CHRONIQUE DE WATHIE
A presque 70 ans, le professeur nourrissait la grande ambition de devenir le premier Sénégalais à présider aux destinées de l’Union Africaine. Polyglotte, jouissant d’une expérience qui s’est davantage fortifiée par son implication, en tant que Représentant spécial du Secrétaire-général des Nations unies pour l’Afrique centrale et chef du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale, République du Gabon, dans des conflits ayant fait de nombreuses victimes, Abdoulaye BATHILY n’aura, probablement, pas l’occasion d’assouvir cette secrète appétence. Sur la liste de ses obstacles, il faut, peut-être, inscrire le président Macky SALL en haut de page.
Nombre d’observateurs ont peiné à expliquer les récentes sorties au vitriol de Mamadou NDOYE. Contrairement aux responsables du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), qui se sont ramollis depuis l’arrivée de Macky SALL à la tête du Sénégal et plus habitués à la langue de bois, le secrétaire-général de la Ligue démocratique (LD) ne manque pas, depuis un certain temps, une occasion pour se démarquer des actions du régime de Macky SALL, s’il ne les fustige pas. La LD, qui a appelé à voter «OUI» lors du référendum du 20 mars dernier, se veut depuis lors de plus en plus critique envers la mouvance présidentielle à laquelle elle appartient. «Si aujourd’hui, Karim Wade, qui a été reconnu d’enrichissement illicite, est libéré, ce sera un très mauvais message politique qui est donné à tous les gens qui seraient tentés d’aller vers le détournement de deniers publics et la corruption, puisque le message politique signifierait : oui enrichissez-vous et après on va vous libérer», avait martelé Mamadou NDOYE, au paroxysme des rumeurs annonçant la libération imminente du fils de Me WADE. Le 13 Juin 2016, le Secrétaire-général de la LD analysait le système scolaire sénégalais en des termes crus brocardant les théoriciens du Plan Sénégal émergent (PSE). «Et la détérioration de la situation du public donne de l’air au privé. En lui donnant de l’air, il amène les gens qui ont les moyens à se fabriquer un espace d’éducation spécifique et les autres dans un système qui ne fonctionne pas (…) Le Sénégal ne peut pas avoir un développement accéléré avec une moitié de la population analphabète parce qu’il n’existe aucun pays au monde qui a réussi une telle performance. Pourquoi voulez qu’on réussisse au Sénégal ce qu’aucun pays n’a réussi ? Historiquement, cela n’a pas été réalisé nulle part dans le monde, tous les pays qui ont la moitié de leur population analphabète sont des pays pauvres», avait observé l’ancien ministre de l’Alphabétisation et de l’Education de base. Avant ces deux dernières sorties post référendum, le Jalarbiste en chef s’offusquait explicitement de la « méthode Sall ». «Le Président Macky Sall ne consulte pas assez. Lorsqu’il y a des décisions qui sont stratégiques, on doit consulter de manière large », avait-il déploré, dans un entretien paru dans le journal Enquête en date du 13 avril 2016. Si, depuis ce mois-là, la LD n’a cessé de se radicaliser, c’est, en grande partie, parce que quelque chose d’autre se jouait au plan africain.
En effet, c’est au mois d’avril dernier que la liste des candidatures pour la présidence de Commission de l’Union Africaine a été close, si l’on en croit au ministre équato-guinéen des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Agapito Mba Mokuy. Au sortir de l’audience que le chef de l’Etat Macky SALL lui a accordée, cette semaine, le candidat déclaré au poste de président de ladite Commission a informé les Sénégalais et le monde entier que le Sénégal ne soutenait aucune candidature. « Du point de vue officiel, le Sénégal n’a pas de candidat. Je n’ai pas vu de note officielle allant dans ce sens. A la date d’aujourd’hui, il n’y a que trois candidatures retenues. Il s’agit du Botswana (Dr Pelonomi Venson-Moitoi), de l’Ouganda (Dr Specioza Naigaga Wandira Kazibwe) et de la Équato-guinéenne, dont je suis le candidat », a indiqué le chef de la diplomatie équato-guinéenne qui s’est dépêché d’ajouter : « Les listes sont closes». Le scrutin est prévu durant le prochain sommet de l’UA qui va se tenir à Kigali, au Rwanda, du 10 au 18 juillet 2016.
Un désastre pour Abdoulaye BATHILY qui comptait sur Macky SALL pour avaliser sa candidature afin de faire face aux anglophones divisés et au tristement inconnu lusophone, qui malgré ses ressources de campagne quasi inépuisables, a très peu de chance d’être compris. La présidente sortante, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, qui ne se représente pas pour « des raisons de convenance personnelle », a laissé un boulevard qui aurait bien pu profiter à l’historien. D’autant plus qu’Abdoulaye BATHILY, malgré l’ampleur des conflits pour la cessation desquels il a été appelé à jouer les bons offices, en tant que Représentant spécial du Secrétaire-général des Nations unies pour l’Afrique centrale et chef du Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale, République du Gabon, jouit d’une grande notoriété dans de nombreux pays de l’Afrique centrale et de l’Est. En plus d’avoir été ministre, à plusieurs reprises, dans différents gouvernements sénégalais, le professeur a d’autres atouts qui pouvaient faire de lui le candidat idéal. Maitrisant parfaitement l’anglais ce qui lui ouvre assez facilement les portes de nombreux palais d’Afrique australe, BATHILY aurait pu également jouer le rôle de tampon entre anglophones et francophones qui sont dans un conflit latent quant à la présidence de l’instance dirigeante de l’Institution panafricaine.
Seulement, pour être candidat, il faut être parrainé par son pays. Ce qui n’a, visiblement, pas été le cas du Pr BATHILY qui a probablement été court-circuité par Macky SALL. Mais, puisque ce dernier a habitué ses compatriotes à des revirements spectaculaires et qu’il est de plus en plus question de reporter le vote pour promouvoir des candidatures « plus sérieuses », BATHILY n’a pas à désespérer.
Chronique à lire tous les samedis
Par Mame Birame WATHIE
chronique précédente: cliquez ici