CHRONIQUE DE WATHIE
Le président Abdou Diouf doit bien observer la scène politique sénégalaise partagé entre amusement et dépit. S’il avait des difficultés pour appréhender les dissidences impulsées par Moustapha Niasse et Djibo KA, le président Macky SALL lui donne aujourd’hui le véritable sens de la cassure du Parti socialiste. Lui, qui avait peiné à accorder les violons des trois «mouchequetaires», a suffisamment de matière pour comprendre que ses poulains d’antan n’ambitionnaient qu’une chose qui rendait leur cohabitation impossible : être appelés Président. Car, avec les trois célèbres mousquetaires, Ousmane Tanor DIENG, Moustapha NIASSE et Djibo KA n’ont qu’un point commun : leur proximité avec le chef. La rectitude, la loyauté, le sacrifice qui caractérisaient les personnages d’Alexandre Dumas leur sont quasi inconnus. Le pouvoir n’étant qu’une source de jouissance, le trio sénégalais, comme des mouches en perpétuelle quête de détritus, ne s’en est jamais éloigné.
Moustapha NIASSE et Djibo KA ont en commun une caractéristique dont aucun autre Sénégalais ne peut se targuer. Ils sont les seuls hommes politiques à avoir directement travaillé avec les quatre présidents de la République du Sénégal indépendant. Avec Ousmane Tanor DIENG, ils constituaient les piliers du régime socialiste jusqu’à ce que les ambitions teintées de jalousie finissent par sonner le tocsin, morcelant le parti au pouvoir. L’ascension fulgurante d’Ousmane Tanor DIENG, qui, sans crier gare, avait dirigé, en 1993, la campagne présidentielle victorieuse d’Abdou Diouf, et le « congrès sans débat », avaient précipité Moustapha NIASSE et Djibo KA dans l’opposition. Tous deux prirent leurs cliques et leurs claques pour tourner le dos au parti de Senghor insupportant le leadership d’Ousmane Tanor DIENG qui apparaissait de plus en plus comme le successeur désigné d’Abdou DIOUF. Une séparation dont la formation socialiste ne se relèvera pas. Depuis, Ousmane Tanor DIENG, Moustapha NIASSE et Djibo KA ne sont entendus qu’à de très rares occasions pour ne pas dire jamais.
Avec l’élection de Me WADE , Moustapha NIASSE se rapprochait des arcanes du pouvoir pour avoir grandement aidé le libéral à terrasser l’ogre socialiste. Mais plus que tout, il avait anéanti les projets de Diouf de se faire succéder par Tanor DIENG. Djibo Leity KA, représenté comme l’incarnation de la tortuosité politique pour s’être intelligiblement dédit entre les deux tours de la présidentielle de 2000, ne restera pas longtemps dans l’opposition avec le secrétaire-général du PS. Me WADE comprenant qu’il été sans doute plus malléable que NIASSE avait chassé celui-ci pour l’accueillir dans la mouvance présidentielle, en 2004. NIASSE et Tanor, dans l’opposition, ne réussiront pas non plus à s’entendre sur quelque chose. Les communistes qui avaient tenté de les concilier pour faire vaciller le fauteuil présidentiel de WADE en 2007, l’avaient appris à leurs dépens. Dans une querelle de leadership, Ousmane Tanor DIENG à la tête des socialistes et Moustapha NIASSE figure de proue des progressistes ne se firent aucun cadeau quand il s’est agi de désigner un candidat unique de l’opposition. La Coalition populaire pour l’alternative (CPA) qu’ils avaient mise en place vola en éclats à l’approche de la présidentielle. Les quotidiens l’As et le Quotidien, dans leurs éditions du 13 décembre 2006 titraient respectivement : « La CPA au bord de l’implosion : comment Niasse a tout plombé » ; « Candidatures de la CPA pour les prochaines législatives : Niasse, le cas bloquant ». Pendant que Tanor DIENG prenait le Nord avec la Coalition Jam-Ji, NIASSE s’engageait vers le Sud avec la CA 2007. L’histoire bégaya en 2012. Moustapha WADE et Ousmane Tanor DIENG, qui s’étaient pourtant retrouvés dans un seul et même endroit pour parler du même sujet des Assises nationales, ne s’entendirent pas lorsqu’il fallut choisir un candidat unique devant représenter Bennoo Siggil Sénégal à la présidentielle. «Moi je les ai côtoyés quand nous étions à Benno Siggil Sénégal, que ça soit Ousmane Tanor DIENG ou Moustapha NIASSE. Ce qui avait fait éclater Benno Siggil Sénégal, c’est que tous les deux voulaient être président ou rien du tout », rappelait dernièrement le député Elène Tine. Leur rivalité, exacerbée par leur ambition de supplanter un Me WADE vieillissant, profita au disciple de celui-ci, en la personne de Macky SALL.
Au moment où les deux anciens camarades de parti soldaient leurs comptes dans l’opposition, Djibo Leyti Ka, le dernier Directeur de Cabinet du président Senghor chantait les louanges de Me Abdoulaye WADE. « WADE et moi sommes des amis, on est plus que des alliés depuis le congrès du PDS en 2012 au Méridien. C’est par amitié et par fidélité que je suis à ses côtés pour avoir cheminé pendant huit ans. WADE a failli donner au Sénégal son indépendance économique, là où Senghor l’avait rêvée », observait Djibo.
Arrivé au pouvoir, Macky SALL va exaucer les prières des trois «mouchequetaires » qui sont désormais appelés : Président. Même Djibo KA, qui s’est voulu «wadiste» invertébré, est appelé président sous Macky, pour avoir été nommé à la tête d’un machin appelé Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT). Ousmane Tanor DIENG qui fait face, dans son parti, à une fronde similaire à celle qui avait précipité le déclin du PS, refuse aujourd’hui d’accorder à Khalifa SALL ce qui Moustapha NIASSE et Djibo KA rechignaient à lui reconnaitre. Pour le conforter dans sa logique, il est bombardé président du Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT). Ousmane Tanor DIENG n’a certes pas versé de chaudes larmes comme Moustapha NIASSE l’avait fait à son installation à la tête de l’Assemblée nationale, mais s’est montré aussi satisfait que l’ancien ministre des Affaires étrangères sous Abdou DIOUF.
Seulement, avec ses trois «mouchequetaires», Macky SALL, le libéral, tient le bout de la corde menant à sa réélection ou à sa perte. L’alignement derrière lui ayant fini de mettre le PS et l’AFP en mille morceaux, l’URD devenue un parti «cabine téléphonique», quel profit politique peut-il tirer de l’allégeance du trio?
Par Mame Birame WATHIE
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