Cinq tours d’horloge. Telle est la durée de la mutinerie qui a frappé la prison de Rebeuss, hier. C’est à 11 heures que les premiers échos échappent de la prison centrale de Dakar. La curiosité des uns et des autres est attirée par les coups de feu tirés par les gardes pénitentiaires. Les détonations sont audibles partout aux abords du pénitencier. Les informations se relaient d’une seconde à une autre. Contrairement au calme plat qui règle à l’extérieur, l’intérieur de la prison est sous haute tension. Une heure plus tard, le véhicule de la police pointe devant la porte de la prison : les soupçons commentent à devenir une réalité. Des rumeurs persistantes font état de plusieurs personnes tombées sous les balles des gardes. Et l’arrivée des sapeurs-pompiers vient transformer la rumeur en information. De même que le déplacement d’une délégation de la préfecture de Dakar, et aussi d’un détachement du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (Gign), appelé en renfort. Sur ces entrefaites, un détenu qui vient d’être libéré se pointe. Il vend la mèche : «Les détenus ont tenté de forcer le barrage, ce matin. Des heurts ont éclaté entre forces de l’ordre et prisonniers. Des coups de sommation ont été tirés et des gaz lacrymogènes lancés pour essayer de contenir les prisonniers. Des blessés ont eu de part et d’autre». Soumis au feu roulant, il lâche : «Le mouvement d’humeur s’est déclenché ce matin, à l’heure du petit déjeuner, après que les prisonniers aient refusé de rejoindre leurs cellules. Des heurts ont éclaté entre prisonniers et forces de l’ordre. Des coups de feu ont été tirés pour contenir le mouvement de foule».
L’Administration pénitentiaire annonce un bilan officiel d’un mort et de 41 blessés des deux côtés. Mais ces chiffres sont battus en brèche par plusieurs détenus ayant joint votre serviteur, par téléphone portable. «Il faut que la presse vienne car cinq détenus touchés par balles sont tombés et ils sont restés inertes», crie un pensionnaire de Rebeuss. Son compagnon d’infortune renchérit : «Au moins 25 détenus sont blessés et les gardes continuent de tirer». Quelques minutes plus tard, le bilan grimpe à sept détenus. Dans la foulée, les noms des prisonniers blessés circulent : Moustapha Sow, Ibou le fou, Lazarre, Diamakoune Sow, Abou Wade, Bathie Keur Massar, Maurice (touché à la main). Un mineur de 17 ans est aussi annoncé sur la liste des victimes. Cela se déroule entre 11 et 12 heures 30. Du côté des gardes, un nom revient sur la bouche de plusieurs détenus : chef Malang. Toujours au chapitre des affrontements entre détenus et gardes, un membre de l’Association pour le soutien et la réinsertion des détenus (Asred), présent sur les lieux depuis le matin, mentionne dans son rapport qu’un détenu a été blessé par gaz lacrymogène tiré sur la jambe. Et qu’un autre a été touché au niveau de la tête. «Il n’est ni concevable, ni acceptable qu’un détenu soit maltraité en prison car dans ce pays les droits les plus élémentaires sont bafoués», regrette-t-il.
Sur les terrasses des maisons situées à proximité de la prison, on aperçoit, de loin, des agents encagoulés mobilisés sur la terrasse de la prison : ce sont les Eléments pénitentiaires d’intervention (Epi), habillés en couleur noire, qui tirent les gaz lacrymogènes. Ce sont des Epi, le corps d’élite de l’Administration pénitentiaire, à l’image de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) de la Police ou encore du Gign de la gendarmerie. Ce corps d’élite de l’Administration pénitentiaire est spécialisé dans les interventions au sein des établissements pénitentiaires ainsi que dans l’extraction de détenus réputés dangereux. Et la mutinerie prend fin, vers 14 heures, avec l’intervention des forces de l’ordre. Pour l’heure, l’identité des tueurs n’est pas encore dévoilée par la tutelle.
WALF