Le président Abdoulaye WADE pourrait bientôt passer pour un enfant de chœur. Lui qui a été chassé du pouvoir pour avoir, notamment, cherché un improbable troisième mandat, n’a presque rien fait au vu des dégâts que son successeur à la tête de l’Etat est en train d’enchainer. Nul besoin de revenir sur ce que Macky SALL avait promis et qu’il n’a pas fait (25 ministres). Les nombreux actes qu’il a posés depuis son élection sont assez éloquents pour mettre en exergue des œillères le détournant de la réalité. Entre la traque aux biens mal acquis, la réduction de son mandat et la libération de Karim WADE, sa rengaine, «une gouvernance sobre et vertueuse», qui sonne déjà depuis quelque temps comme une oraison funèbre, est définitivement annihilée par la mise en place du Haut conseil des collectivités territoriales.
150 membres luxueusement entretenus et gracieusement payés à ne rien faire, voilà la structure de plus que le président de la République a mise en place. Pourtant, le 28 aout 2012, alors qu’il revenait d’Afrique du Sud, le président Macky SALL avait annoncé la suppression du Sénat pour, disait-il, lutter contre les inondations. «J’ai décidé que l’Etat va consacrer des ressources substantielles à la recherche de solutions structurelles aux inondations récurrentes qui, causent tant de malheurs, de douleurs et de souffrances aux populations » avait soutenu le président Macky SALL, en guise de préambule. Avant d’ajouter : « Le rêve de mon ambition pour le Sénégal demeure la satisfaction de chaque Sénégalais et de chaque Sénégalaise qui a droit à une vie décente et digne ». Ainsi, après le tralala politico-politicien, il avait annoncé son intention de « soumettre en procédure d’urgence un projet de loi constitutionnelle pour la suppression du Sénat ». Précisant que « les ressources prévues pour cette institution, près de huit milliards, seront ainsi consacrées, entre autres, à la solution des inondations, à travers déjà le Projet de gestion des eaux pluviales (PROGEP)». Sa déclaration avait fait tilt, tellement Macky SALL avait bien disserté sur la réduction du train de vie de l’Etat. Le slogan « la patrie avant le parti » avait vu le jour. Mais, tout cela relève désormais du passé. Le spectre rappelant la dissolution du Sénat ainsi que de nombreuses agences a définitivement disparu. En plus des 150 députés, plus audibles quand il s’agit de se disputer un poste que lorsqu’il s’agit de faire appliquer des lois qu’ils ont votées, le contribuable va prendre en charge 150 autres chômeurs et conférenciers publics aux immenses allocations. Et ce, sans compter les 80 conseillers et 40 membres associés que compte le Conseil économique social et environnemental (CESE) qui ne justifie toujours pas l’opportunité des milliards engloutis annuellement. Ainsi, le Sénégal, ce tout petit pays d’à peine 14 millions d’habitants, va se payer une sorte de parlement avec 300 membres et 120 conseillers, dépassant même certaines des plus peuplées et plus riches nations du monde. Etats-Unis plus de 300 millions d’habitants pour 100 sénateurs. Le Nigéria plus de 181 millions d’habitants, 109 Sénateurs. Afrique du Sud plus de 52 millions d’habitants, 90 sénateurs appelés Conseillers nationaux des provinces. La liste est loin d’être exhaustive. Proportionnellement à sa population, le Sénégal dépasse l’essentiel des pays du monde à ce sujet.
Seulement, si le président Macky SALL semble se targuer de coudées franches lui permettant de faire pire que ce qu’il dénonçait sous WADE, c’est que la classe politique s’est mise au garde-à-vous, bien décidée à profiter des prébendes qu’il a à offrir. En effet, elles sont rares les formations politiques qui dénoncent vigoureusement cette nouvelle calamité institutionnelle. Les audibles voix qui dénonçaient jadis le Sénat sous Me WADE, ont d’un coup perdu leur tonalité. Au contraire, quand Macky SALL a signé le décret n0 2016-1027 portant répartition des sièges au scrutin majoritaire départemental pour l’élection des Hauts conseillers, rares ont été les voix qui se sont insurgées contre ladite répartition. Personne n’a demandé la pertinence qui a voulu que Kaffrine hérite de 6 sièges pendant que Kaolack n’en a que 5. Ni pourquoi Macky SALL, même président de la République, devrait choisir lui-même les 70 autres Hauts conseillers après avoir désigné les 120 membres du CESE. Le ministre Abdoulaye Daouda DIALLO a dernièrement annoncé que les élections allaient se dérouler le 4 septembre prochain. Ironie de l’histoire, le Sénat avait été dissolu pour résoudre des problèmes d’inondations, cette élection est prévue en pleine saison des pluies, sans que le phénomène ne soit endigué. Qu’à cela ne tienne, le Parti socialiste a manifesté sa volonté d’y participer tout comme le Parti démocratique sénégalais et bien d’autres partis politiques. Ainsi, comme si de rien était, la campagne électorale bat son plein en coulisse sans que les Sénégalais ne sachent de quoi il retourne réellement.
Mame Birame WATHIE