CHRONIQUE DE WATHIE
La prochaine élection présidentielle française est officiellement calée pour les 23 avril et 7 mai 2017. Pour de nombreux Français, le duo François Hollande/Manuel Valls vit ses dernières heures aux commandes. A l’instar de Nicolas Sarkozy qu’il a battu, Hollande est parti pour s’en aller après un mandat. Si l’on en croit aux sondages dont les résultats désastreux pour eux se succèdent, le chef de l’Etat français pourrait même ne pas se qualifier au second tour de ladite présidentielle. Le 14 septembre dernier, un sondage Ipsos pour «Le Point» renseignait que : « interrogés sur l’action du Président de la République, 15% des sondés se disent satisfaits, soit une baisse de 3 points par rapport au mois d’août. Le Premier ministre enregistre de son côté la même baisse, avec 23% de satisfaits contre 26% le mois dernier ». Une guigne qui a accompagné le président français depuis son élection à la tête de l’Etat, contaminant Manuel Valls qui s’en sortait pourtant plutôt bien en tant que ministre de l’Intérieur.
C’est cette France renfrognée, rabat-joie que Manuels Valls a quitté pour le Sénégal, jamais dépourvu d’une dose d’affection. Pour grandement profiter de la terranga sénégalaise, Manuel engage une valse. Et c’est l’égo des Africains qu’il va fouetter pour davantage faire parler de sa visite. «La France et le Sénégal, c’est 350 années d’histoire commune, une relation unique. Heureux d’être à Dakar ce soir», tweete le chef du gouvernement français qui s’apprêtait à fouler le sol dakarois. Ces quelques mots ont suffi à enflammer la twittosphère. A juste titre. Valls assimile-t-il son manuel ou le fait-il express ? Sinon, entre la France et le Sénégal, c’est plus de 350 ans d’histoire. A moins qu’on ne veuille en tronquer une bonne partie. Même l’adjectif «commune » est à remettre en cause. L’expression «400 ans de domination » ne serait-elle pas plus appropriée et plus proche de la réalité ?
Mais, ce n’est pas méchant. Le natif de la Catalogne va se rattraper. Pour une venue annoncée par les autorités sénégalaises comme une visite de travail, le Premier ministre, consacre la première des deux journées de son séjour à ses compatriotes établis au Sénégal qui accueille la plus importante communauté française d’Afrique subsaharienne. «Les entreprises françaises sont présentes ici, rien n’est jamais acquis. Vous subissez la concurrence des pays émergents mais aussi des pays de l’Europe, sachez que tout le dispositif public français est là pour vous épauler, pour appuyer vos projets», déclare monsieur Manuel. Ça aurait pu faire tiquer les opérateurs privés sénégalais qui se plaignent déjà des longs et efficaces tentacules de la France qui harponne l’économie sénégalaise. Mais monsieur Valls va ajouter : «Je crois profondément que l’homme africain est entré dans l’histoire et que notre avenir se joue ici ensemble». L’homme africain et la porte de l’histoire, voilà une relation qui ne peut passer en sourdine. Lancée par Sarkozy, la recherche de la porte de l’histoire intéresse moins Manuel que l’élection présidentielle qui se dessine en Hexagone. Le prédécesseur de François Hollande avait déclaré, au cœur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar que : «Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès ». En prenant son contrepied, l’actuel locataire de Matignon prolonge la confrontation politique opposant son camp à celui de l’ancien chef de l’Etat français et qui fait rage en France. Et, c’est là tout le sens de son déplacement. Accompagné par Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, d’André Vallini, Secrétaire d’Etat chargé du développement et de la Francophonie et de Martine Pinville, Secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Economie sociale et solidaire, Manuel Valls n’est pas venu à Dakar en homme d’Etat mais plutôt en homme politique. Le président Sall n’a pas eu tort de se faire discret. Les primaires à Gauche et sous son sillage la présidentielle préoccupent Valls plus que des accords de partenariat. Les nombreux entrepreneurs français, qui accompagnent souvent le président ou le Premier ministre, n’ont pas été du voyage. A défaut de gagner des points aux prochains sondages, Valls pourrait bien gagner beaucoup des nombreuses voix de Français établis au Sénégal et qui avaient vigoureusement déploré la sortie de Sarko. Et pour une rare fois, une si haute autorité française va se déplacer au Sénégal, sans qu’il ne soit forcément question de dynamiser la Françafrique.
Par Mame Birame WATHIE
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