Le 2 novembre 1930 était couronné Haïlé Sélassié Ier, dernier empereur d’Éthiopie. Retour sur le sacre d’une figure majeure de l’histoire africaine.
En ce 2 novembre 1930, la capitale éthiopienne a sorti ses habits d’apparat. Banderoles, lumières et drapeaux verts, jaunes et rouges emplissent les rues d’Addis-Abeba, la « nouvelle fleur », en amharique. Une foule immense et joyeuse se masse aux abords de la cathédrale St-Georges. Tous les Éthiopiens présents attendent l’arrivée du nouvel empereur, Ras Tafari Makonnen, couronné sous le nom de Haïlé Sélassié Ier (ce qui signifie « pouvoir de la Sainte Trinité »).
Après une nuit entière de veillée dans la cathédrale, Sa Majesté impériale, descendant de la Reine de Saba et du Roi Salomon, reçoit les titres de Roi des rois, Seigneur des Seigneurs, Lion conquérant de la tribu de Juda, Lumière du Monde, Élu de Dieu. L’homme, regard perçant et visage frêle, doté d’une élégante barbe, devient en ce jour le 225e empereur de la dynastie Salomonide, vieille de sept siècles.
Le sacre, qui se déroule en présence de représentants d’une douzaine de délégations étrangères (Grande-Bretagne, France et États-Unis notamment) fait du Negusä Nagäst d’Éthiopie l’unique Noir souverain d’un État africain indépendant et non colonisé. Les cris et applaudissements de la foule, les cent coups de canon tirés, les cloches des églises et les rugissements de quatre lions attachés au parvis résonnent en cœur jusqu’à Lalibela. Lors de cette ultime cérémonie impériale, le monumental le dispute au mystique.
Vibrant hommage à Ménélik II
La veille, Haïlé Sélassié – accompagné de l’impératrice Menen – défile dans une luxueuse décapotable noire dans les rues d’Addis-Abeba. Précédant le défilé militaire de l’infanterie et de la cavalerie, le couple impérial atteint une place à proximité de la Cathédrale St-Georges.
Là, le futur empereur rend un vibrant hommage à son oncle, l’empereur Ménélik II, dévoilant une immense statue équestre du vainqueur de la bataille d’Adoua de 1896, laquelle avait mis fin – temporairement – aux ambitions coloniales de l’Italie.
Né le 23 juillet 1892 de Ras Makonnen et de Wezero Yeshimebet Ali, il devient en 1916 héritier et régent du trône lorsque le petit-fils de Ménélik II est déposé par sa tante, Zaouditou (où Zewditou). Dirigeant de fait le pays plus que l’impératrice, il est nommé par cette dernière en 1928 Négus – titre de noblesse équivalant à celui de roi. Le jour du décès de Zaouditou – le 2 avril 1930 – il devient de facto le nouvel empereur, mais ne se fait couronner que six mois plus tard.
L’ultime empereur d’Abyssinie
Progressiste, l’empereur décrète l’abolition de l’esclavage par les décrets de 1918 et 1923. Mais le représentant du seul État africain présent au sein de la Société des nations (SDN) – l’ancêtre de l’ONU – est abandonné par cette dernière lorsque les troupes de l’Italie fasciste envahissent le royaume. Malgré un discours remarqué à Genève en juin 1936, il est contraint à l’exil au Royaume-Uni jusqu’en 1941, date de son retour triomphal dans son pays.
Au fil des années, l’empereur est de plus en plus critiqué dans son pays, et il est renversé le 12 septembre 1974 par une junte militaire marxiste-léniniste, appelée Derg. Emprisonné, le dernier empereur d’Éthiopie décède dans des conditions troubles, le 27 août 1975.
Jeuneafrique