Des partis politiques africains idéologiquement proches des communistes ont pris part à la Fête de l’humanité, en septembre dernier, en France.
L’Afrique était massivement représentée. Outre les partis politiques, des associations avaient également des stands à cette manifestation. Plusieurs intellectuels ont participé aux débats.
La Fête de l’humanité est marquée par une tradition de présence de partis africains. Sans s’appeler partis communistes, comme en France, ces formations continuent d’adhérer à l’idéologie et aux fondamentaux du communisme, comme la justice sociale et le bien-être de la classe ouvrière. “Est-ce que l’aspiration au progrès, à la liberté, à l’égalité et à la justice sociale est toujours en cours en Afrique ?
Même si en France les dernières élections ont été marquées par la chute du Parti communiste, qui a réuni à peine 2 % des suffrages aux élections départementales de 2015, beaucoup pensent que le communisme a de l’avenir en Afrique.
Samba Sy, le secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), un parti sénégalais créé en 1981 et d’inspiration communisme, en est convaincu : “Est-ce que l’aspiration au progrès, à la liberté, à l’égalité et à la justice sociale est toujours en cours en Afrique ? Il me semble qu’en Afrique et comme partout dans le monde, ces aspirations sont éternelles. Cette envie de plus de liberté, d’une vie davantage humaine et de fraternité ne peut que demeurer en Afrique et ailleurs, en dépit des séquences historiques qui peuvent donner le sentiment qu’elle n’existe plus.”
Cette idéologie a de l’avenir et reste plus que jamais d’actualité, selon Marianne Simon-Ekane, la secrétaire nationale chargée des relations avec l’extérieur, au Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem), un parti politique camerounais.
“En Afrique, on se rend bien compte que, au-delà de ce qui se dit, le communisme est vraiment l’avenir (…) parce qu’on a besoin de faire confiance plutôt aux hommes qu’à la finance, qui est quelque chose d’abstrait. Pour moi, c’est vraiment l’avenir (…) Le communisme, l’idéologie, les problématiques que les communistes posent sont toujours d’actualité”, soutient Mme Simon-Ekane.
Nadia Chabaane est membre du bureau politique du parti AL MASSAR, la Voie démocratique et sociale, une formation sortie des flancs du Parti communiste tunisien. Elle a fait un constat lucide sur certaines faiblesses de l’idéologie communiste, comme la faible utilisation des nouvelles technologies et l’absence de la jeunesse.
“Aujourd’hui, il va falloir qu’on s’organise, peut être différemment, en utilisant les nouvelles technologies et d’autres moyens pour pouvoir peut-être rallier les plus jeunes en Afrique, qui sont un peu en dehors du champ politique, mais dans le champ de la revendication avec d’autres méthodes et d’autres manières. Je le vois bien, je l’observe aussi bien en Afrique noire qu’en Afrique du Nord”, prévient Mme Chabaane.
“On voit exactement les mêmes phénomènes émerger, à savoir des revendications de liberté. Il y a une transition qui ne s’est pas faite entre la génération de l’indépendance et celle d’après”, souligne-t-elle.
A la Fête de l’humanité, les représentants des partis ont eu des échanges, notamment au stand du Parti de l’avant-garde démocratique socialiste, un parti d’inspiration communiste marocain créé en 1989.
Fadi Benadi, un membre du comité central de cette formation politique, chargé des relations internationales, a appelé à relancer la coopération entre les partis communistes africains. “Tous les partis communistes, à part quelques-uns, avaient une seule boussole, c’était l’Union soviétique. Que ce soit les pays d’Afrique, la France ou la Belgique, ils sont toujours en train de payer cette situation. Quand il y a eu la chute du Mur de Berlin, cette boussole a été perdue”, a constaté M. Benadi.
“Pour la reconstruire, cela demande beaucoup plus de temps. La confiance a disparu aussi, c’est le gros problème et maintenant tout est à reconstruire”, poursuit le politicien marocain.
Le panafricanisme, qui promeut et encourage la pratique de la solidarité entre les Africains, a été l’un des thèmes abordés lors de la dernière Fête de l’humanité.
Nadia Chabaane estime qu’il faut “rompre avec ses discours nous rattachant au monde arabe et à des choses qui n’ont rien à voir finalement avec les enjeux que l’on vit au quotidien”.
“Moi, je me sens plus proche d’un Malien, avec ses problématiques, que d’un Saoudien avec qui je n’ai rien en partage. Et je pense que là-dessus, il y a un vrai travail à faire sur le fond. Pendant plus d’un siècle, les islamistes n’ont fait qu’entretenir un mythe de rattachement à l’islam et à l’arabité, au détriment de l’attachement géographique à cette Afrique dont on fait partie”, déclare M. Chabaane.
Chaque année, le Parti communiste français invite à la Fête de l’humanité des mouvements dont il est idéologiquement proche. C’est parce que “les communistes ont une longue tradition internationaliste. Les liens sont très anciens entre communistes français et africains”, explique Simon-Ekane.
“C’est un très vieux lien. Les syndicats communistes ont initié des gens comme Um Nyobe, qui sont de grands nationalistes, au combat pour la lutte des indépendances… Les Français ne voulaient pas que les paysans fassent la culture du café, donc les communistes nous ont appris, à nous nationalistes, à nous battre pour changer la donne”, poursuit la responsable du Manidem.
Cette fête organisée au mois de septembre de chaque année depuis 1930, par le journal L’Humanité, en région parisienne, accueille plus d’un demi-million de visiteurs.
Elle regroupe surtout le Parti communiste français et des formations politiques de gauche.
Bbc