Selon plusieurs fins analystes – qui préfèrent prévenir que guérir – un footballeur européen sur deux serait ruiné une fois à la retraite. La malédiction du ballon rond ne serait donc pas un simple mythe de vestiaire. Mauvais placements, dépenses excessives, entourage vénal, etc : comment ces légendes du gazon ont fini sur la paille ?
Sans un (ballon) rond : Comment ? Pourquoi ?
Retrouvé dans la rue, littéralement mort de froid, le matin du 18 janvier 2016, Joachim Fernandez, seul et abandonné, était pourtant loin d’être un anonyme. Il avait participé à la belle épopée des Girondins de Bordeaux en 1996 et avait mené son équipe jusqu’à la coupe de l’UEFA. Puis il avait signé à Caen, Toulouse, Milan (sans jamais y jouer un seul match) puis à Dundee United en Écosse. Son parcours de jeune footballeur prometteur était certes chaotique, mais rien ne le prédestinait à mourir prématurément, ruiné et sans domicile. Mais c’est un fait, beaucoup de footballeurs professionnels – et même les meilleurs – finissent complètement fauchés. Selon les dernières études de l’association britannique Xpro – qui vient justement en aide aux joueurs irlandais et anglais qui sont dans le besoin – trois footballeurs sur cinq se retrouvent sans un sou en poche, cinq ans à peine après l’arrêt de leur carrière.
Ils auraient pourtant tout pour réussir et pour vivre heureux jusqu’à la fin de leurs jours… Mais dans la spirale infernale d’une carrière de jeunesse souvent très courte, ils se laissent trop facilement piéger. Selon Franck Hocquemiller – fondateur de la société VIP Consulting qui s’occupe de l’image et de la communication de nombreux sportifs – trois raisons sont en cause dans la plupart de ces destins tragiques : la jeunesse, un mauvais encadrement de la part des centres de formation et l’entourage (la famille ou les conseillers).
Celui qui aura la plus grosse
Alors qu’ils sortent à peine de l’adolescence, les joueurs les plus talentueux sont propulsés sur le devant du stade. Achetés et revendus par des clubs friqués au fil de leurs victoires, ils cumulent rapidement les dollars : de quoi leur faire tourner la tête. D’autant plus qu’ils sont souvent d’origine modeste. Des gamins de banlieues qui, du jour au lendemain, ont les moyens de se chausser en Berluti et de rouler en Ferrari. Cette voiture de sports dont ils avaient toujours rêvé – eux qui roulaient en Clio encore quelques mois plus tôt – et qu’ils arrivent à s’offrir dès leur premier salaire. Leur deuxième (grosse) dépense de nouveau riche sera très certainement un rallongement du pénis. « Ils y passent tous », nous confie Mathieu Le Maux, journaliste sportif au magazine GQ. Puis plus rien ne les arrête, l’argent leur brûle les doigts : « on leur donne 1000 euros, ils en dépensent 1500. On leur donne 10 000, ils en dépensent 15 000, etc », raconte Philippe Flavier, agent de footballeurs qui a travaillé avec les plus grands noms (Emmanuel Petit, Franck Lebœuf,…).
C’est souvent pour leur(s) femme(s) qu’ils dépensent sans compter. Car le footballeur lambda a plus d’une prétendante et toutes sont très demandeuses en cadeaux, bijoux et vêtements de créateurs.… Seul le bien connu Zinedine Zidane a la chance d’avoir une épouse discrète – Véronique – qui gère ses gros sous avec parcimonie et d’une main de maître. Serait-ce là le secret de la longévité de Zizou?
La curée
Plus que la simple épouse vénale, c’est parfois la famille toute entière qui profite de cette réussite pécuniaire. Le footballeur millionnaire semble en effet mal éclairé pour savoir bien s’entourer. À 18 ans, lorsqu’il sort du centre de formation qui le protégeait jusqu’alors, le jeune joueur a été préparé à affronter tous les plus redoutables adversaires sur le terrain… mais rarement les banquiers. « C’est assez violent pour eux. Ils n’ont pas été vraiment préparés à gérer leur argent, et encore moins de telles sommes », déplore Philippe Flavier. Puis parfois, ils s’entourent d’agents malavisés qui n’ont pas beaucoup plus de compétences pour savoir que faire de ces grosses fortunes. Gagnant des millions (en moyenne 45 000 euros par mois pour un joueur de Ligue 1), le footballeur consciencieux aurait pourtant les moyens de vivre dans le luxe tout en se créant un compte épargne retraite des plus corrects. Mais il oublie souvent de regarder vers l’avenir. « Quand ils ont 25 ans, ils refusent trop souvent de penser à la reconversion, alors qu’il serait temps », explique Franck Hocquemiller. Selon Philippe Flavier, il n’est pas normal qu’un joueur qui a touché un salaire plus que conséquent durant quasiment quinze ans « finisse avec rien quand il arrive à la retraite ».
Que les grandes stars actuelles du gazon se le tiennent pour dit : le destin tragique de ces huit légendes du ballon rond devrait, une bonne fois pour toute, leur faire retenir la leçon.
Vanityfair