Entre le Sénégal et le Maroc, les relations grandement consolidées par la religion sont au beau fixe. A coup de visites périodiques, le roi Mohammed VI, qui en est à son sixième déplacement à Dakar, a davantage raffermi les liens entre les deux Etats. Seulement, le partenariat économique sud-sud qui en découle est totalement déséquilibré en faveur du royaume chérifien.
Et de six pour Mohammed VI. Depuis qu’il a été intronisé en juillet 1999 roi du Maroc, Mohammed VI est venu à Dakar à six reprises avant cette dernière visite: mai 2001, juin 2004, mars 2005, novembre 2006, mars 2013, mai 2015. Et, à chaque fois, il est question, pour les deux pays, de fortifier les liens fraternels déjà existants et aussi de requinquer un partenariat économique sud-sud qui se veut exemplaire. Au Sénégal, le Maroc, vu sa position géographique et son poids économique au Maghreb, est perçu tel un partenaire de premier plan. D’une superficie de 710 8504 km2 occupée par près de 35 millions d’habitants, le royaume chérifien est en collaboration étroite avec le Sénégal sur plusieurs secteurs. Seulement, Mohammed VI ne vient pas uniquement à Dakar parce que c’est la capitale du pays de la terranga. Derrière ses nombreuses visites, le souverain chérifien marque de traces indélébiles la présence marocaine au Sénégal. Et à y voir de plus près, le Maroc est pratiquement seul à tirer profit de cette coopération totalement déséquilibrée.
Le Sénégal est la première destination des investissements marocains en Afrique Subsaharienne. Mais à l’inverse, il n’envoie que des miettes chez Mohammed VI. En effet, les importations du Maroc en produits sénégalais en 2010 sont estimées à près de 51 millions de Dirhams. Le coton et les produits alimentaires représentent l’essentiel de ces importations. D’un autre coté les exportations marocaines en 2010 au Sénégal ont été de près de 741 millions de Dirhams. Bénéficiant d’une bonne réputation qu’il doit à une certaine stabilité politique, le Sénégal se présente comme le 1er partenaire sub-saharien du Maroc avec un volume global des échanges commerciaux s’élevant à 122 Millions dollars au titre de l’année 2011, selon l’Office marocain des échanges. Des statistiques presque corroborées par Malick Gakou alors ministre du Commerce du régime de Macky Sall qui trouvait qu’il y avait quelque chose à corriger. « Il est dans un premier temps essentiel de pallier au déséquilibre qui a toujours primé dans les relations économiques entre le Maroc et le Sénégal, en ce sens que le Maroc exporte au Sénégal 95 millions d’euros tandis que le Sénégal n’exporte au Maroc que 5 millions d’euros, au moment même où la balance commerciale sénégalaise accuse un déficit qui se creuse», avait-il indiqué. Malgré sa détermination affichée, Malick Gakou a fait son temps au ministère du Commerce sans parvenir à changer la donne. Maître Wade n’est pas non plus resté longtemps au pouvoir pour voir les ingénieurs marocains déclencher des pluies. Tout comme, le partenariat parafé entre les deux pays et consistant à totalement électrifier la ville de Saint-Louis, ne s’est jamais matérialisé jusqu’au départ du prédécesseur de Macky Sall.
Pour ce qui concerne l’éducation qui est également un secteur de coopération privilégié entre les deux états, le même déséquilibre est noté. En effet, chaque année, le royaume de Mohammed VI réserve aux étudiants sénégalais, dont il donne à chacun une bourse, un quota de 558 places pédagogiques. Toutefois, pendant que le Sénégal ouvre les portes de la Faculté de médecine de l’Ucad aux étudiants marocains, le royaume chérifien forme pour l’essentiel des littéraires et des juristes qui foisonnent déjà au pays de la terranga sans emploi. En sus, de nombreux Marocains qui ne sont pas envoyés par leur pays, débarquent à Dakar par leur propre initiative et parviennent à s’inscrire à la Faculté de médecine où l’inscription est pourtant refusée à de nombreux bacheliers sénégalais qui sont versés à la Faculté des sciences et techniques où ils se cassent la tête avec les mathématiques et autres sciences physiques.
Sur un autre aspect, le Maroc est certes l’un des rares pays du nord où un Sénégalais peut se rendre sans visa. La nature des relations privilégiées entre les deux pays s’explique d’abord par la religion musulmane. Les traces d’Ahmed Tidjane sont perceptibles au Sénégal où les tidjanes sont très largement représentés. Tous les ans, ce sont des milliers de Sénégalais qui se rendent à la Zawia Tidjania de Fés. Seulement, s’il ne faut pas un visa pour s’y rendre, y séjourner nécessite une carte de séjour. Avec la lourdeur de la procédure d’acquisition, avoir ladite carte dont la confection demande des tonnes de documents, relève du parcours du combattant. Et pour ceux qui ne l’ont pas, les tracasseries policières sont monnaie courante. Les Sénégalais, vendeurs à la sauvette au Maroc où ils ne parviennent pas à ouvrir une boutique, ne diront pas le contraire.
Mame Birame WATHIE