Jetant un regard critique sur l’actualité nationale, l’Imam Babacar Ndiour de la grande mosquée de Moussanté de Thiès a fustigé le manque de transparence dans certains dossiers où des milliards sont en jeu.
Selon lui, dès que les organes chargés de veiller à la transparence découvrent des manquements ou des entorses à la gestion des affaires du pays, la première réaction est de brandir l’obligation de réserve sans jamais se poser la question de la véracité des faits ou en apporter le démenti avec des preuves à l’appui.
A l’instar de toutes les communautés musulmanes du pays, celle de Thiès a communié dans la ferveur religieuse et célébré lundi dernier la fête de Tabaski ou Aid El Kébir commémorant le sacrifice d’Abraham. A la grande Mosquée de Moussanté, les fidèles ont convergé dès les premières heures de la matinée pour prendre part à la traditionnelle prière des deux rakaa conduite par l’Imam Babacar Ndiour. Une prière après laquelle l’Imam s’est longuement adressé à la foule pour délivrer son sermon. Un sermon qui lui a permis de jeter un regard critique sur l’actualité nationale avant de rappeler les croyants à un retour aux valeurs morales et à l’éthique tels qu’édictées par l’Islam. Des valeurs et une éthique qui doivent, selon lui, guider nos actes de tous les jours et régenter la vie de toute société qui aspire à un meilleur devenir dans la droiture et la justice. Car, dit-il, «la vérité est que toute société qui dévie de son orbite naturelle et vie dans la décadence, le désordre, le vol, la corruption, la gabegie, le mensonge, la perfidie et la roublardise n’acceptera pas la justice comme système régnant et ne pourra jamais être authentique». Et l’Imam de poursuivre pour dire, en des termes aux sonorités d’avertissement, que «le sort final d’une société qui ne mettrait pas en avant les valeurs morales et éthiques au premier rang et en combattrait même les principes ne saurait être que l’anéantissement, la perdition et la ruine».
Aussi l’Imam Babacar Ndiour de se désoler de ce que, dans un pays à forte majorité musulmane comme le nôtre, des pratiques qui vont en contre sens de la morale et de l’éthique puissent être promues voire même érigées en règle de conduite. «L’amer constat est que seuls la corruption et les détournements à petite échelle sont vilipendés et réprimandés. Mais dès que cette corruption ou ce détournement tourne autour de milliards de francs, personne n’a le droit d’en parler. Quand l’Ofnac dans sa mission découvre des cas d’entorse et les signale à l’autorité, on les étouffe avant de se débarrasser de ceux qui en ont fait la découverte. Quand la Cour des comptes parle de manquements dans la gestion des affaires du pays, cela s’arrête aux rapports. Quant à la Cour de répression de l’enrichissement illicite, n’en parlons pas. En somme, dès que les organes qui sont chargés de veiller à la transparence découvrent des manquements ou des entorses à la gestion des affaires du pays, la première réaction est de brandir l’obligation de réserve pour ensuite se demander pourquoi ils en parlent sans jamais se poser la question de la véracité des faits ou en apporter le démenti avec des preuves à l’appui», dénonce l’Imam Ndiour. Et c’est pourquoi, dit-il, il est fréquent de voir quelqu’un à qui on confie des responsabilités dilapider sans coup férir les fonds de la société impunément au nom de la politique pour ensuite se retrouver renforcé, voire même promu. Aussi l’Imam de se poser la question de savoir si, dans ce pays, le contribuable n’a pas le droit de savoir comment ses biens sont gérés.
Jeunesse laissée à elle-même
L’adresse de l’Imam est aussi allée à l’endroit de la jeunesse. Une jeunesse qu’il dit en proie à des vices multiformes et laissés à eux-mêmes face aux dangers inhérents au développement incontrôlé des nouvelles technologies de l’information et de la communication. «Nul ne peut aujourd’hui mesurer l’impact négatif des téléphones portables sur les jeunes. Ils ont la facilité de se connecter sur internet et accéder à tous les sites», dit-il. Une ouverture sur le monde extérieur qui influe négativement sur leur comportement. La conséquence en étant, selon lui, cette perversion qui atteint de nos jours la démesure. «La drogue, le tabagisme, la prostitution, le vol entre autres sont aujourd’hui devenus des banalités aux yeux des jeunes. Des tares auxquelles viennent s’ajouter l’oisiveté, les jeux de hasard souvent organisés par l’Etat, la danse et la lutte. Toutes choses qui font d’elle une jeunesse divertie, qui s’amuse et se tue par la drogue sans jamais penser à son devenir», fait remarquer l’Imam. Aussi l’Imam d’en appeler à plus de responsabilité et d’encadrement pour une meilleure prise en charge de ces jeunes mais aussi pour mettre un terme à l’action de ces vendeurs de mort comme les trafiquant de drogue dont les actes ne font que contribuer à la dépravation de la jeunesse. Enfin l’Imam de prier pour la paix et la stabilité dans toute la communauté musulmane en général et dans le pays en particulier. Ses prières ont aussi été pour un bon hivernage sanctionné par une bonne campagne agricole.
Sidy DIENG