Les derniers actes posés par le chef de l’Etat n’agréent guère les responsables des droits de l’homme du Sénégal. Ceux-ci ont, en effet, analysé la situation politico-sociale et ont tiré la sonnette d’alarme tout en dézinguant Macky SALL et son régime. Pour ces « droits de l’hommistes », le débat sur la nationalité est une «pure aberration». C’était lors d’un panel organisé ce week-end par la RADDHO et qui a vu la participation de nombreuses organisations de la société civile. «Nous sommes dans un pays où la question de nationalité n’a jamais posé problèmes. Il y a eu un consensus assez large au niveau de la société. Pour des raisons politiques, des propositions ont fusé et tendent à modifier l’article 28 de la constitution. Ce que je trouve anormal», a soutenu Me Amadou Aly KANE. Et de poursuivre : «C’est une aberration. Est-ce qu’une personne peut savoir qu’il sera candidat cinq ans avant ? Pourquoi exiger cette clause seulement pour les binationaux ?». Il indique que cette nationalité exclusive sénégalaise, on ne demande pas de la prouver cinq ans ou 10 ans auparavant. Ainsi, il a invité les autorités à se montrer tolérantes et ouvertes. «Que cela soit dans la politique, l’administration ou le sport, il y a d’éminents étrangers qui ont servi le Sénégal avec abnégation. C’est le cas de Jean Collin, André Peytavin, Isaac Foster, Andrésia Vaz, Jean Paul Dias… il y a beaucoup d’étrangers qui ont servi le Sénégal avec dévouement et abnégation», soutient Me Kane qui demande à ce que cette question soit débattue avec intelligence.
Juriste et membre fondateur de la Raddho, Ibrahima Kane affirme que la loi sénégalaise de 1961 qui organise les questions liées à la nationalité sénégalaise, a tranché la question. «Elle l’interdit mais on constate que beaucoup de nos concitoyens ont la double nationalité. La raison voudrait qu’on accorde la double nationalité sauf pour le candidat à une élection présidentielle. Toutefois, on ne voit pas en quoi on devrait ajouter au texte une renonciation de 5 ans avant».
Radiation de Sonko
Les défenseurs des droits de l’Homme se sont prononcés sur la radiation de l’inspecteur des Impôts et domaines de la Fonction publique. Professeur de Droit à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad, Babacar Guèye souligne qu’il y a une précipitation dans la révocation de Ousmane Sonko. «Après le boycott de l’audition de M. Sonko et de ses avocats, on devait renvoyer à une date ultérieure pour réexaminer la question», affirme-t-il. De son côté, Me Amadou Aly Kane aborde la double casquette que porte Ousmane Sonko à savoir être fonctionnaire et chef de parti. De son avis, il serait intéressant de savoir si c’est le fonctionnaire qui a parlé ou s’il s’agit de l’homme politique. Suffisant pour Me Kane de demander la création d’une loi pour interdire à un haut fonctionnaire d’être chef de parti. A titre illustratif, il rappelle : «Lorsque le président Senghor a voulu gêner Me Abdoulaye Wade qui assumait les fonctions d’avocat et professeur à l’Université, Senghor a fait voter une loi qui rendait incompatible le cumul de la fonction d’enseignant à l’Université et celle d’avocat. Du coup Me Wade était obligé de choisir et il a choisi celle d’avocat». Il ajoute : «On est habitué à avoir de hauts fonctionnaires en politique mais du côté du pouvoir (Niasse, Tanor, Djibo Kâ…). Ce qu’on a pas l’habitude de voir, un haut fonctionnaire qui se met en face du pouvoir». Sous ce rapport, Me Kane déplore : «Le cas de Sonko est inédit parce qu’au moment où on le sanctionne il y a plus de 20 de ses collègues qui sont du côté du pouvoir. Il y a eu une ambiguïté dans la sanction qui a été appliquée à Sonko. Il n’a fait état que d’informations déjà connues. Il a fait état d’informations contenues dans la loi de finances parce qu’il est formé pour lire et interpréter la loi de finances. Il n’a pas livré d’informations gardées en secret. Il n’a dit que des choses connues et rendues publiques et l’a dit en tant que chef de parti».
Dans son intervention, le juriste Ibrahima Kane évoque aussi la création d’une loi consensuelle pour corriger les manquements juridiques entre les statuts de haut fonctionnaire et de dirigeant de parti politique. «C’est nécessaire pour l’Etat de régler ces problèmes pour qu’il n’y ait plus de cas Colonel Ndao, commissaire Keïta et Ousmane Sonko», précise-t-il.
WALFnet