Face aux violences répétitives pendant la sortie du Kankourang à Mbour, le préfet du département a pris les devants en interdisant toute manifestation sur la voie publique et ouvrant une enquête pour situer les responsabilités.
Le préfet de Mbour, Saer Ndao, a pris hier un nouvel arrêté n°16-595/Dmb/P/Sp en date du 26 septembre 2016 interdisant la sortie sur la voie publique du Kankourang. «A compter du lundi 26 septembre, la sortie du Kankourang et toutes autres manifestations y afférentes, sont désormais formellement interdites sur la voie publique, tous les lieux et espaces publics du département de Mbour pour trouble à l’ordre public», mentionne-t-on dans cet arrêté préfectoral. Cette décision fait suite aux violences enregistrées dimanche entre les deux parties membres de la collectivité mandingue de Mbour qui se sont violemment affrontées, occasionnant une quinzaine de blessés graves. Le septembre mandingue de Mbour de cette année vire à la violence devant ces actes violents répétitifs.
Très en colère sur ces incidents, le préfet de Mbour les qualifie «d’actes d’indiscipline et de vandalisme» perpétrés par «des jeunes qu’on dit appartenir à la collectivité mandingue». Pour M. Ndao, la collectivité mandingue n’est pas exempte de reproches. «C’est elle (collectivité mandingue : Ndlr) qui a déposé la demande d’autorisation pour organiser le Kankourang, donc c’est à la communauté de s’occuper de tous les aspects sécuritaires. Ceux qui ont perpétré ces actes sont des ‘Selbés’ (accompagnants des circoncis) qui sont venus des ‘Leuls’ (lieu de regroupement des circoncis). A partir de ce moment, l’acte de violence est imputable à la collectivité mandingue», martèle le préfet de Mbour. L’autorité administrative du département a promis de faire la lumière sur ces incidents et soutient que leurs auteurs seront traduits devant la justice. «A chaque fois qu’il y a eu des actes de ce genre, il y a une enquête qui est ouverte. Ceux qui ont perpétré ces violences, nous nous chargeront d’établir la vérité des choses», fait savoir le préfet Saer Ndao. C’est la deuxième fois en un mois que la communauté mandingue s’affronte. Au début du mois, la bataille s’est soldée par quatre blessés et deux arrestations.
Ces violences notées cette année sont l’œuvre des deux camps de la collectivité mandingue qui s’affrontent. Elle peine à tenir à l’unisson la cérémonie traditionnelle de circoncision rythmée par la sortie du kankourang. Les divergences au sein de la communauté sont apparues depuis l’année dernière. Car une frange des Mandingues de Mbour réclame la paternité du Kankourang et interdit les dissidents dirigés par le vieux Dioudiou Cissé Counda de sortir leur Kankourang au même moment. Ce qui n’est pas du goût du reste de la collectivité mandingue. Ce désaccord avait failli tourner au drame l’année dernière. Pour Dioudiou Cissé Counda, «la question sur l’ancienneté dans la ville est un faux débat. On ne peut plus être étranger dans une ville où sont nés ses enfants et petits-enfants puisqu’on s’y est installé avant leur naissance».
Le préfet de Mbour, Saer Ndao avait interdit la sortie du kankourang et autres activités afférentes sur les voies publiques dans la commune dès le début de ce mois. Mais la mesure avait été levée après des discussions entre les deux camps. Un terrain d’entente avait été trouvé, car le camp de Dioudiou Cissé Counda était autorisé à organiser son Leul sans sortir son Kankourang. Il devait attendre l’année prochaine. L’autre camp qui avait droit de sillonner les artères publiques avec son Kankourang devrait en faire profiter à la partie dissidente. Ce protocole d’accord convenu n’a pas été respecté malgré les interventions du ministre de la Culture et de la Communication, du conseil départemental de Mbour et des bonnes volontés de la localité.
La communauté mandingue de Mbour dépositaire de cette coutume, classée en 2005, patrimoine immatériel de l’humanité, par l’Unesco, marche sur les pas de Ziguinchor. Parce que depuis 2015, un arrêté préfectoral prive les Ziguinchorois de la sortie du Kankourang, génie protecteur, symbole d’une expression culturelle.
El Hadji Alassane DIALLO (Correspondance)