CHRONIQUE DE WATHIE
Ceux qui écoutaient l’émission Priorité Santé de ce jeudi 6 octobre sur RFI ont, probablement, éloigné les moins de dix-huit ans qui se trouvaient à leurs côtés ou mis des écouteurs, à défaut de changer de fréquence. Intitulée : Les caresses et préliminaires, ladite émission, animée par Claire Hédon, était assurément pornographique. Aux côtés du Dr Catherine Solano, l’animatrice s’est longuement épanchée sur le «rôle des caresses et préliminaires dans la sexualité». Pour ne pas attirer l’attention et risquer une mise en demeure du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), il n’est pas recommandé de reprendre, ici, les sujets qui ont été abordés. Encore moins les interventions des auditeurs qui ont été nombreux à appeler de partout pour soit poser une question soit témoigner par rapport à telle ou telle pratique. Et le tout, à une heure de grande écoute.
Il n’est pas question de faire le procès de Radio France internationale (RFI), en rappelant que son ancêtre s’appelait Le Poste colonial. Il n’est pas besoin de dire qu’elle est financée par le ministère français des Affaires étrangères et par une taxe prélevée auprès d’auditeurs qui ne l’écoutent pas. Le problème avec cette dernière émission, qui soit dit en passant aborde souvent des sujets assez instructifs, c’est pourquoi elle n’a pas intéressé le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA). Ce n’est pas parce qu’elle est en français qu’elle ne doit pas intéresser le président Babacar TOURE et ses collègues. Pour la comprendre, avec ces auditeurs qui ont posé des questions d’une banalité déconcertante, il n’est guère nécessaire d’être un véritable francophile. Au contraire, des mots, du genre cunnilingus, ont été explicités, décortiqués puis banalisés au cours de l’émission.
Le CNRA est d’autant plus interpellé qu’il s’est attaqué à de nombreux médias qui ont eu le malheur de laisser passer certains mots et/ou images. Des télés et des radios, qui ne couvrent pas, comme RFI, tout le territoire sénégalais, ont été réprimandées et sanctionnées. Le premier numéro de l’émission Kawtef de la SEN TV a été violemment accueilli par l’autorité de régulation. «Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel, se fondant sur les attributions que lui confère la loi, a adressé ce jour une mise en demeure à la chaine de télévision pour l’enjoindre de cesser immédiatement la diffusion de cette production audiovisuelle et de s’abstenir de toute rediffusion du numéro déjà passé sur ses antennes. Le non-respect de cette mise en demeure expose le titulaire de l’autorisation de diffusion de programmes de télévision à des sanctions pouvant aller jusqu’au retrait pur et simple de la licence de diffusion », avait réagi Babacar TOURE. Ce dernier et ses collègues trouvaient que « dans cette production audiovisuelle, des individus se présentent sur le plateau, devant un public, pour étaler des pans de leur vie privée faits de trahison, de chantage, d’adultère et de vices, aux antipodes des valeurs fondatrices de notre société. L’émission a été, tout au long, de la présentation des faits jusqu’aux interventions du public, marquée par des paroles obscènes, des injures, des insultes et des scènes de violence». Bien avant Kawtef, c’était la même mise en garde, avec le téléfilm « Rendez-vous» qui avait valu à la RTS une mise en demeure. Il est vrai que ces émissions mises en cause ne sont pas exemptes de reproches, mais, pour d’autres beaucoup plus glamours, le CNRA s’est voulu aussi intransigeant. Allant même jusqu’à coller une amende à des groupes de presse qui ont laissé passer tel ou tel passage jugé obscène ou agressif. «C’est dans ce contexte, que le CNRA a relevé dans la diffusion en direct, ce jeudi 24 décembre 2015, d’une déclaration aux antipodes de ces prières collectives », reprochait-il Serigne Moustapha SY. Pour l’autorité de régulation, ce dernier « recevant des « nouveaux convertis à l’Islam », a eu des propos pouvant donner lieu à une mauvaise interprétation, alors que sa religion recommande respect aux « Gens du Livre».
Et pour le CNRA qui recommande souvent «la sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence dans le contenu de certains programmes », il aurait dû être question de cette émission de Claire Hédon qui a réellement fait la promotion des relations sexuelles extraconjugales. RFI ne peut pas échapper à l’autorité de régulation, d’autant plus que des statistiques renseignent qu’elle fait partie des radios les plus écoutées au Sénégal. Dans des pays comme le Maroc, même une bonne connexion internet ne permet pas d’avoir partout RFI. Le CNRA peut-il continuer à censurer des médias sénégalais tout en laissant RFI diffuser impunément des émissions XXL ne collant guère aux réalités sociales ?
Par Mame Birame WATHIE
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