CHRONIQUE DE MAREME : WASSANAM
« C’est tellement plus simple de fuir que de lutter contre ce qu’on veut», Pretty Little Liars.
Malick, le tombeur
Une semaine s’est écoulée depuis notre confrontation et chacun fait comme si l’autre n’existait pas. Aicha n’est pas comme la plupart des femmes que j’ai connues. Elle a du répondant et n’a pas peur de dire ce qu’elle pense. Le plus bizarre, c’est que je sais que je l’attire mais je ne l’intimide pas. D’habitude, les gens perdent le mot devant moi ; mais Aicha me répond du tic au tac.
Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises sans nous adresser la parole. Je déteste quand elle fait semblant de ne pas me voir alors que nous sommes dans la même pièce. C’est la première fois qu’une femme me snobe et ça m’énerve et m’attire à la fois. Je manque de concentration dans mon boulot et je voudrais trouver un prétexte pour la voir, lui parler et surtout savoir ce qui s’est passé dans sa vie. La curiosité est un vilain défaut, dit-t-on ; mais là, je suis à bout. Ce matin, je me suis réveillé avec la ferme intention de briser cette barrière invisible qui s’est dressée entre nous. Même si Suzanne m’a conseillé d’y aller doucement, je suis obligé de sortir de mon mimétisme et d’oser une approche surtout qu’elle m’a défié ouvertement.
Aicha dit que je ne lui fais aucun effet. Les femmes plus malhonnêtes qu’elles, tu meurs. S’il n’y avait pas Suzanne dans l’ascenseur, je lui aurais rappelé combien elle avait vibré dans mes bras au resto. La femme qui peut me résister n’est pas encore née. Oui vous m’avez bien entendu. En tout cas, elle a réveillé mon instinct de séducteur. A cet instant, Suzanne entre dans mon bureau.
- Tu es prêt pour la réunion avec M. dollars.
- C’est Abdullah Bin Abdulaziz Al Mojil. Depuis le temps toi aussi, fais un effort.
- Trop long pour moi. En plus, tu n’as pas vu qu’il aime bien que je l’appelle ainsi.
- Si jamais je perds mon plus gros client à cause de tes enfantillages, tu verras ma colère passer. D’ailleurs, il vient à quelle heure ?
- 15 heures. Ça veut dire dans trente minutes.
- Tu as appelé son interprète, je ne veux surtout pas de retard.
- Pourquoi a-t-il besoin d’un interprété en arabe alors qu’il peut parler anglais.
- Comme les asiatiques, les arabes ont compris que le développement d’un pays passe nécessairement par la langue et la monnaie de ce pays. Comment peut-on prétendre à un avancement quelconque si nous continuons de dépendre totalement de l’autre.
- Tu as raison, le développement de l’Afrique passera surement par la révolution des mentalités et quand je vois des personnes comme toi, j’y crois.
- Moi aussi. Bref arrête avec ce surnom ridicule. Emir c’est mieux, tout le monde l’appelle comme ça. Où est son dossier ?
- Je vais aller voir Fanta, elle avait presque fini ce matin.
- Je préfère Aïcha, dis-je en grimaçant.
- Moi aussi, mais elle m’a dit qu’elle ne me répondrait plus à ce prénom.
- Cette fille est bizarre. Va t’occuper des derniers préparatifs pour la réunion, je vais aller la voir. Elle lève un cil. Ne t’inquiète pas, j’entre, je demande le dossier et je ressors.
- Pourquoi je n’arrive pas à te croire ?
- Je veux juste vérifier un truc.
- Quoi ?
- Si je lui suis indifférent ou pas ? Elle ouvre grands les yeux mais je suis déjà loin. Devant son bureau, mon cœur commence à battre. Sans trop réfléchir j’ouvre. Et qu’est-ce que je vois : Aïcha, debout sur une natte, en train de prier. Je ne savais pas qu’elle était pratiquante, au fond, je ne sais rien d’elle. Je m’assois en attendant qu’elle finisse, contemplant ses moindres gestes. Je suis content de constater que c’est une pratiquante, c’est très rare de nos jours. Il y a une différence entre musulman et pratiquant. Par exemple, mes sœurs ne prient que quand elles ont des problèmes ou pendant le mois de ramadan ou encore quand il y’a des invités à la maison. Et ils sont nombreux ces gens qui prient pour leur entourage et non pour eux même. Abi est aussi pieuse, peut-être parce que issue d’un milieu maraboutique mais elle m’a confié qu’il y en a beaucoup chez son père qui font comme mes sœurs. Je vois Aicha faire ces assalamou aleycoume.
- Excuse-moi, Mme Coulibaly mais vu l’heure tardive que je quitte, quand j’arrive chez moi, je suis tellement fatiguée pour les prières, dit- elle en ouvrant son battant. Quand elle se retourne en dépliant son pagne, elle sursaute légèrement en me voyant.
- Bonjour Aicha, excuse-moi de t’avoir fait peur.
- C’est Fanta.
- Je préfère Aicha, elle ouvre la bouche et je la stoppe. Chuuut ! Je ne suis pas là pour polémiquer, à chacun sa préférence. As-tu fini avec le dossier d’Emir ?
- Oui, répond-elle avec énervement, en se dirigeant vers son bureau.
- A quelle heure tu descends d’habitude, demandais- je en la regardant droit dans les yeux pour l’intimider.
- Heu, ça dépend du boulot. Elle fuit mon regard et semble nerveuse. Elle me tend le dossier, les mains tremblantes, ce qui me fait sourire instantanément. Elle lâche les documents sans le faire exprès et les feuilles s’éparpillent partout dans la pièce. Je sais, mon sourire est ravageur. Les femmes toutes des frimeuses. Elle fait la dure devant Suzanne et elle vient ici trembler de désir pour un simple sourire. Je l’aide à ramasser les feuilles et nous nous retrouvons avec la dernière chacun tenant un bout. J’ai envie de la taquiner.
- N’y compte même pas. Elle fronce les cils pour savoir de quoi je voulais parler. Ces lèvres que tu vois là, dis-je en les touchant du bout de mes doigts, il faudra que tu me supplies pour y goûter encore. Les yeux et la bouche grandement ouverts, elle bégaye des mots incompréhensibles. Je tourne les talons la laissant avec sa surprise. Maintenant, j’en suis sûr, elle me désire plus que tout. Quand j’en aurais fini avec elle, je n’aurais même pas besoin de lui tendre la main, elle va me sauter dessus.
Dans la salle de réunion, je retrouve Fadel et Suzanne en train de terminer les derniers préparatifs. Curieuse qu’elle est, cette dernière s’approche de moi.
- Je n’aime pas ce regard.
- Quel regard ?
- Je te connais Malick, tu es comme mon petit frère alors ?
- Cette fille m’intrigue, son passé aussi, il faut que je sache ce qui se cache derrière toute cette carapace qu’elle s’est forgée.
- Et tu penses que la séduire est la meilleure manière. Je ne dis rien et fais semblant de ranger mes dossiers. Quelles que soient tes intentions, n’oublie pas que tu es marié et que c’est une jeune fille qui…
- Bla bla bla, tu n’es pas ma mère Suzanne ni mon marabout. Je t’ai donné carte blanche et depuis rien. Maintenant je monte en selle, ne te fatigue pas. Je me tourne vers Fadel qui fait semblant de nettoyer une tâche sur la table. Je le pointe du doigt, lui lançant : quant à toi, ta curiosité te perdra et je te jure que ce jour-là, ce ne sont pas les larmes de Suzanne qui vont te sauver. Va dire à Mlle Ndiaye qu’on l’attend en réunion. Il sort en courant.
- Depuis quand participe t- elle à la réunion.
- Depuis aujourd’hui.
- Malick Kane yémal (reste tranquille).
- Maa bagne (je refuse), dis- je en fixant malicieusement Aicha qui venait d’entrer. Aujourd’hui, j’aime bien ce qu’elle porte. Une robe rose évasée à partir de la taille qui rehausse bien sa belle peau marron. Mais je crois que c’est la façon dont la robe enveloppe les contours de sa poitrine que j’adore le plus. Comme tout à l’heure, elle semblait gênée par mon regard insistant.
- Viens t’assoir ici, dit Suzanne d’un ton protecteur, en me fusillant du regard. Je me retiens d’éclater de rire.
- Assalamou aleykoum. Je me tourne vers Emir qui vient d’entrer avec toujours ce grand sourire, les mains tendues vers moi.
- Mouhalekoum salam warakh matoulah, dis-je en répondant à son accolade chaleureuse. Je suis son avocat depuis trois ans et une petite amitié s’est tissée entre nous.
- How are you mister Abdullah Bin Abdulaziz Al Mojil ?
- Wath’s this name, I prefer Mr dollors (c’est quoi ce nom, je préfère monsieur dollar). Nous éclatons tous de rire et c’est dans cette ambiance chaleureuse que nous commençons la réunion.
Mais avant, il demande pourquoi on ne lui présente pas la belle demoiselle assise à côté de Suzanne. Mon sang fait un tour, j’avais oublié que c’était un homme à femmes et je regrette de suite d’avoir convié Aicha à la réunion.
- It’s not necessary (ce n’est pas nécessaire), lançais – je froidement pour ne pas qu’il s’attarde sur elle. Cette dernière me lance des yeux noirs et je regrette de suite mon action. Ce n’est pas de ma nature de rabaisser quelqu’un. Peut-être que Suzanne a raison quand elle dit qu’avec elle mes pensées se brouillent. Bref nous sommes entrés dans le vif du sujet. Emir avait déclenché une procédure judiciaire contre l’État du Sénégal sur un contrat de chantier que ce dernier voulait rompre alors qu’Emir avait déjà commencé les activités. La rumeur courait que l’Etat du Sénégal voulait le retirer du projet qui coûtait des milliards de F CFA et le remettre à une société française. Je ne comprendrais jamais les dirigeants africains. Ils sont plus là pour l’appât de gain que pour l’intérêt de leur pays. Dans ce projet, la société d’Emir n’emploiera que 10% d’étranger et les bénéfices seront partagés en moitié avec l’Etat. Alors que pour la France c’est tout autre, juste des miettes. Comme on dit les colons sont sortis par la grande porte pour rentrer par la petite fenêtre. Ils disent tout haut qu’ils sont là pour l’émergence de l’Afrique alors que les sociétés qu’ils ont réussi à implanter sous la complicité de nos dirigeants, ne sont que des gouffres financiers qui pompent toute l’économie de nos pauvres pays.
Bref nous sommes à notre troisième réunion mais bizarrement à chaque fois Emir s’énerve et arrête tout. Il pense changer d’avocat parce qu’il a l’impression que je ne veux pas le défendre contre son pays et que je suis en train de saboter le procès. Je ne sais pas pourquoi cette méfiance soudaine alors que je lui ai fait gagner trois affaires. Plus je parle, plus il remue la tête en signe d’approbation. Je lui montre comment j’allais faire pour démonter les preuves que l’Etat avait avancées quand je vois Aicha chuchoter à l’oreille de Suzanne. Ce n’était vraiment pas professionnel et voilà que Suzanne s’y mette. Énervé, je leur lance :
- Savez-vous que c’est très mal poli de faire cela, en plus devant un client.
- Est-ce qu’on peut se parler en privé s’il te plaît ? Vu le visage très sérieux de Suzanne, ça doit être quelque chose d’important. J’acquiesce et elles sortent toutes les deux.
- What happens, demande l’Emir ?
- Can I have some minutes please (puis-je avoir quelques minutes s’il vous plait).
- Yes of course (oui bien sûr) répondis t’il intrigué. Je sors de la salle de réunion très remonté.
- J’espère que vous avez une bonne raison de m’interrompre, rugis-je.
- Elle pense que l’interprète n’est pas de bonne foi, dit Suzanne. J’ouvre grand les yeux, en me tournant vers Aïcha
- Tu penses ou tu en es certaine. C’est quoi cette histoire ? Tu parles arabe ?
- C’était ma deuxième langue à l’Université. Je ne la maîtrise pas autant que l’anglais mais je la comprends un peu. Il est en train de traduire tout le contraire de ce que vous dites.
- Je comprends maintenant pourquoi Emir rejette toutes mes propositions, le salaud dis – je en rentrant dans la salle. Là, j’expose tout de suite le problème à Emir devant l’interprète qui commence à suer et à balbutier des inepties.
- Dès que j’en aurai fini avec cette réunion, je vais enclencher une procédure contre vous. Vous ne travaillerez plus jamais comme interprète.
- S’il vous plaît…
- Sortez tout de suite d’ici avant que je ne vous fasse regretter de vous être réveillé ce matin. Il s’excuse encore avant de partir.
- Moi je pense que tu devrais négocier avec lui pour savoir qui est derrière ces sabotages parce que ça commence à bien faire, me murmure Suzanne
- On verra ça tout à l’heure. A cet instant je vois Emire se tourner vers Aicha lui disant
- Choukrane (grand merci)
- La choucra allal waadji (pas de quoi, je n’ai fait que mon devoir).
Je les ai regardés s’échanger quelques mots sans rien comprendre de ce qu’ils se disaient, juste que les yeux d’Emir commençait à briller. Je n’aime pas que l’on marche sur mes platebandes.
- Hum, hum, fis-je seulement.
- Yes mr Kane, I like this girl, dit – il en désignant Aicha.
Exaspéré, j’ouvre encore le dossier espérant ne pas manquer de concentration. A la fin de mon plaidoyer, Emir se lève tout heureux, en me tendant la main.
- Wonderful El Malik, good job (magnifique, bon boulot). All hamdoulilah finit-il. Pour ensuite se tourner vers Aicha et reprendre son charabia. A cet instant, je me promis d’apprendre un peu plus l’arabe. Quand je le raccompagne, il me demande où se trouve le bureau d’Idrisse Niang. Il me fit comprendre que rien n’allait plus dans son foyer et qu’il avait décidé d’un comment-accord de divorcer avec sa femme. Je n’aime pas trop les méthodes d’Idrisse mais il est actionnaire dans le cabinet ce qui fait que je n’ai pas mon mot à dire sur son travail. Mais connaissant Emir, il ne fera que ce qui juste pour lui et sa femme.
Il nous fait un au revoir de la main en jetant un œil admiratif vers Aicha qui lui lance un de ses sourires. Elle ne m’a jamais souri moi, chime. Dès que nos regards se croisent, elle referme son visage en cadenas avant de tourner les talons. Walaahi, cette fille m’énerve et moi qui voulais la remercier, ce n’est plus la peine.
- Qu’est – ce qu’il y a encore Malick, tu devrais la remercier au lieu de lui lancer ton œil noir- là.
- Tu as vu comment elle a souri mielleusement à Emir.
- Jaloux, kèh kèh kèh…
- Faut pas me fâcher dé criais – je sans le faire exprès et me dirigeant dans mon bureau à pas de géant.
- Wawe déjà, elle te tient mon cher. Tu t’irrites rien que pour ça. Fait attention, dans ton dessein de la charmer, j’ai peur que tu te brûles les ailes.
- Moi ? hi tu parles.
- En tout cas, elle mérite qu’on lui double son salaire ce mois-ci par ce que non seulement elle vient de te sauver la mise sur ton plus gros client mais en plus elle a fini tous les dossiers qu’on avait en instance.
- Tout ? En moins de trois semaines ?
- Efficacité.
- Yaw dagua rakadiou tèye dé (tu es euphorique aujourd’hui) et tout ça parce que monsieur ne boude plus. Si tu continues avec ton sourire bête depuis quelque temps, je vais finir par renvoyer Aicha comme ça tu vas recommencer à descendre tard.
- Tu devras me passer sur le corps. Au moins, maintenant je serais soulagé de savoir qu’elle ne descendra plus vers 20 heures. Parcelles Assainies est trop loin.
- Elle rentre jusque-là bas ? J’imagine l’heure qu’elle arrive chez elle. Ce n’est pas sûr ça, comment peux-tu être aussi irresponsable.
- Je ne la force pas à rester ici jusque tard. En plus son frère est toujours devant son arrêt bus à l’attendre donc y a pas de souci.
- Tu aurais pu m’en parler. Toi aussi c’est la fille de l’autre. On ne peut se permettre de la laisser seule rentrer si tard et dans les bus en plus.
- Moi aussi je suis la fille et la femme de l’autre. Kholale boulma taha wahe dé (on se moque de qui ici ?), depuis le temps que je descends tard ish. Vous les hommes vous êtes incroyables quoi.
- Toi au moins tu as ta voiture et tu habites à Sacré-Cœur. C’est pas la peine de jouer l’outrée, ça ne me touche même pas. Trouve-moi une solution tout de suite car je ne veux plus qu’elle prenne le bus pour rentrer.
- La solution, elle est facile. Elle attend son salaire pour déménager et se trouver un studio. On a qu’à lui payer plus tôt que prévu ses heures supplémentaires. On est jeudi, donc elle pourra déménager dès le weekend puisqu’elle a déjà trouvé une chambre à Gueule tapée.
- C’est où encore, réfléchis – je. Ha oui je connais et pourquoi ce quartier ? Aussi pourquoi une chambre et pas un appartement ? C’est quoi son salaire.
- 400 et pour le reste, je ne sais pas. Tu n’as…. Mon portable sonne, c’est Emir, peut-être qu’il s’est perdu. Il me fait savoir qu’il veut que je lui envoie Aicha parce que Idrisse ne parle pas bien l’anglais. Et alors ? Juste un prétexte pour lui parler loin de moi. Jamais ai – je failli lui répondre mais je me retiens à temps. Je lui dis qu’elle sera là-bas dans 10 minutes avant de raccrocher.
- C’est Emir, il veut que je lui envoie Aicha pour la traduction ; il peut toujours courir. Vas-y et ne tarde pas trop.
- Tu as oublié ? Je la regarde sans comprendre. C’est notre anniversaire de mariage dit – elle en regardant apeurée sa montre.
- Je ne vais quand même pas la jeter dans la gueule du loup. Emir et Idrisse, deux loups garou, jamais, elle n’ira pas là-bas.
- Si elle ne s’est pas laissée mordre par toi alors…..
- Qui te dit que je ne l’ai pas déjà mordue ?
- Ah bon quand, demande-t-elle en s’asseyant sur la chaise.
- Curieuse ! S’il te plaît va à sa place. Je connais trop bien ce genre d’hommes.
- Tu es pareil qu’eux puisque toi aussi tu veux te la faire ?
- Ne m’insulte pas Suzanne, on connait ces hommes de par leurs nombreuses aventures. Moi je ne couche pas à gauche et à droite.
- Mais il t’arrive de tromper ta femme alors pour moi vous êtes pareils.
- Si Abi était plus présente dans ma vie jamais je ne l’aurai trompée.
- Est – ce que tu lui as laissée entrer dans ta vie Malick
- Oh que oui et tu le sais mieux que moi.
- Est – ce une raison pour la tromper. Mieux vaut divorcer…
- Ce mariage, je suis condamné à y rester surtout que nous avons des enfants. Heureusement que j’ai signé polygame et c’est peut-être pour cette raison qu’il m’arrive d’espérer ailleurs l’amour que je cherchais en l’épousant.
- Tu crois que tu le trouveras avec Aicha. En plus, je croyais que tu avais dit que l’amour n’existe pas.
- Quand je te vois toi et ton mari, je me mets à espérer. Je ne sais pas où est – ce que ça va me mener mais j’ai envie d’essayer quelque chose avec Aicha. Ce n’est pas pour rien que le destin s’acharne à nous réunir.
- Ce qui est sûr c’est que tu vas galérer avec elle.
- Tu en es sûr riais – je.
- Ris bien qui rira le dernier. Cette Aicha que tu vois là, c’est une vraie dure à cuire et tu vas vite déchanter.
- Ah bon, tu es en train de réveiller encore plus mon côté prédateur.
- Les dés sont jetés.
- Une semaine.
- Hi Malick, tu es trop sûr de toi, un mois maximum et même là j’en doute.
- Il ne faut pas insulter mon égo. Mais je prends le défi dis – je en lui tendant ma main. Si tu gagnes, je t’offre une voiture neuve. Depuis le temps que tu conduis cette tortue. Elle sautille comme une enfant en se dépêchant de prendre ma main et de la remuer très fort. Son enthousiasme débordant me fait un peu peur. Mais je me reprends vite, ce n’est pas pour rien que l’on m’appelait Malick le tombeur.
Aicha : le succès
Je regarde ma montre encore une fois. Je sens que je ne vais rien faire aujourd’hui. Je n’arrête pas de repenser à ce que Malick m’avait dit en entrant dans mon bureau : « Mes lèvres que tu vois, il faudra que tu me supplies pour y goûter encore ». Nooonnn, plus effronté que ce mec tu meurs. Hipipipe, moi Aicha Ndiaye supplier un homme pour l’embrasser, c’est dans quel monde ça. Je me déteste de ne pas lui avoir répondu sur le coup, il va croire qu’il a raison. Mais il ne paye rien pour attendre. Ce gars m’énerve grave, chiteuteute, wallahi je prie rèk qu’il essaye de poser ses lèvres roses, sucrés et… Va la – bas, je te wanda même. Chime pauvre fille, ton esprit le rejette mais tout ton corps réclame ce mec. Il l’a remarqué, c’est pourquoi il est si sûr de lui mais bilahi si tu flanches, tu vas voir. Aucune dignité.
- Maintenant tu parles toute seule ? Je sursaute jusqu’à faire tomber mon stylo, mon cœur bas trop vite.
- Hey Suzanne, tu m’as fait une de ces peurs. Est – ce qu’elle m’a entendu ?
- J’ai frappé et tu ne m’as pas répondu. Qui n’a pas de dignité ?
- Tu as entendu tout ce que je disais ?
- Non, juste la fin et c’est dommage, on aurait dit que tu menais un combat avec un ennemi invisible. Ouf, heureusement pour moi.
- Que puis – je faire pour toi ? Demandais-je pour changer de sujet.
- Descend au 4ème étage et demande au réceptionniste de t’indiquer le bureau de maitre Niang. Il y a Emir qui t’attend pour que tu lui sers d’interprète comme le sien est mis hors-circuit pour l’instant.
- D’accord.
- S’il te plait fait attention avec cet homme, il est… Disons qu’il aime les femmes alors….
- Ne t’inquiète pas pour moi, je sais me défendre.
- Je l’ai remarqué et c’est ce que j’ai dit à Malick tout à l’heure.
- Shhiiiipppp, je prends ma bouche. Excuse-moi mais ton patron m’énerve grave.
- Tu crois que tu pourras résister à Malick car j’ai remarqué que lui aussi il veut que tu tombes sur son charme.
- Peut – être quand la poule aura des dents. Hihihi rit – elle en se frottant les mains. Des fois Mme Coulibaly est étrange. Je préfère ne pas lui demander pourquoi elle semble si contente de ma réponse.
Nous sortons ensemble de mon bureau et avant que je prenne l’ascenseur, elle coure vers moi en me lançant
- J’ai failli oublier, il y a un beau chèque qui t’attend à ton retour.
- Ah bon, en quel honneur ?
- On donnait toujours un chèque de cinquante mille franc au traducteur et vu que tu nous as sauvés sur ce coup, il te revient de droit. Aussi, je vais calculer les trois heures d’heures supplémentaires que tu faisais chaque jour pour finir les dossiers en instance. Je n’ai même pas eu le temps de lui répondre, les portes se referment. Je souris grandement, waw si je m’y attendais, un chèque qui n’a rien à voir avec mon salaire. Je commence vraiment à me plaire ici.
C’est la première fois que j’entre dans cet étage où se trouvent les trois autres actionnaires du cabinet. En tout cas c’est très joli. Je me dirige vers le réceptionniste. Oups, elle fait partie du clan chauve-souris, elles sont 7 en tout, les unes plus artificielles que les autres. Elles sont tout le temps hyper maquillées avec des tenus qui frisent l’indécence, bref des allumeuses de service quoi. Dans le restau, il y a aussi les vielles et les diègg (femmes mariées à peu près la quarantaine). Nous, on nous appelle les battantes, nous ne cherchons ni à plaire, ni à charmer, nous sommes là pour le boulot et rien d’autre.
- Bonjour, on m’attend au cabinet Niang. Elle me toise avant de répondre d’un ton sec
- Il faut prendre rendez-vous. Ici on n’entre pas comme on veut mademoiselle. Je n’ai pas été avisée finit-elle.
- Ecoutez c’est le directeur en personne qui m’a sonné de venir ici pour servir d’interprète à un client et maitre Niang n’attend que moi alors si vous voulez bien vous renseigner, s’il vous plait votre altesse lui dis-je en faisant une génuflexion. Elle me fait un shipatou avant de prendre son combiné. Tu as de la chance que je suis de bonne humeur avec le chèque qui m’attend.
- C’est comment ?
- Dites-lui l’interprète. Shhhiiipppp Mais qu’est-ce qu’elle a à me chiper comme ça ?
- Excusez-moi monsieur mais une certaine interprète dit que vous l’attendez. Dix seconde plus tard, un homme ouvre grandement sa porte avec un sourire espiègle. Comme Malick, il est grand de par la taille et dégage un charisme fou. Son teint noir d’ébène est accentué par la blancheur de ces yeux et de son sourire.
- Bonjour Mlle Ndiaye, j’ai entendu beaucoup d’éloge sur vous. Veuillez me suivre s’il vous plaît. Un peu surprise par cet accueil si chaleureux, je le suis sans dire un mot. Dès que je fus installée, monsieur Niang renchérit ;
- Malick a de la chance d’avoir une si belle compagnie….
- Excusez-moi monsieur, peut-on commencer la réunion, s’il vous plait car il y a énormément de boulot qui m’attend, dis – je d’un ton tranchant. Il me regarde avec un air surpris avant de se tourner vers Emir qui semble être concentré sur un dossier.
- On peut bien faire connaissance en attendant puisque mon client est en train de s’imprégner du dossier. Je ne dis rien et lui de continuer. Moi c’est Idrisse Niang, je suis le deuxième actionnaire majoritaire de ce cabinet après Malick. J’apporte beaucoup de clients et de gros, sourit – il en regardant Emir. Et vous ? Je n’aime pas cet homme, allez savoir pourquoi, peut – être parce qu’il semble trop imbu de sa personne.
- Je suis interprète, c’est tout.
- Vu votre façon de me parler, Malick a dû mal à parler de moi. Nous avons toujours été de farouches concurrents seulement lui, il est déloyal.
- C’est vous qui me l’apprenez monsieur, Mme Coulibaly m’a juste envoyé ici.
- Suzanne ? il se tourne vers Emir qui vient de finir et qui ne semble pas d’accord sur certains points, vu son visage renfrogné. J’ai essayé de mon mieux de traduire ces phrases, vu que c’est la première fois que je le fais. La réunion dure une heure et d’après ce que j’ai compris, il ne veut pas laisser complétement sa femme ruiner et cherche un moyen de lui laisser assez de biens. Mais Me Niang est très intransigeant sur le partage, ce qui n’est pas du gout d’Emir qui semble être toujours amoureux de sa femme. Quand il parle on sent toute l’émotion qu’il éprouve. A la fin, ils se sont donné rendez- vous dans trois jours.
- Est-ce que je peux avoir votre numéro de téléphone me lance monsieur Niang et ce devant Emir qui sourit. Je le soupçonne de comprendre le français et de faire semblant.
- Je suis désolée mais je ne peux pas. Si vous voulez bien m’excuser. Je sors en dépassant le réceptionniste.
- Merci chauve-souris.
- Je te demande pardon ? Viens répéter ce que tu as dit hamadi (impolie va). Je ris aux éclats en lui tirant la langue. Elle est verte de rage. Mr Niang sort à cet instant du bureau accompagné de son client et du tic au tac, elle bombe sa poitrine et sort son sourire charmeur. Tièye les filles d’aujourd’hui. Je me dirige vers l’ascenseur et Emir vient me rejoindre rapidement avant que les portes ne se ferment. Vous vouliez voir le visage fermé ?
- Ne vous inquiétez pas, moi pas intention de vous draguer.
- Ha, j’en étais sure, vous parlez français. Il ricane et s’approche de moi.
- Ce sera notre secret. Cette réunion m’a fâché.
- Pourquoi, voulez-vous divorcer alors que vous aimez toujours votre femme ?
- Ah c’est elle qui veut, moi pas.
- Désolé. Allez savoir pourquoi sa femme veut divorcer, les hommes ah.
- Au fait elle là depuis hier et la première fois qu’elle venir Sénégal. Vu que vous parlez un peu l’arabe, je voulais toi être son guide ? Surprise, je ne sais pas quoi lui répondre ;
- S’il vous plaît dites oui. En plus je vais bien payé vous après. Il devrait continuer l’anglais parce que franchement je commence à avoir mal à la tête avec son français.
- Je vais d’abord demander à mon patron si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
- Bien sûr, lui connaitre mon numéro. Nous sommes à Terrou bi d’accord ? Je sors de l’ascenseur en répondant à son sourire.
Dans mon bureau, je vois un clignotant de mon portable m’indiquant un message. Je regarde, c’est Mme Coulibaly : Malick t’attend à son bureau pour un compte rendu de ta réunion. J’ai aussi déposé ton chèque pour ta signature. Bonne fin de soirée.
Je n’ai vraiment pas envie de voir ce mec, mais il le faut. Déjà que je dois lui dire la proposition d’Emir. Je regarde ma montre, il est presque dix-huit heures, de toute façon même si je reste, je n’arriverais à rien de bon. Je glisse mon portable dans mon sac et sors du bureau. Je prends un grand air avant de me pointer devant sa porte. Je grimace en me souvenant la dernière fois que j’y suis entrée. Toc toc toc.
- Entrez, dit – il avec cette voix chaude et envoutante. Il est concentré devant son écran portable. Assieds-toi, dit – il sans lever les yeux. Alors ? Je lui répète mot pour mot ce qui s’était dit.
- C’est tout ?
- Non , il y a Emir qui demande que je montre le pays à sa femme durant le weekend. Il fronce les cils et relève pour la première fois la tête depuis que je suis assise.
- A quoi joue-t-il ?
- Je ne sais pas monsieur mais il attend votre coup de fil. Il replonge dans sa lecture de je ne sais pas quoi. Je le regarde un moment, ces traits à la fois fins et bien masculins, son nez droit et sa bouche oh. Ne regarde pas là-bas, d’ailleurs qu’est- ce que tu fais encore là. Je me lève comme si j’étais piquée par une mouche.
- Tu devrais arrêter de lutter contre ton propre corps, juste un mot : pitié, ironise-t-il.
- Je vous laisse avec vos rêves de gamin. Au fait, votre Emir comprend très bien le français ; il le parle même.
- Quoi ? Tu blagues ? Je lui fais non de la tête et il éclate de rire. Non, ce gars est incroyable. Il a l’air plus jeune avec ce sourire détendu qu’il affiche.
- Il se fait tard, si vous voulez bien m’excuser, dis – je en tournant les talons.
- Tu ne veux pas de ton chèque ? Il me le tend et je le prends pour le mettre dans mon sac sans le regarder.
- tu rentres tout de suite ?
- Oui, je n’ai plus de dossier en instance.
- En parlant de cela, je tenais à te remercier pour tout. Tant qu’on y est, je tenais aussi à m’excuser pour la dernière fois. Je n’avais aucun droit de te juger encore moins de t’insulter. Il serait trop injuste de reconnaitre que tu fais du bon boulot depuis que tu es là. Je me tourne à gauche et à droite. Quoi rit – il ? Nous sommes partis du mauvais pied, je ne suis pas aussi tyran que je le laisse paraitre. Il fait son mimique craquant avant de se lever en prenant ses affaires. Je ne parle toujours pas, trop surprise. On y va lance-t-il.
- Je vous demande pardon?
- Je te dépose.
- Heu merci, ce n’est pas la peine, j’habite très…
- Je sais, dit – il d’un ton tranchant.
- Je ne peux pas monsieur.
- Pourquoi ?
- Les gens peuvent jaser, vous….
- Si ce n’est que ça, sache que je m’en fou du qu’en dira-t-on.
- Pas moi monsieur.
- Je déteste quand tu m’appelles monsieur et les vouvoiements encore moins. Sinon il faut que tu saches une chose avec moi, je ne marchande jamais alors, si je dois te mettre dans mon dos pour te ramener de force, je le ferai. Maintenant à toi de voir quelle manière tu préfères.
- Vous blaguez n’est-ce pas ?
- Est-ce que j’en ai l’air ? Il n’y avait aucune once de moquerie dans son regard. Il ne blague pas. Comme s’il lit dans ma tête, il dit. Je ne joue pas et ma patience à des limites, siffla t- il en s’approchant de moi.
- Ok d’accord, dis – je en levant les mains en signe de reddition. Mais vous êtes un vrai sauvage.
- Il parait. Je le suis, sans dire un mot et sans comprendre la tournure que prenaient les choses.
J’entre dans l’ascenseur avec Malick, ne sachant plus quoi faire face à un tel revirement de comportement. Nous nous défions du regard. Il s’excuse gentiment pour m’avoir menacé. Ce gars est bizarre et ses changements d’humeur me déstabilisent. Je vois ses lèvres s’incurver en un sourire avec ses yeux malicieux. Il n’est pas seulement beau mais cet homme a un charme fou et le pire c’est qu’il le sait.
- Tu sais que tes yeux parlent pour toi. Sa voix est devenue plus rauque. Je sens une chaleur m’envahir, l’air devient oppressant. Il fait une moue avec sa bouche, ce qui finit de me désarmer. S’il me touche, je fonds. Il s’approche à pas de loup vers moi.
- Est – ce que tu sais que cette robe me fait beaucoup d’effet ; elle te va comme un gant. Je recule jusqu’au fond, à cet instant, les portes s’ouvrent. Ouf, sauvée par le gong. En traversant le hall, sous le regard insistant du réceptionniste qui fait partie du clan des chauves-souris, je réfléchis sur le comment faire pour ne pas entrer dans sa voiture. Car, je viens de me rendre compte dans l’ascenseur que Malick exerce une emprise totale sur moi. Il avait raison de dire que je ne peux pas le résister au contraire. La seule solution est de ne jamais rester seule avec lui dans une pièce. Si je monte dans cette voiture, je suis perdue. L’heure n’est plus à la réflexion, il faut agir et vite. Debout devant l’immeuble, à attendre sa 4X4, mon esprit bouillonne à 1000°. Je ne vois qu’une chose : FUIR. Le temps que Malick contourne la voiture qui venait de se garer, j’enlève mes chaussures à talon et je prends la tangente. Je coure dans les rues de Dakar sans me retourner. Il fallait juste que je le fuis et pour cela, j’ai couru comme si j’étais la sœur d’Usain Bolt…….
Note de la chroniqueuse
Bonjour mes chers lecteurs, je suis contente de voir cet engouement suscité par ma nouvelle chronique. Vous êtes nombreux à me demander de publier deux chapitres par semaine et j’aurai bien aimé vous faire plaisir. Seulement, la réflexion et l’écrit demandent du temps et de l’énergie. Je ne dois pas seulement être capable de représenter la réalité objective de la vie mais je dois aussi traduire les sensations et les émotions que nous ressentons dans notre quotidien. Pour cela, il me faut au moins une semaine, surtout pour quelqu’un qui s’essaye à l’écriture et qui éprouve plus de mal à écrire quand il lit ces talentueux chroniqueurs qui n’arrêtent pas d’émerveiller tous les jours avec leurs belles plumes.
Merci pour votre attachement à mes chroniques et à lundi Incha Allah. N’oubliez pas d’aimer, de commenter et surtout de partager avec vos amis. Ça renforce et encourage.
A lire tous les lundis…
Par Madame Ndèye Marème DIOP
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