprès.
- S’il te plait, ne te moque pas de moi. Tu es sûr qu’Abi ne va pas me bouffer tout cru ? Je ne suis pas de taille face à elle dé, un seul crochet d’elle et je suis Ko. Tu as vu ses bras ?
J’éclate de rire, cette fille est trop drôle comme son frère. Je prends rapidement une robe Diezner verte émeraude et la lui donne.
- Ce n’est pas trop simple comme habit ? J’ai vu ta femme à la soirée et….
- J’aime la simplicité et cette robe est très belle Aicha. Je suis sûr que cela va t’aller à ravir. Habille-toi maintenant ; sinon on va vraiment être en retard. Elle me regarde encore une fois avec la mine d’un chat mouillé.
- S’il te plait Aicha, je t’assure que tout va bien se passer.
- Si tu le dis. Elle se lève et jette sa serviette sur le lit avec désinvolture me laissant une vue magnifique sur son corps qui est à peine couvert d’un ensemble noir de sous-vêtement en dentelle. Thièy mon pauvre cœur, cette fille ne se rend même pas compte de l’effet qu’elle me fait et le pire c’est que je ne me rassasie pas. Nos regards se croisent et elle se dépêche de faire descendre la robe en me faisant un bon shipe qui me fait éclater de rire. Cinq minutes après elle était déjà prête.
Dans la voiture, j’essaye de détendre l’atmosphère mais rien à faire, elle s’est enfermée dans un silence profond qui finit par m’agacer.
- Je te dis que tout va bien se passer. Pourquoi tu ne me crois pas toi aussi. Je me gare sur le rebord du trottoir et me tourne vers elle en détachant ma ceinture. Je lui prends les deux mains et vois qu’elle tremble un peu. Elle est vraiment stressé-là. Je dépose une bise sur chacune d’elle et lui dis : Abi est une femme très démonstrative, mais elle n’oserait jamais faire quelque chose pour te nuire. Nous avons grandi ensemble donc je la connais bien. Aujourd’hui elle va sortir toute son artillerie pour te rendre jalouse et te faire douter. Elle va raconter pleines d’histoires de nous deux, elle va te montrer à quel point elle est complice avec ma mère et mes sœurs et que sais – je encore.
- Et qu’est – ce que je devrais faire ?
- Rien, juste la laisser faire son numéro. Toi, tout ce que je te demande c’est d’être toi-même et surtout de ne pas entrer dans son jeu. Si elle dérape, je saurais la recadrer. D’accord ? Elle sourit à peine et fait oui de la tête. Je m’approche d’elle et l’embrasse fougueusement jusqu’à réveiller oncle sam. Je me détache d’elle et pose mon front contre le sien en lui murmurant : Qu’importe ce que tu vas voir ou entendre, sache juste que tu détiens mon cœur et que tu es la personne qui m’est la plus chère au monde. Ta sincérité, ton naturel et ta générosité me comblent de bonheur. Aucune femme n’a jamais réussi à faire battre autant mon cœur, ni à m’émouvoir au point de vouloir sacrifier tout ce que j’ai pour un simple sourire. Tu n’as pas à me prouver quoi que ce soit car je t’appartiens déjà. Elle sourit grandement et encercle ses mains autour de mon cou.
- Je t’aime tellement, dit – elle avec émotion. Nous restons ainsi un moment et quand je redémarre la voiture, je retrouve mon Aicha : souriante, drôle et énergique.
Comme je l’avais prédit, Abi nous a reçus avec une joie débordante. Quand elle a ouvert la porte, mon cœur a fait un grand bond, elle ne sait vraiment pas rater. Pipipipe. Aicha et moi, on s’est regardé spontanément quand elle s’est détournée.
Nous étions les premiers à arriver sur les lieux à part sa mère bien sûr qui s’est d’ailleurs dépêchée de rejoindre la cuisine après les présentations. Occasion idéale pour moi de parler avec les deux femmes de ma vie. Elles étaient assises l’une à côté de l’autre. Cheute come Yalla ak Yâlli (on dirait l’eau et le feu). La différence entre mes femmes est phénoménale.
Je prends un grand air avant de commencer mon discours. Il faut que je choisisse mes mots et pour un avocat, cela ne doit pas être un problème.
- Je voudrais dire quelques mots avant que les autres n’arrivent. Tout d’abord je tenais à te remercier Abi d’avoir bien voulu recevoir Aicha chez toi afin de faire connaissance. Je ne vous demande pas d’être les meilleures amies du monde mais pour moi il est primordial que vous ne soyez pas des ennemies encore moins des concurrentes. Je ne suis pas un homme parfait mais qui me connait sais que j’essaye toujours de donner le meilleur de moi-même et d’être juste et équitable envers les autres. Vous êtes deux femmes merveilleuses et vous avez promis toutes les deux de me rendre heureux. Alors sachez que mon bonheur dépendra d’abord de la paix qui régnera entre vous deux. D’accord ? Elles acquiescent toutes deux le sourire aux lèvres. Ouf ! J’espère que tout ira bien, pensais – je.
Une demi-heure plus tard, les parents de Aicha arrivent avec un panier rempli de fruits. Ils sont un peu gênés devant tant de luxe mais je les ai vite mis à l’aise. C’est vrai que la maison est très belle et bien décorée même si je trouve que le salon a fini par ressembler à sa propriétaire. Il y a trop de statues, trop de tableaux, trop de tout. Finalement il ressemble plus à magasin de décoration qu’autre chose. Mais Abi adore cet endroit comme on dit les gouts et les couleurs ne se discutent pas. Avec Aicha, ça n’est pas la même chose. Nous avons tout choisi ensemble. Cela a été plus un partage qu’autre chose. Elle m’a laissé acheter quelques petits trucs d’homme pour moi. Aujourd’hui, je me sens plus chez moi et plus à l’aise dans ce petit appartement que dans cette grande maison. Arrête de faire des comparaisons Malick me dit une voix.
Après les avoir installés, je suis allé chercher Abi à la cuisine. Malgré ma commande chez le traiteur, elle a tenu à préparer notre plat national, le thiéboudieune. Quand je la ramène au salon, c’est un grand silence qui accompagne son entrée avant que tous se lèvent pour répondre à son bonjour chaleureux. Dès qu’elle sort Menoumbé lance :
- Waye Malick maala fan nak (je t’admire quoi). Tu es un vrai guerrier toi, c’est ce qu’on appelle « awa bouri keureume» (expression qui veut dire la première femme est la maitresse de la maison). En tout cas, je t’avertis tout de suite Aicha, n’essaye même pas de la défier parce que je ne te viendrais pas en aide. J’éclate de rire. Aicha et son père font pareil contrairement à sa mère qui reste silencieuse. Maintenant qu’elle a vu Abi, elle doit surement avoir peur pour sa fille. Si seulement elle savait.
- C’est vrai qu’elle est très belle mon fils. Tu as l’œil, ajoute tante en faisant un sourire forcé.
- Une vraie drianké dans le vrai sens du terme, reprend Aicha en gloussant. Le veinard, finit- elle en me tapant sur l’épaule. Je suis heureux qu’elle au moins, ne semble pas affectée par les artilleries d’Abi qui je dois dire à encore sortie ses bazookas. Aujourd’hui, elle a décidé de mettre une jolie taille basse qui fait bien ressortir son gros balcon, ses deux salamaleykoums (hanches) et yendoul ak diam (au revoir qui veut dire fesse). Ensuite malgré ses 1 mètre 75, elle est juchée sur de haut talon rouge assorti à son habit. Son nouveau tissage lui arrive jusqu’aux fesses et elle a mis ses gros bijoux en or que l’on voit à 1000 kilomètres. Son parfum se sent dans toute la maison, elle a surement dû se verser toute la bouteille et je ne parle même pas de l’odeur de l’encens qui nous a accueillis. Heureusement que j’ai averti Aicha à temps.
Ma mère et mes sœurs arrivent en même temps que les enfants. S’en est suivi un vrai brouhaha. Aicha nous a quittés un instant pour aller aider à la cuisine. Bref la rencontre se passe merveilleusement bien. Même si je n’apprécie pas trop le fait que ma mère passe son temps à parler en peulh à mes sœurs. Pourtant elle ne dit rien d’intéressant mais c’est juste un clin d’œil à Aicha du genre ta culture sérère-là tu l’as met à la poubelle. Heureusement que mes beaux-parents ne l’ont pas suivie dans son délire. A un moment, n’y pouvant plus je lui lance en peulh.
- C’est vraiment incorrect et mal poli d’avoir des invités et de s’exprimer dans une autre langue.
- Je ne suis pas wolof mon fils.
- Eux aussi et ce n’est pas pour autant qu’ils expriment leur langue alors arrête.
- Tant pis pour eux, moi je ne nierais jamais ma culture ni ma langue….
- Il a raison maman, tu es en train de gêner tout le monde, dit Oumi ma sœur et alliée. Ma mère se lève, bredouille des mots avant de sortir du salon énervée. Je vois Astou (la dernière de ma mère) essayer d’ouvrir la bouche mais mon regard la dissuade aussitôt. Après ce petit incident, les choses reprennent la normal, Abi n’arrête pas de venir vers moi pour m’offrir des amuse-gueules par ci, de la boisson par là avec de petite caresse à gauche et à droite. J’étais sûr qu’elle allait être au petit soin pour montrer qu’elle est diongué (coquine). Aicha, quant – à elle, se fait toute discrète et discute tranquillement avec les autres femmes surtout avec Oumi. Je savais d’avance qu’elles allaient s’entendre parce que ma sœur est sans façon, d’une gentillesse et d’une simplicité sans pareille. Contrairement à Astou, je m’entends merveilleusement bien avec elle et on partage beaucoup de choses.
Je ne peux m’empêcher de me tourner vers Aicha et quand nos regards se croisent, elle me lance toujours un joli sourire. J’avais tellement envie qu’elle s’assoie près de moi et que je la sente dans mes bras. Yémal lagnou wakhe (reste tranquille mec).
Vers 15 heures, nous prenons enfin le déjeuner autour de deux grands bols et toujours dans une belle ambiance. Mes deux femmes étaient assisses chacune à côté de moi. Abi fidèle à son rôle de séductrice ne se gêne pas de me faire avaler de temps en temps de la nourriture comme je l’avais fait avec elle il y a quelques jours. A un moment je lui ai juste jeté un regard noir et elle a arrêté. Après le déjeuner nous nous sommes tous installés au salon où Menoumbé s’est proposé de faire le thé. Je l’aime bien ce mec, il est sans façon. Mouha vient nous rejoindre avec sa femme Ndoumbé. Alors imaginez l’ambiance, c’est des rires en a plus finir. A un moment, j’intercepte un message muet qu’Abi fait à sa mère avant de se lever et de prendre les escaliers. Une minute plus tard sa mère la rejoint. Je compte dix secondes avant d’aller voir ce qui se passe. Elles ont sursauté jusqu’au plafond quand j’ai ouvert la porte.
- Qu’est-ce que vous manigancez, dis – je en m’approchant.
- Pas grande chose, on on on…. Je la pousse et ouvre la valise qu’elle a essayé tant bien que mal de cacher. Il y a à peu près une dizaine de tissus, des boites d’encens et que sais – je encore. Je voulais juste lui offrir un cadeau de bienvenue balbutie Abi, en fuyant mon regard.
- Pourquoi es-tu si coincée ? Tu éprouves toujours le besoin de montrer que tu es riche.
- Pas le moins du monde, s’offusque-t-elle. Malick, c’est notre ada (tradition). La téranga sénégalaise est ancrée en nous.
- On entend par téranga sénégalaise le fait de partager et de communier ensemble exactement ce qu’on est en train de faire en bas et cela n’a rien à voir avec tes trucs-là. Toi, tu veux montrer à ta coépouse que vous ne boxez pas dans le même ring.
- Je…..
- Abi quand est – ce que tu me respecteras ?
- Mais je te respecte, dit-elle apeurée.
- Quand on respecte son mari, on doit lui demander son avis avant de faire quelque chose. On doit accepter et défendre ce qu’il est et non comploter tout le temps derrière son dos. Tu sais aussi bien que moi que je n’ai jamais approuvé ces bêtises.
- Je croyais sincèrement que ça allait te faire plaisir mon fils. C’est moi qui lui ai donné l’idée, explique ma belle – mère. Je ne regarde même pas vers sa direction et m’adressant toujours à Abi, je lui lance.
- Bon, on doit se demander où nous sommes alors descendons vite. Je ne veux surtout pas voir cette valise en bas.
- Mais Malick elle m’a offert un parfum, il faut bien que je lui donne en retour quelque chose, dis Abi d’une voix triste.
- Quand tu viendras la voir chez elle, tu lui offriras quelque chose. Ce n’est pas une question de concours Abi. Cheuteute, ne m’énerve pas, la discussion est close, crie- je. Je tourne les talons et sors de la chambre, les dents serrées.
Dès que j’entre dans le salon, ma mère me demande en peulh, ce qui se passe ? Rien lui dis – je. Je viens m’assoir près d’Aicha. J’avais vraiment besoin d’être prêt d’elle. Elle me serre la main et me fait un de ses sourires qui me calme de suite. Abi nous rejoint une minute plus tard et me lance un regard de reproche. Je me rends compte que je tiens Aicha bien au chaud dans mes bras. Je me détache légèrement d’elle et lui fait signe de venir s’assoir sur le bras du fauteuil histoire d’équilibrer un peu. Thieuy, la vie de polygame.
Une heure plus tard, Abi sort les albums photos de nos voyages, nos cérémonies et autres. Comme un haut-parleur, elle parle et parle encore. Ensuite, elle sort ses albums de mariage et de baptême, dix en tout. Je ne savais pas qu’elle en avait autant, lii. Ma mère n’a pas pu s’empêcher de jeter quelques piques en racontant combien sa belle fille chérie l’avait gâtée les jours du mariage et du baptême. Que jamais de sa vie, elle n’a reçu autant de cadeaux et patati et patata. La moutarde commençait à monter en crescendo surtout avec les rires exagérés d’Abi. A un moment, tante Dibore s’adresse à Aicha en sérère et celle – ci lui répond avec un sourire forcé. Son père prend le relai, son ton est calme mais strict. Ma belle – mère répond en disant wassanam (pardon). Quand ma mère commence à énumérer ce que la mère d’Abi a donné pour le mariage de sa fille, je l’interromps.
- Il est presque l’heure de partir. Oumi, tu veux bien faire visiter la maison à mes invités s’il te plait. Cette dernière se lève rapidement et leur demande de la suivre. Abi veut faire partie du lot mais je lui fais signe de se rassoir. Mouha me regarde genre laisse tomber mec mais c’est trop tard je suis déjà à bout. J’attaque direct quand je sais qu’ils sont assez loin.
- Ecoute moi bien maman, que ça soit la première et la dernière fois que tu abaisses Aicha et sa famille. Elle veut parler mais je la devance. Non non non, j’ai fini par accepter qu’Abi soit ton toutou ; mais avec Aicha, il en est hors de question. Alors arrête tout de suite d’impulser la concurrence entre mes femmes car je ne l’accepterais pas. Ta voracité va finir par te perdre ah. Je me lève et sors du salon en claquant la porte. J’entends ma mère crier
- Fils ingrat, tu vas voir…,
Mouha me rejoint dans le couloir.
- Hihihi, tu es fou de parler comme ça à ta maman. Ce n’est pas bien, toi aussi.
- Fallait pas me provoquer ship.
- Calme-toi mec. Tu sais, ce n’est pas une bonne idée de t’emporter ainsi pour des paroles insignifiantes que ta mère a dit comme ça en l’air.
- Des paroles qui dénigrent et insultent ma femme.
- Mieux vaut ça que d’avoir ta mère sur le dos de ta femme. Car si tu continues à la défendre avec autant de véhémence, tante Sokhna va en vouloir à Aicha et aller en guerre contre elle.
- Alors elle me trouvera sur son chemin Mouha.
- Dans une guerre chacun y laisse des plumes. Tu le dis toujours, un mauvais arrangement vaux mieux qu’un bon procès.
- Je ne suis pas comme toi Mouha, je n’ai pas peur d’affronter ma mère quand elle dérape. A cet instant, Aicha revient avec ses parents toujours le sourire aux lèvres, tenant mon fils ainé Abdou dans les bras.
- Devine le beau prince que j’ai croisé, dit – elle en donnant une bise à mon fils qui rigole tout heureux.
- Regarde-moi ce veinard, descend tout de suite. On se chamaille encore un peu avant qu’il ne sorte en courant. J’enlace ma femme qui me tire l’oreille.
- J’espère que tu as été sage ? Je saisis l’allusion et lui souris.
- Comme un gant mon amour, je me baisse pour l’embrasser.
- Hey astahfiroulah, pas ça s’il vous plait, dit mon beau – père. On se tourne vers lui avant d’éclater de rire et de rejoindre les autres. Dès que ma mère me voit, son visage se refermer comme une tortue de mère. Les choses risquent de s’envenimer si on reste alors je déclare.
- Il se fait tard alors nous allons vous laissez.
- Déjà, dit Abi avec surprise. Je ne lui réponds pas, elle m’a vraiment énervé. Je croise les mains attendant que les au-revoir se fassent. Oumi s’approche de moi et me dit.
- Tu ne payes rien pour attendre, je pars une semaine en voyage et monsieur se mari derrière mon dos. J’ai vu comment tu la regarde, l’amoureux va, me taquine – t – elle avant d’ajouter : ta femme est vraiment belle et très gentille, je l’aime beaucoup. Je vous invite dimanche comme ça on parlera calmement.
- Ok ma belle, salue Djibi de ma part et embrasse-moi les enfants. Je me retourne, fais signe à Aicha et tourne les talons.
A part ma mère, tout le monde nous raccompagne vers la sortie. Abi me fait une bise sensuelle en me prenant dans ses bras. Je réponds pour ne pas la vexer. On se dit au revoir promettant de remettre cela. Dans la voiture c’est silence radio, je n’ai pas envie de parler tellement je suis énervé par le comportement de maman.
Aicha : coquine
Quand Malick est énervé, ses yeux changent de couleur et sa mâchoire n’arrête pas de se crisper et se décrisper. Je préfère le laisser se calmer avant de lui demander ce qui s’est passé. J’espère sincèrement qu’il ne s’est pas disputé avec sa mère car je ne veux vraiment pas que l’on me taxe de femme embrouilleuse. Je sens que ma belle – mère va m’en faire voir de toutes les couleurs. Hum, on verra. Par contre, il ne s’est pas trompé sur Abi. La pauvre s’est donnée tellement de mal pour m’impressionner que j’ai fini par avoir pitié d’elle. Peut – être qu’un jour elle va arrêter ce jeu stupide de concurrence quand elle se rendra compte et verra que je suis sans façon et que ces démonstrations ne me font ni chaud ni froid.
Arrivé à l’hôtel, mon mari se dépêche d’aller dans la douche, une minute après j’entends la chasse d’eau. Je prends un ensemble de pagne blanc tissé à la main bien coquin et quelques bin bin (collier de taille). Il faut bien que je le détende non ? Quand il ressort de la douche, il est toujours énervé et se dirige vers la penderie. Je me dépêche de prendre ma douche en amenant mes salagne salagne (coquetterie). Quand je ressors, Malick est en train de tapoter énergiquement sur sa machine.
- Chéri ! Il lève les yeux et se fige avant de refermer doucement son ordi. Je m’approche de lui en une danse de hanche sensuelle. Cette fois, il sort ses trente-deux dents…
J’entends Malick, chantonner et faire des va-et-vient dans la chambre comme si je ne dormais pas ish. Le gars m’a bien secoué la nuit, il faut bien que je me repose.
- Aicha, bouge tes fesses et sort de ce lit.
- Hum c’est trop bon, je commençais à m’habituer à la grasse matinée. Aie, il vient de me taper très fort le derrière. S’il voulait me réveiller c’est réussi. Je descends du lit en boudant, direction la douche.
- Tu as cinq minutes sinon….
- Shhhiiiiippppp
- Hé femme, tu me chipe encore tu vas voir ?
- Qu’est – ce que tu vas faire ? Il fait un pas et hop je cours comme une gazelle m’enfermer dans la douche en riant.
A la sortie, je le retrouve assis sur le fauteuil en costard, les jambes croisées et tapotant sur son ordi. Il relève les yeux et comme à chaque fois, son regard se voile de désir. Hum une idée me vient à l’esprit, j’adore le taquiner. Je déambule des hanches et va dans mes habits. Ensuite je viens me mettre en face de lui et commence à m’habiller. Je porte d’abord un petit slip en dentelle marron dont les côtés sont en chainette or.
- Tu aimes ce slip, dis – je en me tournant doucement sur moi-même. Il ferme son ordinateur et prend un grand air avant de remuer la tête.
- Tu es Satan en personne Aicha, dit – il en se levant et en ramassant rapidement ses affaires. Je t’attends en bas, shim finit-il en sortant comme une fusée de la chambre. On dirait que je lui ai fait peur kèh kèh kèh… Nous n’avons pas encore parlé de ce qui s’est passé hier, peut – être à mon retour. Au fond, je me dis que ce n’est pas la peine.
Quand nous sommes arrivés au bureau, c’est des bonjours Mme Kane tout polis que me lancent les employés que je croise. La puissance de Malick eh. Dès que les portes de l’ascenseur se sont ouvertes, Suzanne m’accueille les bras grandement ouverts, le sourire triplement agrandi. Un boulot énorme m’attendait et je n’ai pas levé le bout de mon nez dès que j’y ai plongé. Même le déjeuner a été pris à la va vite. Je n’ai pas revu mon mari depuis qu’il s’est enfermé dans son bureau, lui aussi doit être submergé. Il est 16 heures quand Suzanne m’annonce qu’on a une réunion improvisée avec Emire et qu’on aura besoin de moi comme interprète.
Quand j’entre dans la salle, Malick s’y trouve déjà. Il me fait son beau sourire avant de tapoter à côté de lui. Dès que je m’assoie, il me fait une bise suggestive et me murmure à l’oreille.
- Je suis excité depuis ce matin à cause de….Suzanne approche le faisant taire mais j’ai compris.
- Aicha va t’assoir la – bas sinon Malick ne va rien faire de bon et arrêtez de vous faire des bises à gauche et à droite. Je me lève et avant de décaler, je lui murmure à mon tour à l’oreille.
- Je me sentais à l’étroit avec ce slip alors j’ai finalement décidé de ne rien mettre. Avant que je me relève, il me tient par la main.
- Tu veux dire que tu ne portes rien là là ?
- Non rien du tout, lui répondis –je de manière espiègle.
- Malick Kane laisse la main de cette fille tranquille, on dirait que tu vas te jeter sur elle. Et toi Aicha arrête de provoquer l’enfant d’autrui, ishe. Ici c’est un lieu de travail alors un peu de retenue finit-elle sur un ton qu’elle voulait dur.
Emire, qui est arrivé cinq minutes plus tard, nous a félicités en se moquant au maximum de Malick avant qu’on entre dans le vif du sujet. C’est un vrai homme d’affaires qui ne badine pas et qui sait poser des questions quand il faut. Durant toute la réunion, Malick adopte un air froid et professionnel sans un regard vers ma direction. Le mec joue aux durs kéh kéh. Je suis devenue une vraie vipère moi. Je me souviens du film qu’il m’a fait regarder il y a une semaine : Femme fatale. La fille croisait et décroisait lentement les jambes devant l’inspecteur qui savait qu’elle ne portait rien en dessous. Alors je me mets à faire la même chose même si ma jupe n’est pas aussi courte que celle de l’actrice. J’ai failli éclater de rire quand Malick demande à Suzanne d’allumer le clin alors que celle – ci l’est depuis. On a chaud han, le pauvre. Je pouffe légèrement et c’est un regard noir qu’il me lance m’obligeant à me tenir sage durant tout le reste de la réunion. Je crois que je l’ai fâché, oups. La réunion se termine vers 17h et nous quittons le bureau une demi-heure après et le gars ne me regarde toujours pas. Dans la voiture.
- Tu es fâché ?
- Non, dit – il sans me regarder, une veine vient de danser sur sa mâchoire.
- Mo Malick tu es vraiment fâché, ne dit pas le contraire. Il tourne cette fois son visage vers le mien. Son regard est indescriptible, mêlé de colère et de désir et que sais – je encore.
- Ce n’est vraiment pas professionnel ce que tu as fait à la réunion. J’ai dû tenir mes dossiers entre mes jambes pour raccompagner Emire tellement j’étais tendu. J’éclate de rire, il a raison, je l’ai vu. Aicha, je ne blague pas dé.
- C’est toi qui as commencé ce jeu Malick.
- Je t’assure que quand j’en aurai fini avec toi tout à l’heure, il ne te traversera plus l’esprit de me charmer ainsi au bureau.
- Je n’ai pas peur de toi, ship.
- Ah bon, dit – il en fronçant les cils. Wallahi tu vas voir le méchant qui dort en moi aujourd’hui, mena ce-t-il calmement beaucoup trop calmement. Ehé le gars a juré dé taye rék ma dé (je suis foutue).
Par Madame Ndèye Marème DIOP
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