Révolte silencieuse à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Plus de mille sept cents détenus ont entamé une grève de la faim, depuis hier. Les pensionnaires des chambres surpeuplées figurent en grand nombre sur la liste des grévistes. Rien qu’à la cellule 3, 250 détenus ont suivi le mot d’ordre, contre 247 pour la cellule 4. D’autres prisonniers répartis dans les chambres 9, 10, 47, entre autres, se sont joints au combat. Même les mineurs, qui occupent la chambre 11, sont dans le lot. Ces derniers y sont incarcérés depuis que la Maison d’arrêt et de correction de Hann (ex-fort B) a dépassé sa capacité d’accueil qui est de 80 places.
Seuls les «détenus condamnés à de courtes peines, ceux qui doivent comparaître en flagrant délit et les appelants» font exception à cette grève de la faim. Selon les informations de Walf Quotidien, la principale raison de cette situation est la décision de la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) de muter les occupants du secteur 5, dans les chambres 9 et 10. Les victimes de cette décision de la tutelle, prise le jour de la Tabaski, n’ont pas apprécié cette mesure qui les astreints à subir de «mauvaises conditions» de séjour carcéral. Cette frustration, sur fond de colère généralisée, a accentué la pression.
Selon des confidences de certains détenus, ces derniers protestent contre leurs «mauvaises conditions de détention». Il s’agit notamment du surpeuplement conjugué à la mauvaise alimentation et au manque d’eau, dans certaines cellules. Dans la foulée, un mouvement dénommé boumou jaam est mis sur pied. Autre raison, ce sont les longues détentions avant jugement qui frappent la plupart d’entre eux qui viennent de boucler sept, huit, neuf voire dix ans de détention préventive. La grève de la faim est aussi pour protester contre le transfèrement de trois détenus présentés comme des instigateurs de ce mouvement. Il s’agit de Baye Diallo, Amadou Sy et Ibrahima Ndao, mutés à la Maison d’arrêt et de correction de Thiès depuis hier, après cinq ans de détention sans procès. Les promesses non tenues de la Chancellerie ont aussi favorisé la radicalisation de ces détenus, à savoir : un «jugement dans les délais raisonnables», la «tenue permanente de la Chambre criminelle», entre autres.
Amputations, tortures, surpeuplement…
L’amputation de bras de deux détenus exaspère la situation. Suite à une piqure ratée étant l’œuvre des agents de l’infirmerie, Cheikh Tidiane Diop, placé sous mandat de dépôt depuis le 25 juillet dernier, a vu son bras droit amputé par le médecin. Un autre camarade d’infortune a vu son pied coupé, pour les mêmes raisons. Les cas de tortures ayant libre cours au sein de ce pénitencier ne sont pas aussi du goût des prisonniers qui s’en s’offusquent. S’y ajoute le cas des mineurs et des déficients mentaux. Cette grève de la faim des détenus de Rebeuss a occasionné, hier, la suspension de toutes les visites qui ont lieu les mardi, jeudi et vendredi. Mais également l’entrée des repas dans l’établissement pénitentiaire. «Il sera ainsi jusqu’à nouvel ordre», selon un agent de la prison. De leur côté, les détenus comptent maintenir le mot d’ordre jusqu’à satisfaction totale de leurs doléances. Ils promettent de passer à la vitesse supérieure en brûlant les matelas, au dernier jour de cette grève de trois jours qui a débuté hier.
Classée prison la plus peuplée du Sénégal, la Maison d’arrêt de Rebeuss, construite en 1929, a une capacité d’accueil de 600 détenus. Aujourd’hui, elle est élargie à 1 600 places, avec la construction de nouvelles cellules, mais ce nombre est en passe de tripler, car l’effectif de ce pénitencier avoisine les 3 000 pensionnaires, surveillés par seulement 30 gardes pénitentiaires.
Pape NDIAYE (Walf Quotidien)