La communauté internationale a commencé à réagir à l’annonce de la victoire du candidat républicain Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, mercredi 9 novembre. Stupéfiés par cette nouvelle, certains saluent la victoire alors que d’autres s’inquiètent des conséquences de ce résultat sur les dossiers internationaux.
- Stupeur en Europe
Le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault, a fait part de son inquiétude, notamment pour l’avenir de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord sur le nucléaire iranien. « Il va falloir essayer de savoir ce que veut faire ce nouveau président », a-t-il dit, assurant toutefois que la France, « alliée des Etats-Unis », continuerait à travailler avec son partenaire américain « pour un monde de paix ».
En Allemagne, pays des grands-parents paternels de Donald Trump et allié historique des Etats-Unis, la première à réagir au sein du gouvernement a été la ministre de la défense, Ursula von der Leyen (CDU), qui a qualifié la victoire de M. Trump de « choc énorme ». « Je pense que Trump sait qu’il ne s’agit pas d’un vote en sa faveur, mais plutôt d’un vote contre Washington, contre l’establishment », a-t-elle déclaré. La chancelière allemande Angela Merkel a ensuite rappelé au président élu sa « responsabilité » au niveau mondial :
« L’Allemagne et les Etats-Unis sont liés par des valeurs, la démocratie, la liberté, le respect du droit, de la dignité de l’homme indépendamment de sa couleur de peau, de sa religion, de son sexe, de son orientation sexuelle ou de ses convictions politiques. C’est sur la base de ces valeurs que je propose une coopération étroite au futur président. »
En Italie, le président du Conseil, Matteo Renzi, qui s’était très clairement prononcé en faveur d’Hillary Clinton, a réagi d’un sobre : « Je le félicite. L’amitié italo-américaine est solide ». Pour le chef des députés Forza Italia (droite, opposition), Renato Brunetta, « ceux qui ont perdu en Amérique sont les mêmes que tous ces pouvoirs établis qui soutiennent Renzi ». Beppe Grillo, le leader du mouvement 5 étoiles, mouvement populiste et eurosceptique, a lui écrit sur son blog :
« C’est fou. C’est la déflagration de l’époque. C’est un rejet des médias, de la télévision, des grands journaux, des intellectuels, des journalistes. »
De son côté, l’Union européenne « va continuer à travailler » avec les Etats-Unis, les liens existant étant « plus profonds que n’importe quel changement politique », selon la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini. Une réunion spéciale des chefs de la diplomatie de l’Union européenne doit se tenir dimanche à la suite de la victoire surprise de Donald Trump.
- L’ONU compte sur Trump dans la lutte contre le changement climatique
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a fait savoir dans l’après-midi mercredi qu’il comptait sur le soutien de M. Trump « pour soutenir des valeurs communes, combattre le changement climatique (et) promouvoir les droits de l’homme ». Ce dernier avait notamment annoncé qu’il annulerait l’accord de Paris sur le climat lorsqu’il arriverait au pouvoir.
Du côté de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), son directeur général a rappelé à Donald Trump le rôle vital des Etats-Unis « pour l’économie mondiale ». Durant la campagne, le nouveau président américain avait qualifié l’OMC de « catastrophe » et laissé entendre qu’il pourrait retirer le pays de cette organisation.
- Les leaders d’extrême droite européens jubilent
En Hongrie, le premier ministre Viktor Orban, figure de proue des droites nationalistes européennes, voit dans la victoire du milliardaire new-yorkais une « grande nouvelle ». « La démocratie est toujours en vie », a-t-il écrit dans un message posté sur Facebook.
Aux Pays-Bas, le chef du Parti pour la liberté, le populiste Geert Wilders, a tweeté ses félicitations à Donald Trump en saluant une « victoire historique » qu’il a qualifiée de « révolution ». Anticipant les élections à venir en mars 2017 dans son pays, il a promis de « rendre également [leur] pays aux habitants des Pays-Bas. »
En France, la candidate du Front national à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, a félicité le candidat républicain. Nigel Farage, qui a mené la campagne référendaire du Parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) a écrit sur son compte Twitter : « Je transmets le relais à Donald Trump. Toutes mes félicitations. Vous avez livré une campagne courageuse. » Les leaders des partis FPÖ, en Autriche, Aube dorée, en Grèce, et Alternative für Deutschland (AfD), en Allemagne, de même que le parti séparatiste flamand en Belgique ont également salué cette victoire.
- Félicitations de Moscou et Ankara
Le président russe, Vladimir Poutine, a adressé à Donald Trump un télégramme de félicitations et espère un « dialogue constructif » avec le nouveau président. Le Parlement russe a accueilli la victoire de M. Trump par des applaudissements.
Le ministre de la justice turc, Bezik Bozdag, a déclaré que la victoire de Donald Trump ne changerait pas fondamentalement les relations « profondes » entre les deux pays. « J’ai constaté une campagne intense en faveur d’Hillary Clinton, de la part d’artistes, de sportifs, de toutes les personnalités publiques. Mais dans une élection, l’important est d’embrasser le peuple. »
Le premier ministre, Binali Yildirim, a également félicité le vainqueur et a appelé « le nouveau président américain » à livrer à la Turquie « le plus rapidement possible » le prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi le putsch manqué en juillet et qui vit en exil aux Etats-Unis.
- Inquiétude au Proche-Orient, satisfaction en Israël
Au Proche-Orient, l’inexpérience en politique étrangère du nouveau président et son penchant pour l’autoritarisme sont lourds d’incertitudes pour la région, où Hillary Clinton aurait incarné une forme de continuité diplomatique. Donald Trump est notamment attendu sur le dossier syrien, après s’être montré très favorable à l’allié russe du régime de Bachar Al-Assad.
La présidence palestinienne a appelé le gagnant à œuvrer à l’établissement d’un « Etat palestinien sur les frontières de 1967 », coexistant avec Israël, tout en le mettant en garde contre les risques courus s’il négligeait la question palestinienne. M. Trump a par ailleurs envoyé des signaux incohérents sur le dossier israélien, déclenchant des réactions mêlées dans le pays, au matin du 9 novembre. En effet, son entourage est réputé très pro-israélien, mais il a également reçu le soutien des milieux d’extrême droite antisémites.
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a toutefois salué la victoire d’« un véritable ami de l’Etat d’Israël ». « Je suis impatient de travailler avec lui en faveur de la sécurité, la stabilité et la paix dans notre région », a pousuivi M. Nétanyahou, qui voit s’approcher la fin de huit années de relations difficiles avec l’actuel président américain, Barack Obama.
Le ministre des affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, a appelé le président américain élu à « respecter les accords » internationaux conclus par son pays, l’élection du candidat républicain faisant peser des incertitudes sur l’accord de 2015 conclu sur le nucléaire iranien :
« Tout président des Etats-Unis doit comprendre les réalités du monde d’aujourd’hui. Le plus important est que le futur président des Etats-Unis respecte les accords, les engagements pris non pas à un niveau bilatéral, mais à un niveau multilatéral. »
En Asie, le Japon et la Corée du Sud s’inquiètent pour leur coopération militaire avec les Etats-Unis. Les deux principaux alliés des Etats-Unis en Asie de l’Est espéraient une victoire d’Hillary Clinton, et la poursuite de la politique de Barack Obama, axée sur le renforcement des liens sécuritaires, face au puissant voisin chinois et à la menace nord-coréenne. Le premier ministre Shinzo Abe a évoqué une « période d’incertitude » et a annoncé vouloir « établir au plus vite une relation de confiance avec la nouvelle administration ». Pendant la campagne, le candidat républicain a fortement remis en question les alliances militaires conclues par Washington.
- Mexique : Peña Nieto et Trump vont se rencontrer
Douze millions de Mexicains vivent aux Etats-Unis, dont plus de la moitié sont clandestins. L’annonce de la victoire du candidat républicain a été vécue comme une douche froide dans le pays. Donald Trump a copieusement insulté les Mexicains pendant sa campagne, accusant le pays de fournir les Etats-Unis en criminels et menaçant de construire un mur de séparation à la frontière. Les Mexicains craignent aussi la remise en cause de l’accord de libre-échange Alena (Etats-Unis – Mexique – Canada) en vigueur depuis 1994, que Donald Trump a annoncé vouloir renégocier.
Mercredi, le président mexicain, Enrique Peña Nieto, s’est dit « prêt à travailler » avec M. Trump, assurant sur Twitter que les deux pays étaient « amis, partenaires et alliés ». « Je suis confiant dans le fait que le Mexique et les Etats-Unis continueront à renforcer leurs relations de coopération et de respect mutuel », poursuit-il. Dans la soirée, M. Peña Nieto a annoncé qu’il était convenu avec M. Trump qu’ils allaient se rencontrer « de préférence durant la période de transition », soit avant la prestation de serment en janvier. Cette rencontre aura pour but de « définir avec clarté la direction que prendra la relation entre les deux pays », a déclaré le président mexicain.
- Le Canada « impatient de travailler » avec Trump
Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a félicité Donald Trump pour sa victoire, se disant « impatient de travailler de très près » avec lui, « notamment sur les dossiers du commerce, de l’investissement ainsi que de la paix et de la sécurité internationales ». « Le Canada n’a pas d’ami, de partenaire ou d’allié plus proche que les Etats-Unis », a souligné le dirigeant libéral.
Premiers partenaires commerciaux de la planète, partageant la plus longue frontière du monde, le Canada et les Etats-Unis réalisent environ deux milliards de dollars d’échanges bilatéraux chaque jour via l’Accord de libre-échange d’Amérique du Nord (Alena), que M. Trump souhaite renégocier. M. Trudeau, de plus en plus prudent au fil des mois, avait refusé ces derniers jours de donner un « avis personnel » sur sa préférence. En mars, lors de sa visite à la Maison Blanche, il avait dénoncé les « politiques fondées sur la peur, l’intolérance ou la rhétorique haineuse » ; puis en septembre, « l’isolement, la construction de murs ou le renfermement sur nous-mêmes ».
Le monde