L’Etat du Sénégal montre une nouvelle fois sa générosité envers certaines entreprises. Ayant écopé d’une amende de 13,9 milliards en juillet dernier, Sonatel, filiale sénégalaise de France Télécom, a vu sa sanction réduite à 1,5 milliard à la suite d’un recours gracieux. Une générosité qui aura coûté 12,4 milliards à l’Etat.
Près de 13 milliards de moins pour l’Etat du Sénégal. Alors qu’on n’a pas fini d’épiloguer sur les 50 milliards de remises gracieuses accordées à des entreprises étrangères, l’Etat du Sénégal récidive. Elle a encore fait preuve d’une générosité suspecte envers la Société nationale des télécommunications (Sonatel), opérateur historique de télécommunication du Sénégal. En effet, après avoir infligé à la filiale sénégalaise de France Télécom une pénalité de 13,9 milliards de francs Cfa en juillet dernier pour violation du droit à l’information des consommateurs, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) a drastiquement revu la sanction pécuniaire à la baisse suite à un recours gracieux de l’opérateur. Lequel a récolté en 2015 pas moins de 221 milliards en termes de bénéfice, même si 60 % viennent de ses filiales, notamment au Mali, en Guinée et en Guinée-Bissau. L’Etat perd ainsi l’occasion de tirer des revenus additionnels dans ce contexte de morosité économique. Surtout au regard des arguments assez légers brandis par le régulateur pour justifier cette énième générosité envers Sonatel, également citée en début d’année par le Syndicat autonome des agents des impôts et domaines (Syad) dans une affaire d’amnistie fiscale accordée à un certain nombre d’entreprises accusées de fraudes fiscales. Elle avait bénéficié, selon ledit syndicat, d’une remise gracieuse de 3 milliards en 2015, même si elle l’avait démentie dans un communiqué. Cela, compte non tenu du faible montant déboursé, 32 milliards, pour l’acquisition de la licence 4G ou, pire, des 68 milliards pour renouvellement de sa concession qui expire l’année prochaine et qui normalement vaut de l’or.
Considérant que le respect par Sonatel des dispositions du décret 2014-770 du 14 juin 2014 précisant certaines obligations quant au droit à l’information des consommateurs, sur le fondement duquel la pénalité lui a été infligée «est devenu effectif», l’Artp a jugé fallacieusement de «réduire le montant de celle-ci». Elle estime que «de réelles difficultés techniques de mise en œuvre des dispositions du décret ont pu au moins en partie, justifier le retard accusé». Ainsi, de 13,9 milliards de francs Cfa, la sanction s’est fondue comme du beurre au soleil pour atteindre le montant dérisoire de 1,5 milliard. L’Artp considère dans sa note qu’à l’appui de son recours, Sonatel fait valoir que depuis le 26 janvier 2016, elle s’est entièrement conformée à toutes les dispositions dudit décret. Mais elle estime que cette mise en conformité aux dispositions du décret susvisé est intervenue tardivement, après seulement son audition par le Collège. Le régulateur, qui soutient que les nombreuses mises en demeure ainsi que la notification de griefs qui lui ont été faites sont toujours restées sans effet, a confirmé la responsabilité de la Sonatel et refuse d’effacer les manquements relevés.
Seyni DIOP