Face au régime du président Macky Sall, l’opposition a réussi à mettre en place une nouvelle structure mais est loin de pouvoir se gargariser d’une unité. Entre ses leaders qui, pour certains, se sont estropiés avant que Macky Sall ne soit élu à la tête de l’Etat, le Front pour la défense du Sénégal Manko Wattu Senegaal pourrait ne pas suffire à évacuer toutes les rancœurs.
L’arrivée de Macky Sall à la tête de l’Etat a totalement chamboulé l’espace politique sénégalais. Le libéral, que Maître Wade a façonné, est au pouvoir et à ses côtés, socialistes, communistes et trotskystes tiennent boutiques. A la tête de l’Assemblée nationale, Moustapha Niass a mis sa carrière politique entre parenthèses et l’Alliance des forces de progrès au service exclusif de la réélection de Macky Sall. Pressenti pour présider le Haut conseil des collectivités territoriales, Ousmane Tanor Dieng risque d’inscrire le Parti socialiste dans la même dynamique. Pendant ce temps, Macky Sall, qui a donné un sacré coup de pouce à la candidature d’Abdoulaye Bathily à la présidence de la Commission de l’Union africaine, a presque mis la Ld dans sa poche après avoir réussi à amadouer Amath Dansokho qui, malgré sa canne, siège au gouvernement.
Toutefois, ce n’est pas seulement le pouvoir qui brille par son hétérogénéité. Quelques années de gestion du pouvoir ont eu raison du compagnonnage entre Macky Sall et beaucoup de leaders qui s’étaient opposés au régime de Me Abdoulaye Wade. Cheikh Bamba Dièye, Me Doudou Ndoye, Idrissa Seck et Ibrahima Fall dans une moindre mesure, ont très vite pris leurs distances avec le président, si celui-ci ne s’est pas débarrassé d’eux. Ces candidats qui avaient soutenu Macky Sall à la présidentielle de 2012 contre Me Wade, s’étant retrouvés dans l’autre camp y ont trouvé le Parti démocratique sénégalais et ses démembrements. Sitôt le pouvoir perdu, Abdoulaye Baldé fondait l’Union des centristes du Sénégal (UCS), quand Pape Moustapha Diop montait la Convergence démocratique CD/ Bokk Giss-Giss. Modou Diagne Fada, Souleymane Ndéné Ndiaye et Aliou Sow feront la même chose quelque temps plus tard. Comme au lendemain de la défaite du président Diouf, de nombreux socialistes avaient quitté le Ps pour ériger leur propre chapelle politique. Mais, contrairement à Abdoulaye Makhtar Diop, Robert Sagna, Abdourahim Agne et autres qui avaient déserté le Ps en affichant leur ferme opposition à Ousmane Tanor Dieng, pour ces libéraux, Maître Wade demeure le leader incontesté, le patriarche, le mentor qu’ils continuent à vanter.
Cette configuration de l’espace politique est loin d’incommoder le président Macky Sall qui, en enrôlant les forces de gauche, n’a pas oublié de faire de certaines figures de la société civile, parmi les plus influentes et les plus bavardes du temps de Me Wade, ses plus proches collaborateurs. Dans l’autre camp, Me Wade qui avait réussi, tout seul, à incarner l’opposition avec l’affaire Karim Wade, en créant, avec Mamadou Diop Decroix, le Front patriotique pour la défense de République (Fpdr) a quelque peu miné l’opposition en rendant le Pds incontournable. Ainsi, tous ceux que le régime de Macky Sall mécontente, vont se jeter dans les bras des libéraux pour espérer mettre en place une opposition à même d’inquiéter le régime en place. L’exemple le plus patent demeure Cheikh Bamba Dièye. Le leader du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël (Fsd-Bj) s’était enchaîné aux grilles de l’Assemblée nationale en 2011 pour protester contre le fameux projet de loi de fin de mandat de Me Wade. Avec l’élection de Macky Sall, il est nommé ministre. Mais, entre le marteau d’Ameth Fall Braya et l’enclume de Mansour Faye, l’ancien candidat malheureux à la dernière présidentielle n’en a vu que du feu. Laminé aux élections locales de juin 2014, son fauteuil de maire récupéré, Bamba Dieye n’avait plus que le maquis à prendre. Ne pouvant rien seul, il va s’allier aux députés qui l’avaient incité à se ligoter. Ensemble, ils créent le «Grand cadre de l’opposition». Ainsi, de structure en structure, les opposants au régime de Macky Sall dont la liste s’allonge au fur et à mesure, vont être accueillis par le Pds et/ou ses démembrements. Leur dernière trouvaille, le Front pour la défense du Sénégal Manko Wattu Senegaal, n’échappe pas à cette donne.
Qui conjecturait 50 ans de libéralisme ?
Mame Birame WATHIE