CHRONIQUE DE MAREME
« L’amour est une force sauvage. Quand nous essayons de le contrôler, il nous détruit. Quand nous essayons de l’emprisonner, il nous rend esclaves. Quand nous essayons de le comprendre, il nous laisse perdus et confus», Paulo Coelho
Aicha : entre deux feux
Plus rien ne va. Entre Malick et moi, c’est une guerre permanente. Comment s’aimer autant et ne pouvoir s’entendre. Je lui en veux, tantôt pour son empressement à vouloir m’épouser, tantôt pour son comportement avec sa femme, tantôt pour sa jalousie injustifiée envers Idriss.
Je me dis des fois que j’exagère. Que je ne devrais pas m’occuper de son mariage avec Abi et lui laisser gérer sa vie. Mais, je n’y arrive pas. Je me suis vraiment fâchée contre lui le jour où il l’a envoyé se balader comme une chaussette. Et cela, devant tout le monde, notamment ses enfants. Rien ne peut justifier un tel comportement. En privilégiant la famille de Malick, Abi a cru bien faire. Nous avons toutes été éduquées dans cette logique de partage, d’adhésion et de communion. En Afrique, particulièrement au Sénégal, la belle-famille représente le pilier de tout mariage. On nous apprend dès le plus jeune âge, que nous devons obéissance et générosité à notre nouvelle famille. Que la femme doit être docile, affective et surtout accueillante. Qui n’a pas entendu ces phrases symboliques de nos grands-mères : « Djiguène dafa wara melni pousso si biir seuyeum (pour dire que la femme doit jouer le rôle d’une aiguille à même de raccommoder toute fissure). Ou encore « Si tu veux garder ton mari, apprivoise ta belle famille ». Et par apprivoiser, on sous-entend les entourer de cadeaux, les appeler tout le temps, leur préparer des repas, bref être aux petits soins pour eux. Pour Malick, c’est de l’hypocrisie. Pour moi, c’est de l’amour parce qu’il faut vraiment aimer quelqu’un pour être l’esclave de ses proches.
Alors allez comprendre pourquoi j’ai pitié d’Abi quand je la vois venir au bureau et courir derrière son mari qui fait comme si elle n’existait pas. Elle a fait l’erreur de faire passer les autres avant son mari ; aujourd’hui elle veut changer. Malick doit faire l’effort de se réconcilier avec elle ne serait-ce que pour les enfants. Il doit lui laisser la possibilité de se rattraper. Ce n’est pas parce qu’il est amoureux de moi aujourd’hui qu’il doit faire comme si elle n’existait plus. Continuer de sortir avec lui, c’est comme cautionner mon manque total de respect envers Abi. C’est pourquoi, malgré tout l’amour que je lui porte, la culpabilité me ronge tellement que je ne suis plus à l’aise dans cette relation. Je fuis Malick chaque jour un peu plus et il ne comprend pas cela, d’où nos disputes incessantes.
Entre-temps, Idrisse s’est rapproché de moi. Un jour, alors que j’attendais le bus, il s’est garé devant moi et a proposé de me ramener. J’ai d’abord refusé ; mais il a tellement insisté, jusqu’à sortir de sa voiture, que j’ai dû accepter. Ha les avocats, ils ont le verbe ! Il m’a dit qu’il connaissait ma relation avec Malick et que franchement je ne l’intéressais pas. A d’autres, ai- je failli lui répondre. Mais j’en avais marre d’attendre le bus. On a vite sympathisé et je dois dire qu’il est gentil. Ils le sont tous au début. Le lendemain, quand je l’ai dit à Malick, il m’a fait une de ses crises de jalousie que je ne suis pas prête d’oublier. Ces yeux lançaient des éclairs et il m’a carrément jeté hors de son bureau. On ne s’est pas reparlé pendant 48 heures. Un jour, il m’a trouvé en train de déguster, en compagnie Suzanne, des chocolats qu’Idrisse avait envoyés. La poisse, je n’ai rien compris. Il a juste pris le paquet qu’il a jeté dans la poubelle avant de me lancer :
- Si tu continues sur cette lancée, tu vas vraiment me mettre en colère.
- Je t’ai déjà vu en colère Malick…
- Ho que non. Je t’interdis de lui parler, d’accepter ces cadeaux ou quoi que ce soit sinon…
- Sinon quoi ? Je ne t’appartiens pas d’accord. Il a froncé les cils, reculé d’un pas pour me toiser avant de sorti en claquant la porte. Franchement, si c’était des fleurs ou un bijou, je l’aurai surement renvoyé mais des chocolats en plus aussi délicieux. Ça sentait avant même que j’ouvre la boite. Mané qu’on me donne 50 gifles, j’encaisse.
Nous ne nous sommes pas revus après cela. Trois jours et il me manque vraiment. Nous nous sommes croisés deux fois et je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir envie de me jeter dans ses bras. C’est ça qui est le plus bizarre, on se dispute comme chat et souris mais on s’attire comme aimant et fer.
On est vendredi et demain, c’est la fête d’anniversaire des 3 ans du cabinet. Suzanne m’a demandé de l’accompagner dans une boutique pour acheter une robe de soirée et m’a suggéré d’en faire pareil. Elle m’a dit de venir avec 80 000 F CFA au moins. J’ai avalé ma salive quand elle m’a dit le prix. Je sens que je vais manger du riz bouilli les soirs à venir. Si je savais, j’allais acheter un joli tissu au marché HLM et l’amener à un de nos talentueux tailleurs qui grouillent dans la capitale. Bref, elle m’a amené dans une somptueuse boutique où la beauté des robes m’a laissé sans voix. Il m’a fallu dix minutes pour m’en choisir une et plus d’une heure à Suzanne pour faire pareil. Je crois qu’elle a essayé toutes les robes de la boutique. Même les vendeuses commençaient à s’impatienter. Finalement elle est revenue sur la deuxième qu’elle avait déjà essayée. Ha les femmes ! Alors que je me dirigeais vers la caissière croyant être sortie de ce supplice, Suzanne m’arrache brutalement la robe que j’avais choisie.
- Walaahi tu ne vas pas y aller avec cette robe de vielle. Toi aussi Aicha, tu n’as que vingt et un ans et on dirait que tu en as soixante. Viens ici et je ne veux rien entendre. Elle a disparu derrière les stores avant que je ne dise quoi que ce soit. C’est sûr que je n’irais plus jamais avec elle faire du shopping. Elle a commencé par sortir des robes courtes, jamais.
- Si tu ne veux pas te fatiguer, je ne porterais pas quelque chose de court.
- Et pourquoi, tu as une cicatrice ?
- Non juste que je ne serai pas à l’aise.
- Pif, tu es très belle Aicha mais tu ne fais aucun effort, ni pour ton corps ni pour ton visage. Tu ne prends pas la peine de te maquiller et ce que je déteste par-dessus tout ce sont tes rastas hyper pourris gâtés. D’ailleurs depuis quand tu les as faits.
- Euh… Je réfléchissais quand elle renchérit.
- Jésus, Marie, Joseph, tu ne sais même pas. Extraordinaire cette fille. Attend demain rèk, tu vas voir.
- Qu’est-ce qu’il y aura demain ?
- Tu verras me sourit- elle. Cette femme ne présage rien de bon. Je regarde ma montre : 18heures 10.
- Tu as vu l’heure, il faut vraiment que je rentre. Je dois aller jusqu’aux Parcelles….
- Parcelles, c’est impossible, car demain je viens te prendre très tôt chez toi.
- Pour faire quoi ? Ecoute Suzanne, je sais que je ne suis pas aussi sophistiquée que vous toutes mais au fond, j’aime ce que je suis et…
- Arrête avec tes bla bla, tu n’es plus une fillette Aicha pour faire des mèches, laisse ça aux lycéennes. On va enlever cette touffe que tu as sur ta tête depuis je ne sais combien de temps, faire un peu d’épilation, de brushing… la totale quoi. Demain quand Malick va te voir, il va se jeter sur toi.
- Parle pour lui ah.
- Je ne sais plus quoi penser ni quoi faire pour que vous arrêtiez de vous déchirer.
- C’est vrai, j’en ai plus que marre de toutes ces disputes, Suzanne pourtant je l’aime tant.
- Et lui encore plus. De toutes les façons, il part pour dix jours, ce qui….
- Dix jours ? Où ça ? Je n’étais pas au courant.
- C’est normal, il l’a décidé hier. Si tu veux savoir c’est moi qui le lui ai suggéré. Malick n’est plus que l’ombre de lui-même, c’est la première fois qu’il ressent des sentiments si forts pour quelqu’un et le fait de ne pas le vivre, le ronge chaque jours un peu plus. Tu refuses de voir la réalité en face et un jour tu risques de t’en mordre les doigts.
- Qu’est-ce que j’ai fait, je…
- Tu n’en fais qu’à ta tête, tu es inconsciente et extrêmement naïve. Mais le pire c’est que tu crois tout connaitre. Moi personnellement je ne vais plus te donner des conseils. Si à son retour, les choses ne changent pas alors vous devrez tous les deux tourner la page. J’ai acquiescé, les larmes aux yeux.
- Maintenant venons-en aux choses sérieuses dit- elle en s’approchant de moi avec des tas de robes à la main. Je sens que je vais passer un sal quart d’heure.
Abi : regrets
Je vois Malick dépérir chaque jour un peu plus. Il ne mange pratiquement plus et ne joue plus le soir avec les enfants comme il en avait l’habitude en rentrant à la maison. Quand il marche, c’est comme s’il avait tout le poids du monde sur les épaules. Depuis une semaine, il rentre très tôt et se couche très tôt. Il n’était pas comme ça quand il avait quitté Marianne. Je ne l’ai jamais vu aussi triste à part le jour du décès de son père. L’atmosphère est devenue pesante à la maison et mon mari ne me parle presque plus. Il répond à peine à mes salutations et la nuit quand, j’essaye de m’approcher de lui, il fait semblant de dormir. Je voudrais que tout redevienne normal. Mais au contraire, je sens de plus en plus que je le perds. Il ne faut pas se voiler la face, mon mari est fou de cette fille. Je suis tellement jalouse de cet amour qu’il a pour elle mais est-ce une raison pour le priver de bonheur. Ne dit-on pas que le véritable amoureux est celui qui est capable de faire passer le bonheur de l’autre avant le sien. Je l’aime tant que le voir ainsi m’insupporte chaque jour un peu plus.
Il est certes vrai que nous ne partageons pas le même idéal de vie, mais Malick a toujours était un homme bien pour moi. Les trois premières années ont été catastrophiques et nous avons failli nous séparer plus d’une fois. Et depuis deux ans, ça s’est stabilisé. Nous avons trouvé un compromis, c’est-à-dire que sa maison ne soit plus envahie et lui me laissera aller où je veux.
Côté dépense et argent de poche, je ne manque de rien et ma mère encore moins. Aussi, contrairement à certaines de mes amies, mon mari n’a jamais levé la main sur moi encore moins m’insulter. Bref un mari idéal. J’ai toujours cru qu’il m’aimait jusqu’à ce qu’Aicha entre dans nos vies. Il ne m’a jamais regardé comme il la regarde elle et je ne l’ai jamais vu dans un état aussi dépressif. Dois-je continuer ces manigances pour l’éloigner de la femme qu’il aime ? Le mérite-t-il après tout ce qu’il a fait pour moi ? Surtout le fameux soir de notre nuit de noces. Je lui ai menti sur ma virginité et je crois que c’est ce que je regrette le plus dans ma vie. J’ai connu deux amants. Le premier était mon professeur de maths en première. J’avais 17 ans et lui 45 ans, il a été mon premier amour. Au début, il ne m’intéressait pas jusqu’à ce qu’il commença à me donner des cours du soir à la maison. Il me complimentait tout le temps, me faisait de petites caresses et de fil en aiguille, il m’a entrainé dans son lit. Plus tard, j’en ai voulu à ma mère qui n’a pas été assez regardant. Elle aurait dû rester à la maison quand il venait le soir me donner ces cours. Une mère ne doit jamais baisser la garde, elle ne doit jamais faire totalement confiance aux hommes de son entourage. Au Sénégal, il y a tellement de viols familiaux, d’abus sexuel que l’on finit toujours par enterrer. La victime est à jamais traumatisée sans que le fautif ne soit jugé. Tout simplement parce que c’est son oncle, son beau-père ou encore son cousin. Toujours ce dicton que l’on nous sort : « le linge sale se lave en famille ». Alors c’est à nous les mamans d’être vigilantes, de garder toujours un œil sur nos enfants car certains hommes ne suivent que leurs instincts sexuels. J’étais jeune et naïve face à un homme d’expérience qui a su puiser de son autorité pour faire de moi sa maitresse. Il m’a tout appris et si ce n’était pas une amie qui m’avait conseillé de prendre des pilules, peut-être que je tomberais enceinte comme ce fut le cas d’une autre élève avec qui il sortait aussi. Il l’a épousée pour ne pas se faire radier, m’avait-il dit. Nous avons continué notre relation jusqu’à ce que je parte à l’université. Heureusement pour moi parce que j’étais folle de cet homme et si je ne m’étais pas éloigné de lui qui sait ce que je serais devenue aujourd’hui. L’autre homme avec qui je suis sortie, était un étudiant en troisième année de médecine. Je n’étais pas vraiment amoureuse de lui mais il était un bon compagnon et nous sommes restés ensemble deux ans. Quand Malick est rentré définitivement, je me suis concentrée totalement sur lui, c’était l’homme de ma vie et il fallait qu’il m’épouse. Sous le conseil d’une amie, j’ai joué la fille vierge et je dois dire que je le regrette amèrement car je sais que ce n’était pas ce qui importait chez lui. Il m’a dit ce soir-là qu’il ne pourrait plus jamais me faire confiance après ce mensonge. Le lendemain, il m’a ramené chez ma mère en silence avec un drap tacheté de sang. Il a fait comme s’il était l’homme le plus heureux sur terre, a donné une somme importante à ma mère. Ce jour-là, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps et ma mère aussi. J’étais sa fille unique et la famille de mon père lui avait toujours reproché de m’avoir éduquée comme une blanche. Beaucoup de mes tantes étaient restées cette nuit-là à attendre le pagne, histoire de savourer son humiliation. Malick m’a redonné mon honneur et on a chanté les louanges de ma mère. Plus jamais il n’a reparlé de cette histoire. Je l’ai remercié secrètement pour cela. Je n’ai pas le droit aujourd’hui d’être si égoïste et lui causer autant de torts, pas après ce qu’il a fait. Je parlerais ce soir à Aicha et advienne que pourra.
- Tu n’as pas encore sorti mon smoking, chi Abi, je ne veux surtout pas arriver en retard, dit- il en s’essuyant la tête avec une petite serviette. Il ne se rend pas compte de sa beauté et tout ça c’est pour moi. Je lui souris sans le faire exprès, j’aime tellement cet homme. J’entre dans le dressing et prend son habit que je viens déposer près de lui.
- Nous avons tout le temps Malick, les invités arrivent toujours vers 21 h et il n’est que 19 h.
- Oui mais nous sommes les maîtres de cérémonie donc nous devons être parmi les premiers à arriver.
- Au contraire chéri, on doit être les derniers car…
- S’il te plait Abi, tu n’en as pas un peu marre. Chaque année c’est la même dispute. Tu veux toujours arriver en dernier et moi en premier. Finalement, je pars toujours sans toi. Pour une fois dans ta vie, pourrais- tu faire ce que je te demande.
- Est-ce pour ça que tu veux prendre une deuxième épouse. Je le vois se crisper.
- En quelque sorte oui, je voudrais avoir une femme qui respecte ma façon d’être et qui s’occupe plus de moi et non des autres.
- Je peux changer Malick, je ferais tout pour cela et pour commencer je vais tout de suite m’habiller et y aller avec toi. Il lève les yeux et je frissonne devant tant de tristesse. Je m’approche de lui et lui caresse la joue.
- Pourquoi tu es si triste Malick, l’aimes-tu à ce point ? Il ne dit rien et un moment, il se lève pour s’habiller. Est-ce que tu vas me quitter si tu l’épouses ? Il sursaute avant de se retourner et de me regarder intensément.
- Tu crois que je suis un homme à trahir sa femme ? C’est ça que je disais, tu n’as pas appris à me connaitre et tu ne me connaitras jamais.
- Tu as raison, tu ne m’as jamais reparlé de cette fameuse nuit et tu m’as redonné mon honneur. Je te dois tout Malick…
- Tu ne me dois rien Abi, tu es ma femme et ton honneur est mon honneur. Je t’en ai voulu pour le mensonge pas le fait que tu n’étais pas vierge.
- J’aurais dû être la femme que tu voulais que je sois, ne serais- ce que pour te remercier mais je…. Mes larmes coulent m’empêchant de continuer.
- Je déteste voir une femme pleurer surtout si c’est moi la cause. Cette histoire est oubliée et j’ai compris depuis longtemps que je ne peux pas te changer alors arrêtons cette discussion qui ne mène nulle part.
- D’accord, donne-moi une demi-heure et je suis prête.
- Inchalla, souffla-t-il.
Je suis entrée dans le dressing et pris la nouvelle robe que j’ai spécialement fait coudre par un grand couturier, le tissu seulement vaut 300 000 F CFA. Je sens que je vais faire des jalouses ce soir.
Malick : perplexe et perdu
Elle m’avait dit trente minutes et j’en suis à une heure. Enervé, je prends les clés de la voiture et traverse la salle.
- Tu ne vas pas partir sans moi, je tourne la tête pour voir Abi arriver en courant. On aurait dit une étoile filante passant devant moi, juste trop scintillante. C’est du m’as-tu-vu tout craché. Alors comment tu me trouves ? J’ai juste acquiescé de la tête avant de la laisser sortir. Quoi lui dire, elle aime les bling- bling et autres. Déjà, avant que je ne l’épouse, elle était un peu artificielle, toujours avec des faux cils, faux oncles et autres. Aujourd’hui elle l’est encore plus. Il lui arrive de porter des bijoux jusqu’au coude pour montrer qu’elle est riche. Ce soir, elle a fait fort, on aurait dit une boule scintillante que l’on accroche sur le plafond des boites de nuit.
- Au fait, demain, je voyage.
- Ah bon et c’est aujourd’hui que tu me le dis ?
- Je l’ai décidé Il y a un problème, lui demandais- je agacé. Elle me regarde avant de faire non de la tête. Déjà que je lui adresse la parole, il ne faut pas en abuser. Je sais qu’elle est derrière tous les problèmes que j’ai avec Aicha mais je n’ai aucune preuve et la concernée refuse de me le dire. Je ne sais même pas ce que me reproche vraiment cette folle et à chaque fois que je l’invite pour qu’on se voie, elle refuse. On ne s’est pas vu depuis quatre jours. Elle me manque mais j’étais tellement en colère contre elle, contre le fait qu’elle accepte des cadeaux d’Idrisse que j’ai pété un câble. Elle ne peut pas me demander de lui laisser un peu temps et se laisser draguer par un autre homme. Et surtout, je lui en veux d’être si naïve et de se laisser berner par ma femme qui n’arrête pas de jouer les victimes devant elle. Aujourd’hui, je doute de son amour pour moi, de notre futur. C’est pourquoi j’ai accepté l’affaire sur la mine contaminée au Mozambique. J’ai besoin de m’éloigner de tout ça pour réfléchir. Elle veut de la distance, je vais lui en donner.
Nous avons pris le véhicule, direction la Palace où se déroule la soirée. Abi n’arrête pas de parler et de me dire tout ce qu’elle a fait ces derniers jours pour la réussite de la fête. Je l’écoute à peine car toutes mes pensées sont dirigées vers Aicha.
Nous avons été parmi les premiers à arriver à la soirée. J’ai fait un tour des yeux la salle à la recherche d’Aicha. Il va me falloir beaucoup de force, de retenue ce soir car ma mère et mes sœurs seront là. J’ai commencé à faire le tour de la salle accompagné de ma femme qui me tenait fortement la main. Je n’ai pas la force de la rejeter, encore moins de faire la fête. Plus vite ce sera fini et mieux ce sera.
- Bonsoir Malick, Abi vous êtes rayonnante, dit Suzanne qui vient d’arriver avec son mari. Il forme un beau couple et je dois dire qu’elle est pas mal ce soir. Une minute de salutations et Suzanne me prend par le bras. Tu veux bien m’accompagner au buffet s’il te plait. Avec ces yeux scintillants, elle doit surement avoir quelque chose à me dire. Abi me fait une petite pression de l’autre bras qu’elle tient toujours serré.
- Oui Abi ?
- Je ne veux pas que vous parliez boulot, ce soir c’est la fête de l’entreprise alors amusons nous au lieu….
- Tu veux que je t’amène quelque chose à boire lui coupais-je. Elle et Suzanne ne se sont jamais entendus et aujourd’hui encore moins vu qu’elle s’est rendue compte que Suzanne est très liée à Aicha. Elle fronce les cils avant de lâcher finalement mon bras avec un sourire figé.
- Reviens-moi vite, dit- elle en regardant hostilement Suzanne qui lui sourit avec toutes ses dents.
Dès que nous nous sommes éloignés, elle lance :
- On devrait diminuer les lampes de la salle si on ne veut que la robe de ta femme ne nous aveugle. J’ai pouffé de rire avant de jeter un coup d’œil vers l’arrière.
- C’est vrai qu’elle a fait fort sur ce coup. Tu ne crains pas qu’elle te mette en mal avec ton mari parce qu’elle est très forte pour ça. La preuve !
- En tout cas, elle est devenue très collante et possessive. Regarde comme elle te suit du regard, elle ne veut pas te perdre des yeux.
- Pif hana taye. Alors où est ton amie compliquée là.
- L’innocente oui. Généreuse aussi. Elle s’est éloignée de toi pour que tu t’occupes plus de ta femme puisque cette dernière fais maintenant des efforts pour se faire aimer.
- C’est ce qu’elle t’a dit ?
- Oui mot pour mot walaye.
- Elle est folle, je te jure que des fois j’ai envie de la tuer. Je me demande des fois si elle m’aime vraiment.
- N’en doute pas Malick.
- Alors pourquoi accepte- t-elle des cadeaux d’Idrisse et pire que ce dernier la ramène chez elle.
- Tu es trop jaloux Malick et cela risque d’envenimer encore plus votre relation. Ce voyage est le bienvenu car il va vous permettre de vous éloigner un peu et vu comment elle demande chaque minute après toi…
- Elle demande après moi ? Elle éclate de rire avant de continuer.
- Tout le temps si tu veux savoir et je t’assure que si tu continues de faire l’indifférent, elle va te sauter dessus à son retour. Je souris en me prenant le menton. Ma tristesse partit sur le coup, elle demande après moi répétais- je.
- Au fait, tu as fait ce que je t’avais dit ?
- Oui et je t’assure que tu ne vas pas la reconnaitre. Elle croit que la robe coute 45 000 F CFA, ça m’a fait trop rire et les chaussures hahaha. Je l’ai aussi amené à l’institut de beauté et le résultat est incroyable. Elle est passée du diamant brute à une pierre taillée. Surtout reste tranquille quand tu l’as verra car elle est juste mouah.
- Il le faut bien, regarde ma mère vient d’arriver avec mes sœurs. Elle va surement venir te voir pour te demander qui est Aicha alors je compte sur toi pour faire diversion. On ne sait jamais avec elles.
- D’accord cher monsieur ! Tu comptes faire combien de jours là- bas, demande-t-elle en regardant derrière mon épaule. Je me tourne pour voir arriver Abi avec un sourire forcé.
- Vous en prenez du temps lance -t-elle. Ta maman vient d’arriver, allons la saluer. Elle me prit par le bras et me guide comme un enfant.
C’est là que j’ai remarqué qu’il y avait aussi la présence de mes deux tantes de mégères. Je regarde d’un œil interrogatif Abi qui fait semblant de ne pas comprendre. Encore une de ses manigances. Ce qui est drôle avec les femmes c’est qu’elles nous croient trop stupide.
- Ce n’était pas la peine d’inviter mes tantes, nous ne sommes pas à un baptême Abi.
- Elles ont insisté pour venir….
- Tu n’as pas besoin de prouver ta légitimé à Aicha alors arrête avec tes manigances, c’est la dernière fois que je te le dis. Ce n’est pas la peine de me regarder ainsi, je te connais plus que tu ne peux l’imaginer.
Nous avons continué à faire notre ronde et à saluer les invités les uns après les autres. Sans le faire exprès, je n’arrêtais pas de regarder vers la porte. Finalement je suis allé rejoindre Suzanne pour lui demander de l’appeler.
- Je l’ai appelé tout à l’heure et j’ai dû lui remonter les bretelles pour qu’elle se décide à venir. Elle pense qu’elle est trop habillée et trop maquillée, bla bla bla. Cette fille est une vraie rigolote. Tu as du pain sur la planche bonhomme car non seulement elle est très timide mais surtout elle n’a aucune assurance en elle. Par contre, j’ai vu comment Abi te tenait si serré contre elle, la pauvre.
- Laisse tomber, c’est la première fois qu’elle me suit comme un toutou dans une soirée. En plus….Je perds mes mots, Aicha vient d’apparaitre dans une somptueuse robe de soirée rouge dont le haut en dentelle marron est orné de perle rouge. Sa nouvelle coiffure la rend plus adulte et son fin maquillage aussi. Abi a fait fort et vu comment elle applaudit, elle est contente de son résultat.
- Franchement tu veux ma mort Suzanne, comment pourrais-je ne pas m’approcher d’elle, elle est magnifique. La vraie beauté est dans le naturel. J’ai juste envie de….
- Tout doux mec, il y a les yeux de ta femme braqués sur toi comme un laser.
- Elle n’a qu’à me tuer. Je ne me suis même pas rendu compte que je marchais vers Aicha. Moi qui m’étais promis de faire comme si elle n’existait. Là, elle ressemble à une princesse, tant pis pour les préjugés.
Aicha : conflit
Malick a été la première personne que j’ai vu, c’est normal vu comment il s’impose devant les autres. Il a suffi de quelques secondes pour que nos regards se croisent. C’est la première fois que je le vois en smoking et il est encore plus beau que dans mes rêves. Je me suis fait la promesse avant de venir de faire comme s’il n’existait pas et voilà que mes pas se dirigent vers lui sans que je puisse ni détourner la tête ni les yeux, ni rien du tout. Il m’attire, m’ensorcèle c’est comme si rien n’existait autour de nous. C’est magique.
- Salut, murmure-t-il en s’approchant encore plus de moi. Tu es magnifique, continue-t-il. On dirait qu’il est ému et moi les mots me manquent, je l’aime tant. Il m’a horriblement manqué ces jours-ci.
- Hum hum, soyez plus discrets voyons, tout le monde vous regarde dit Mouhamed en m’attirant vers lui. Malick ferme les yeux avant de reculer un peu, il se retourne et je le suis du regard. C’est là que j’ai vu Abi me lancer un regard noir. Oups ! Je crois que tu as fâché sa femme et elle a raison. On aurait dit que Malick allait t’embrasser, un peu de retenue voyons, continuait Mouhamed.
- Excuse-moi, ce n’était pas mon intention, je…je… Quoi dire alors je me tais.
- On ne peut pas lutter contre les sentiments, il faut juste les vivre, dit Malick d’une voix rauque. Il continuait de me regarder avec tant de gourmandise que j’en frissonnais.
- Pas ici et pas devant toute ta famille. Tant que tu ne l’épouses pas, elle est et restera l’ennemie alors va retrouver ta femme et arrête de jouer au gamin.
- Je n’ai rien fait Mouha, dit-il énervé.
- C’est pour ça que je me suis éloignée de lui, m’adressais- je à son ami. Il ne se rend même pas compte qu’il fait souffrir sa femme en se comportant ainsi.
- Et c’est reparti, dit- il en levant les mains. Bon il faut que je te laisse et surtout ne dance avec personne, finit-il en tournant les talons.
- Il m’énerve grave ce mec, dis- je en grinçant des dents.
- Malick ne sais pas tricher Aicha, il est fou amoureux de toi et il ne peut le cacher. C’est trop fragrant alors vaut mieux pour toi de te faire à cette idée. En plus, ce que vous venez de faire tout à l’heure vous a définitivement démasqués.
- On a rien fait, dis- je avec hésitation.
- Ah bon ? Hihihi si je n’étais pas intervenue, il t’aurait embrassée.
- Il ne ferait jamais ça.
- Tu crois ? Tu ne connais pas Malick alors ne le pousse pas à bout. Aicha, pourquoi continuer de fuir l’inévitable. Vous êtes des âmes sœurs et vous aurez beau vous déchirer, vous finirez toujours par vous retrouver. C’est comme avec ma femme, je ne peux pas vivre sans elle et il a fallu que je la perde pour le savoir. Aujourd’hui, j’ai décidé de tout faire pour la reconquérir car aucune femme ne peut combler le vide qu’elle m’a laissé. Alors arrêtes de lutter et vis ton amour avant que cela ne soit trop tard. Il me fait la bise avant de tourner les talons pour aller saluer quelqu’un d’autre. Je regarde autour de moi, il y a un monde fou et je suis sûre que le petit incident de tout à l’heure est passé inaperçu. Voyant que Suzanne avait entamé une danse avec son mari, je me dirige vers le bar pour prendre un verre. C’est là qu’apparut Idrisse devant moi, comme la plus part des hommes de ce soir, il porte lui aussi un costume.
- Salut mon papillon, c’est comme ça qu’il m’appelle. J’ai failli ne pas te reconnaitre, tu es juste époustouflante.
- Merci, toi aussi tu n’es pas mal. Où est ta cavalière. Il fait une grimace avant de répondre.
- Elle m’a faussé compagnie à la dernière minute alors je suis là à me morfondre. Tu allais prendre une collation ?
- Oui…
- Reste ici, je vais t’en apporter. Tu veux quoi ?
- Coca ou jus d’orange. Il me fait une bise à la main avant de s’éloigner, il est vraiment gentil celui-là. Contrairement à ce que Malick pense, il est devenu un bon ami. Il m’a dit qu’il était fou amoureux d’une femme et que cette dernière la faisait valser depuis deux ans. Je le regarde et je ne peux m’empêcher de faire la comparaison entre lui et Malick. Idrisse est beau certes mais à la différence de Malick, il ne dégage rien. Alors que Malick, en plus de sa beauté à la fois cristalline et sauvage, dégage l’aisance d’un dirigeant et la puissance d’un roi. Je le cherchais encore des yeux et nos regards se croisèrent. Encore. Un regard de braise qui te glace sur place, un sourire qui te submerge, des lèvres qui te font rêver. Il a une façon bien à lui de boire son verre et de caresser subtilement du bout des doigts le contour. Si seulement je pouvais remplacer ce verre.
- A quoi tu penses ? Je sursaute, c’est Suzanne qui me regarde avec un sourire malicieux.
- A rien !
- Alors pourquoi tes yeux brillent ? J’ouvre la bouche et elle éclate de rire.
- Walay Abi va te tuer si tu n’arrêtes pas de dévorer son mari des yeux. Il doit être au supplice en ce moment, tu es très belle se soir Aicha.
- Merci, toi aussi tu es magnifique.
- Bon je te laisse il y a ma sorcière de belle mère qui vient d’arriver. Au moment où elle s’éloignait, Idrisse revenait avec deux coupes. Il va falloir que j’arrête de chercher Malick du regard et que je me concentre un peu plus à la soirée.
- Tu veux bien être ma cavalière remplaçante de dernière minute parce que si je reste seul, je vais recommencer à penser à elle et finir par l’appeler. Je le regarde une seconde. C’est peut-être ça, la solution. Idrisse est de très bonne compagnie et si je reste avec lui, pour moi aussi la tentation sera moindre.
- Pourquoi pas, lui répondis- je. Il me sourit à son tour et me tendit le bras que je pris avec hésitation. Est-ce une bonne idée, Malick est hyper jaloux de lui et je me demande d’ailleurs pourquoi. Quelques minutes plus tard, je me suis détendue, la soirée battait son plein. L’orchestre de Wally Seck était en train de mettre les gens en transe avec le rythme endiablé qu’il nous imposait. Malick est venu plusieurs fois sur la piste, deux fois avec sa femme et deux autres fois avec ses sœurs. Je n’ai pas aimé la façon dont sa femme se collait à lui pour danser, j’ai senti une jalousie naissante quand je les ai vu rire, s’enlacer et quand Malick lui a fait une bise, j’ai littérale eu un haut-le-cœur. C’est là que j’ai décidé d’arrêter de refuser les demandes d’Idrisse et je suis allée moi aussi sur la piste. J’ai dansé deux fois avec lui, une fois avec le mari de Suzanne que je trouve au passage très génial. Nous avons même dansé en groupe plusieurs fois et j’ai fini par me mettre dans le bain. Bref c’était sympa et je ne pensais pas m’amuser autant avec Malick, sa femme et sa famille dans les parages.
Le diner a été servi vers 23 heures et Malick en a profité pour faire un discours théâtral. Par deux fois, il a regardé vers ma direction et l’éclair de ses yeux ne présageait rien de bon. Le discours fini, nous nous attaquons délicieusement au repas. J’avais une faim de loup. Il ne restait que le dessert quand Suzanne me demande de l’accompagner aux toilettes. Dès qu’on a fermé la porte, elle m’a attaquée.
- A quoi tu joues Aicha, ce n’est pas bien de provoquer Malick ainsi. Tu as vu les regards qu’il t’a lancés quand il faisait son speech.
- On ne fait rien de mal, c’est juste un ami. Il s’amuse avec sa femme et moi je ne dois pas en faire pareil.
- Donc c’est ça, tu es jalouse.
- Non du tout, sauf que je le vois rire, dansé et moi je dois rester dans mon petit coin tranquille, dis-je en croisant mes bras sur ma poitrine.
- Aicha grandi un peu nak, tu l’envoies balader depuis des jours parce que monsieur ne respecte pas sa femme et maintenant tu es jalouse de son rapprochement avec elle. Ko yépe (tu te moques de qui là). Je ne dis rien sachant à quel point elle avait raison. Je ne sais vraiment pas ce que je veux moi. Ecoute Aicha, toi tu n’as jamais vu Malick en colère et celui que j’ai vu tout à l’heure est à bout. Alors arrête tes provocations sinon il ne va plus répondre de lui.
- D’accord, de toute façon, il est presque minuit. Après le dessert, je reste encore un peu et je prends congé.
- C’est mieux car…. La porte des toilettes s’ouvrent devant Malick et mon cœur fait un bond de deux mètres.
- Abi tu veux bien nous laisser, siffla-t-il entre les dents.
- Ce n’est ni l’occasion ni le moment Malick, je…
- Sors d’ici s’il te plait, dit- il calmement, trop calmement. Elle me regarde au coin, hausse les épaules et sort. Tapette, ai- je failli lui lancer mais je me tus quand je croise enfin le regard noir de Malick.
- Tu vas me frapper ? Il fronce les cils, comme il a l’habitude de le faire quand il est contrarié.
- J’ai plutôt envie de te donner une bonne fessée Aicha NDIAYE. A quoi tu joues exactement ? Car si c’est pour me rendre jaloux tu as réussi. Tout en parlant, il s’approche à pas félin de moi. Je lève la main pour l’inciter à s’arrêter mais au lieu de ça, il me prend brutalement le poignet et me tire vers lui.
- S’il te plaît Malick, arrête.
- Pourquoi murmure-t-il ? Son visage est toujours dur, colérique et ça le rend encore plus craquant. Qu’est-ce que je dis là, l’heure est fatidique. Je te jure que si je te vois encore danser avec cet homme, je t’étrangle. D’accord. Là, je ne joue plus aux dures, j’acquiesce juste de la tête. Je vois au ralenti sa main se lever et caressait mon épaule de la paume, ce qui me procure un grand frisson.
- S’il te plait Malick, ce n’est pas sûr, tu…
- Juste une minute, j’en ai besoin. S’il te plait dit- il en continuant sa caresse lancinante le long de mon bras. J’ai la chair de poule. Ces mains viennent se poser sur mes reins et d’une simple pression, il me colle à lui. Je ferme les yeux sans le faire exprès.
- Regarde-moi, murmure-t-il de sa voix rauque. Quand j’ose ouvrir les yeux, je suis frappée par l’intensité de son désir. Il regarde mes lèvres avant de poser tout doucement les tiennes, juste un petit effleurement, la sensation est grisante. Un véritable courant qui m’électrifie et me foudroie sur place. Son front contre le mien, nos regards se soudent, il resserre son étreinte et cette fois quand il repose ses douces lèvres sur moi, je m’abandonne vaincue. Il le sent et gémit sensuellement tandis que sa langue caresse la mienne. Son baiser est à la fois doux, chaud et extrêmement langoureux. Je fonds littéralement dans ses bras et le désir l’emporte sur la raison. J’en suis venue à oublier l’endroit où nous étions jusqu’à ce que j’entende la porte se refermer brutalement. Nous avons sursauté tous les deux et Malick a reculé.
- Prions que ça ne soit pas Abi.
- Je t’ai dit de ne pas me toucher. Tu n’en fais qu’à ta tête et moi…Je le vois s’approcher encore. Non non sors d’ici, criais-je. Il me regarde un instant et sort comme il était venu. Je reste encore une minute dans les toilettes à essayer de me recoiffer. Je prends un grand air avant de sortir. La musique a repris de plus belle donc je ne devrais pas m’en faire. Mais quand je suis entrée dans la salle presque tous les regards se sont braqués sur moi. J’ai essayé tant bien que mal de traverser sans tituber ni tomber. J’ai accéléré le pas et quand je me suis assise, Suzanne me regardait bizarrement.
- Viens, je vais te déposer. Si on reste une minute de plus, j’ai peur que la femme de Malick ne provoque un scandale, dit précipitamment Idrisse. Je ne sais quoi dire, je regarde juste Suzanne pour lui demander un avis muet.
- Vas-y, Malick comprendras. En plus il n’aurait jamais dû te rejoindre là-bas. Je ne comprenais rien mais je me suis exécutée et j’ai pris le bras qu’Idrisse me tendait. Mes jambes ne tenaient plus tellement je tremblais. J’ai encore traversé la salle, cette fois avec quelques murmures venant des tables. J’en ai entendu quelques bribes : quel toupet….c’est elle…voleuse d’homme…. sorcière. Quand j’ai enfin traversé la grande porte d’entrée, j’ai pris un grand air comme si je suffoquais.
- Mon Dieu qu’est- ce que j’ai raté Idrisse, dis- je les larmes aux yeux.
- Toi aussi, tu aurais dû sortir dès qu’il est entré dans les toilettes. Tout le monde connait votre relation dans l’entreprise alors c’était une évidence. Après une minute sa femme vous a rejoints et est revenue en pleurs. Tous dans la salle regardaient comme au cinéma ce qui allait se passer. Malick est revenu et a essayé d’amener sa femme pour lui parler. Elle l’a violement repoussé et si sa famille n’était pas intervenue, elle allait faire un grand scandale. Je me prends le visage. Oh la honte. Viens ma voiture est garée juste….
- Elle ne va nulle part avec toi Idrisse, cria Malick qui venait d’arriver.
- Pour un directeur qui prêche la droiture, tu n’as pas honte de revenir à la charge.
- De quoi je me mêle, quant à toi, je t’interdis de rentrer avec lui.
- Arrête tes enfantillages Malick et va désamorcer la bombe que tu as déclenchée. Idrisse m’enlace par le bras avant d’ajouter
- Oui c’est ça, tu…. Pan, je n’ai rien vu venir, Malick venait de donner un violent coup de poing à Idrisse qui s’est écroulé à plat ventre. Le reste se passe sans commentaire, un vrai combat de titan. On aurait dit qu’ils voulaient se tuer. J’ai crié comme une folle et les gens sont sortis pour les séparer. J’ai reculé au maximum et me suis adossée sur le capot d’une voiture, mes jambes ne tenaient plus. Tout mon corps tremblait d’effroi, je voulais juste disparaitre. C’est à cet instant qu’une vielle femme dans un grand boubou thioup vint vers moi pour me lancer haineusement :
- Vous ne serez jamais ma belle-fille. Est- ce bien clair ? C’était la mère de Malick.
- Pour rien au monde, on ne laissera une catin entrer dans notre noble famille dit une autre femme âgée à côté d’elle. Sûrement une des tantes de Malick que Suzanne m’avait montrée du doigt dans la soirée.
J’ai encore reculé et comme dans un cauchemar, je regarde la scène. Idrisse, se tient la mâchoire et Malick, mon Dieu, se débattait toujours avec trois hommes qui ont du mal à le retenir. Je n’aurai jamais cru qu’il pouvait être si violent et insensible. Je ne veux pas de cet homme dans ma vie, je ne veux être la cause de tant de souffrances, dis- je en regardant Abi pleurer comme une madeleine dans les bras de la sœur de son mari. Il fallait que tout cela finisse et je connaissais une solution radicale, quelque chose qui m’éloignerait à jamais de lui. Je me suis dirigeais vers Idrisse, j’ai posé mes deux petites mains entre ses joues et je lui ai donné une petite bise. Même lui était surpris, il a juste sourit en regardant derrière lui. Quand je me suis retournée, Malick ne se débattait plus et la douleur sur son visage était indescriptible. Je regrette déjà mon geste mais c’est trop tard. Idrisse m’enlace par la taille et nous partons.
Je ne me suis pas retournée et dès que la voiture a démarré, j’ai fondu en larmes. J’ai si mal, mon Dieu. Tin tinte, un message, je sors mon portable de mon sac en tremblant.
‘Tu as gagné Aicha, nous deux c’est fini’, Malick.
A lire tous les lundis…
Par Madame Ndèye Marème DIOP
Chronique précédente, cliquez ICI